J'ai l'honneur d'inaugurer l'examen de cette mission par la présentation des crédits du programme 203, Infrastructures et services de transports.
Les équilibres de ce programme sont conformes au scénario de la planification écologique retenu par la Première ministre lors de la remise du rapport du Conseil d'orientation des infrastructures (COI), le 24 février dernier. Nous partions de très loin mais, dès 2018, la loi d'orientation des mobilités (LOM) a pérennisé le COI. Je félicite M. David Valence, son président, et ses équipes, pour leur travail responsable et ambitieux. L'investissement dans nos infrastructures est une nécessité qui ne doit pas être perçue sous le seul angle du coût, mais comme un catalyseur de croissance, de services et de cohésion de la société.
Le programme 203 est stratégique pour améliorer nos services de transport au bénéfice des usagers comme pour atteindre les objectifs de décarbonation du secteur, aujourd'hui responsable de plus du tiers des émissions de gaz à effet de serre du pays.
Conformément aux engagements du Gouvernement, ce budget est en hausse : doté de près de 4,4 milliards d'euros, le programme 203 augmente de plus de 300 millions par rapport à la loi de finances pour 2023 ; il donne une nette priorité aux modes décarbonés, en particulier au ferroviaire et aux transports collectifs.
Le budget de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France) s'élève à 4,6 milliards d'euros en 2024, en hausse de 800 millions d'euros par rapport à 2023 grâce à une nouvelle taxe sur les concessions autoroutières et les aéroports. Ce projet de taxe vise à mettre à contribution les secteurs autoroutier et aérien, c'est-à-dire les modes de transport les plus émetteurs de gaz à effet de serre, au bénéfice des modes décarbonés et moins polluants. Nous l'avons adopté sans modification en commission lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances (PLF).
La hausse de 13 % des crédits relatifs aux transports sur le périmètre du programme 203 et de l'Afit bénéficiera essentiellement au ferroviaire, aux transports collectifs, aux transports combinés et aux infrastructures cyclables. L'ensemble de ces modes représentera ainsi 59 % des investissements de l'Afit en 2024.
En contrepartie, les crédits dédiés à la route sont stabilisés. La priorité est donnée à l'entretien et à la régénération du patrimoine routier existant plutôt qu'au financement de nouveaux projets routiers. Je précise que cette orientation est pertinente à l'échelle de la France métropolitaine, mais pas dans certains territoires d'outre-mer qui rencontrent des difficultés spécifiques – je pense notamment à la Guyane, qui a besoin de développer son réseau de routes.
Les mandats de négociation des nouveaux contrats de plan État-région (CPER) reflètent également ces nouvelles priorités. La part de l'État sera intégralement financée par l'Afit, à hauteur de 8,6 milliards d'euros entre 2023 et 2027. Les deux tiers de l'enveloppe sont fléchés vers les transports ferroviaires et collectifs. En particulier, 700 millions d'euros seront consacrés au lancement des projets de services express régionaux métropolitains (Serm), avec le financement de premières études de préfiguration. De plus, 750 millions iront à la remise en état de lignes de desserte fine du territoire, plus communément appelées « petites lignes ». Cet effort s'inscrit dans la continuité des financements du plan de relance. Il appartiendra aux régions de choisir les projets qui seront financés entre 2024 et 2027. Le fret ferroviaire recevra 500 millions, afin notamment de remettre en état des lignes capillaires de fret. Enfin, 500 millions financeront la mise en accessibilité des gares ferroviaires.
L'enveloppe pour le financement de nouveaux projets routiers a été réduite de moitié par rapport aux précédents CPER.
Un mot également sur le vélo, qui bénéficie d'un soutien renforcé dans le cadre du nouveau plan Vélo et mobilités actives 2023-2027, lancé l'année dernière par la Première ministre. Pour la seule année 2023, plus de 200 millions d'euros seront versés aux collectivités pour des aménagements cyclables dans le cadre du sixième appel à projets du fonds Mobilités actives. Par comparaison, c'était 365 millions d'euros au total pour les cinq premiers appels à projets !
Le développement de nos infrastructures cyclables et de la pratique du vélo est très encourageant : les ventes de vélos à assistance électrique progressent fortement, grâce aux aides ; les aménagements cyclables sécurisés se multiplient ; la part modale du vélo pour les déplacements entre le domicile et le travail augmente sensiblement.
