L'examen des crédits de la mission Sécurités – hors programme Sécurité civile – intervient dans un contexte de très forte mobilisation des forces de sécurité intérieures sur tous les fronts : grand banditisme, trafic de stupéfiants, sécurité du quotidien mais également menace terroriste et lutte contre l'islamisme radical, à quoi s'ajoute la préparation des Jeux olympique de Paris.
Le projet de budget 2024 est à la hauteur de ces enjeux. La hausse de 5 % des crédits demandés représente 1,2 milliard supplémentaire en AE et près de 1,1 milliard en CP. Elle profitera dans des proportions équivalentes à la police et à la gendarmerie nationales. Cette trajectoire est globalement conforme à celle qui figure en annexe de la loi du 25 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi).
Ces crédits permettront la poursuite de la trajectoire de doublement de la présence sur la voie publique des policiers et gendarmes d'ici à dix ans. Cette mesure phare, annoncée par le Président de la République en conclusion des « Beauvau de la sécurité », passe en premier lieu par un renforcement des effectifs. Celui-ci a déjà été engagé en 2023 – plus 2 857 ETP – et se poursuivra en 2024 grâce à un schéma d'emploi de plus 2 184 ETP.
Par ailleurs, le financement d'outils numériques permettant de travailler en mobilité est priorisé. Cette mission sera notamment confiée à la nouvelle agence du numérique des forces de sécurité intérieures (ANFSI), créé en août 2023 et placée sous la responsabilité conjointe du directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) et du directeur général de la police nationale (DGPN). Lors d'un déplacement effectué à la brigade de recherche et d'intervention (BRI) de la préfecture de police de Paris, j'ai pu mesuré combien ces questions d'équipement des forces étaient importantes. Je plaide d'ailleurs pour une décentralisation de certains marchés publics du ministère, notamment sur des équipements très spécialisés, ce qui permettrait de gagner en efficacité et en rationalité budgétaire. Cela serait un marqueur de confiance vis-à-vis des acteurs de terrain, qui connaissent précisément leurs besoins.
Sur le plan humain, au-delà de l'accroissement des effectifs, la mise en place des protocoles sociaux liés à l'application de la Lopmi sera poursuivie en 2024. Les mesures catégorielles représenteront 195 millions pour la police nationale, dont 97 millions au titre du protocole pour la modernisation des ressources humaines de la police nationale signé le 2 mars 2022. Pour la gendarmerie nationale, les mesures catégorielles s'élèveront à 155 millions.
Je salue la reconnaissance ainsi témoignée à nos forces de l'ordre mais deux remarques s'imposent.
L'une est d'ordre structurel avec, à mon sens, une enveloppe trop faible allouée à l'action sociale du ministère. S'agissant de la police nationale, seulement 10 millions sur 44 millions seront consacrés à l'articulation entre vie professionnelle et vie familiale. L'enveloppe allouée à la gendarmerie se limite quant à elle à 2,4 millions, centrée sur l'accompagnement des blessés et des invalides. Je suis convaincue qu'il s'agit d'un enjeu d'attractivité important pour ces métiers. Aussi, je ferai part au ministre de l'intérieur de mon souhait que ces crédits soient revalorisés. Le financement de ces augmentations pourrait être assuré par la suppression de ce que je considère comme une anomalie : la contribution du programme 176 au fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP). La police nationale subit depuis 2021 une contrainte importante sur son champ « hors titre 2 » liée aux pénalités imposées. Un changement de doctrine est intervenu en 2018, le fonds intégrant désormais dans le calcul de l'obligation dite « des 6 % » les personnels actifs de la police nationale, qui ont pourtant des prérequis physiques et psychologiques incompatibles avec la reconnaissance de travailleurs handicapés. Pour satisfaire cette obligation, il faudrait que plus de 50 % des personnels administratifs de la police aient cette reconnaissance, ce qui est impossible. L'enjeu budgétaire est très important – il s'élève à 30 millions par an – et ne fait l'objet d'aucune budgétisation en loi de finances initiale.
L'autre remarque est d'ordre conjoncturel. L'année 2024 sera marquée par une mobilisation exceptionnelle et inédite des effectifs en vue de la sécurisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris. Dans ce cadre, j'ai déposé en première partie de loi de finances un amendement visant à exonérer d'impôt sur le revenu le paiement des heures supplémentaires réalisées durant cette période. Je regrette que notre assemblée n'ait pas adopté cette mesure de justice. Aucun fonctionnaire ne sera mobilisé comme le seront les forces de l'ordre. Je répète mon attachement à cette exonération ciblée, temporaire, qui permet aussi de faciliter les discussions autour de la compensation de cette mobilisation. Je compte sur la navette parlementaire pour aboutir.
Le dernier point que je souhaitais aborder concerne la gendarmerie nationale. La rénovation des bâtiments affectés au logement des fonctionnaires et de leur famille doit être amplifiée. Certaines casernes sont indignes. Aussi, je déposerai un amendement d'appel sur le programme 348, qui concerne les crédits de rénovation des bâtiments de l'État.
Réserves faites de ces remarques sur lesquelles les travaux doivent se poursuivre, je donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Sécurités – hors programme Sécurité civile.