Le nouveau plan Vélo fait par ailleurs une priorité de l'accompagnement des territoires ruraux moyennement et peu denses. Je m'en réjouis car le vélo a là toute sa place, contrairement aux idées reçues.
Concernant le volet fluvial, Voies navigables de France (VNF) tient la trajectoire ambitieuse prévue par son contrat d'objectifs et de performance (COP) en matière de modernisation et de régénération de son réseau grâce à des ressources dynamiques. La remise en état du réseau fluvial est d'autant plus cruciale que celui-ci est affecté par le réchauffement climatique et par des épisodes de sécheresse accrue. Il faut aujourd'hui veiller à préserver cette dynamique positive issue du COP et du plan de relance.
À la suite du dernier rapport du COI, et du choix du scénario le plus ambitieux, il est plus que jamais nécessaire de nous doter d'une programmation pluriannuelle des investissements pour les infrastructures de transport, grâce à un schéma directeur qui repose sur des ressources fléchées et affectées, afin de tracer des perspectives et d'assurer une meilleure visibilité à un secteur qui fonctionne sur le temps long.
Comme l'a dit le président de notre commission, le Parlement doit prendre toute sa place dans les choix d'orientation et des financements de nos infrastructures de transport, comme c'est déjà le cas pour la programmation militaire par exemple.
C'est tout particulièrement nécessaire pour le ferroviaire qui requiert une vision à long terme : les décisions d'investissement en faveur du rail entraînent des conséquences pour plusieurs décennies.
En cohérence avec nos ambitions partagées pour ce secteur, la Première ministre a annoncé le 24 février dernier un plan de 100 milliards d'euros pour le ferroviaire à l'horizon 2040, avec un investissement renforcé pour la régénération et la modernisation de l'ordre de 1,5 milliard d'euros supplémentaires d'ici à la fin du quinquennat. L'ensemble des personnes auditionnées pour cet avis ont salué cet engagement historique pour une nouvelle donne ferroviaire, de même que la priorité donnée à l'état du réseau.
Les travaux du COI, et plus récemment de l'Autorité de régulation des transports (ART), confirment en effet que l'état vieillissant du réseau ferroviaire et le retard accumulé par rapport à nos voisins européens pour le déploiement de la commande centralisée de réseau et du système européen de gestion de trafic des trains (ERTMS) constituent des freins majeurs au report modal et à la croissance attendue des trafics ferroviaires. Dans un rapport publié cet été, l'Autorité de régulation des transports a estimé qu'à niveau d'investissement constant, la dégradation du réseau pourrait conduire jusqu'à 13 % de pertes de trafic à l'horizon 2030.
Les annonces de la Première ministre vont donc dans le bon sens. Toutefois, à ce jour, les détails de ce plan – en particulier les modalités de financement des 1,5 milliard d'euros supplémentaires annoncés pour le réseau ferré à l'horizon 2027, conformément aux recommandations du rapport du COI – ne sont pas communiqués. C'est pourquoi je vous proposerai d'adopter une demande de rapport au Parlement sur ce sujet.
En ce qui concerne les services express régionaux métropolitains, je voudrais remercier notre président et saluer le travail de notre commission sur ce sujet. Les auditions de Régions de France, de la Société du Grand Paris et de la SNCF ont confirmé que ces projets pourront être correctement amorcés dans le cadre des nouveaux CPER. Fondés sur un haut niveau d'intermodalité, les Serm répondent tout autant à nos objectifs de décarbonation qu'aux besoins d'amélioration de la desserte entre les zones périphériques des grandes agglomérations. La plupart des projets n'émergeront pas avant la fin de la décennie 2030 ; nous n'en sommes qu'aux prémices, mais la dynamique est lancée.
J'ai déposé un amendement pour relever le plafond d'emplois de la Société du Grand Paris. Ses missions devraient être élargies par la proposition de loi adoptée par notre assemblée et en cours d'examen au Sénat ; or, son plafond d'emplois n'évolue pas en conséquence dans le PLF pour 2024.
Je défendrai deux autres amendements, l'un visant à relever la dotation budgétaire allouée à l'ART, qui n'a pas augmenté en proportion de l'élargissement de ses missions depuis 2015, le second visant à renforcer l'équipe dédiée aux trains d'équilibre du territoire (TET), dont l'État est autorité organisatrice, conformément à une recommandation du rapport d'évaluation de MM. Valence et Maquet.