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Intervention de Jean-François Carenco

Réunion du mercredi 28 septembre 2022 à 15h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer :

L'exercice est difficile, mais c'est un honneur, un bonheur même, d'être auditionné par votre commission. Vous avez déjà effectué un travail important – j'aperçois M. Vuilletet, rapporteur du projet de loi relatif à la fonction publique des communes de Polynésie – et montré votre attachement à ce que j'appelle « l'archipel France ». Les outre-mer donnent à notre République toute son amplitude, sa diversité et sa richesse ; je souhaite, à titre personnel, que les citoyens de l'Hexagone les connaissent mieux et en soient plus fiers.

J'évoquerai devant vous les principaux thèmes qui structurent le début de mon mandat rue Oudinot, placé sous l'égide de la Première ministre et du ministre de l'intérieur et des outre-mer. Je parlerai aussi de la Nouvelle-Calédonie, un sujet auquel vous êtes particulièrement attentifs, ainsi que de Mayotte et de la Guadeloupe, dont la situation est préoccupante.

La feuille de route, que j'ai appelée « Renouveau des outre-mer », a été lancée par le Président de la République le 7 septembre, lors de la réception à l'Élysée des élus ultramarins signataires de l'appel de Fort-de-France. Elle renferme des actions concrètes et des investissements, par territoire, et est assortie d'un calendrier.

Une deuxième feuille de route a été signée par le ministre de l'intérieur et des outre-mer à mon intention. Je suis fier et heureux de travailler auprès de Gérald Darmanin ; loin de me sentir un « ministre au rabais », comme on a pu l'entendre ces trois derniers mois, je pense qu'une fois encore, l'histoire montrera que ce sont les ministres délégués qui réussissent le mieux dans ce portefeuille. Il est vrai que je laisse volontiers au ministre les questions de sécurité et d'immigration ; pour le reste, nous nous aidons. Je peux vous dire que Gérald Darmanin se montre très attentif aux questions de développement économique, social et d'investissements outre-mer.

Il s'agit, dans chacune des feuilles de route, de trouver les voies d'une action publique plus efficace face aux problèmes du quotidien rencontrés par nos compatriotes. Au terme d'une période de travail de six mois, un comité interministériel des outre-mer (CIOM) se tiendra pour préparer une première série de décisions. S'ouvrira alors une deuxième phase de travail. Il s'agit de définir si, dans les domaines de l'action publique, les procédures, les méthodes, les lois et décrets sont bien adaptés aux principes – différenciation et responsabilisation – définis par le Président de la République. Au terme de ces travaux, nous verrons s'il convient de modifier les articles 73 et 74 de la Constitution. Le Président de la République et la Première ministre ont été très clairs : s'il est nécessaire de faire bouger les institutions et la répartition des compétences, pour une action publique plus efficace et mieux partagée avec les collectivités, nous le ferons.

Nous entendons renforcer l'ambition républicaine grâce aux habitants des territoires, en visant particulièrement la sécurité, l'immigration, la formation et l'éducation. Nous affirmons, plus fortement qu'avant, notre volonté d'agir dans deux autres domaines : la création de valeur et le développement des entreprises – il est inacceptable qu'il n'y ait pas d'avenir économique pour les jeunes de l'archipel France – ; la culture et l'histoire – le rapport aux outre-mer est fondamental pour l'histoire de la République et les ultramarins doivent être fiers de ce qu'ils apportent à la France.

Nous devons aussi traiter, en urgence, de plusieurs sujets comme les sargasses, le chlordécone, l'eau potable ou les dessertes aériennes. Un dernier point de la feuille de route fera l'objet de toute notre attention en 2023 : l'insertion et le rayonnement international des territoires dans leur bassin géographique. Cela imposera peut-être de modifier certaines normes, françaises comme européennes. Les normes sont utiles, car protectrices et créatrices de valeurs, mais elles ne doivent pas être forcément les mêmes à Maripasoula, en Guyane, et à Langogne, en Lozère.

À la demande du Président de la République et de la Première ministre, j'ai effectué une visite du 9 au 15 septembre en Nouvelle-Calédonie, ce trésor du Pacifique. J'y ai rencontré l'ensemble des acteurs calédoniens. Il s'agissait, après la tenue du troisième référendum, de renouer les fils du dialogue. Je sais l'Assemblée nationale, et sa présidente, très présentes dans ce dossier.

À l'issue de ces premiers contacts bilatéraux, ardus, l'ensemble des parties sont convenues de se rendre à Paris, d'abord pour des réunions bilatérales. Un comité des partenaires pourra ensuite remplacer le comité des signataires, avec la tenue éventuelle de réunions trilatérales. Depuis l'obtention de cet accord, les journalistes sont pressants, les divers bureaux s'expriment, les déclarations fusent, la situation est compliquée et incertaine. Mais j'ai confiance car je connais nombre d'acteurs – c'est la raison pour laquelle le Président de la République m'a envoyé à Nouméa – et je sais la valeur de la parole donnée. Seul compte le fait de se retrouver et de tracer, ensemble, les voies d'une Nouvelle-Calédonie rayonnante pour les trente ans qui viennent. Nous allons tenter de trouver une méthode consensuelle pour avancer sur ce chemin. L'énergie et le nickel – un trésor absolu pour l'île – sont des sujets centraux mais, je ne le cache pas, très complexes.

Le ministre de l'intérieur et des outre-mer s'est exprimé devant cette commission sur les enjeux de sécurité et de contrôle de l'immigration, à Mayotte et en Guyane ; son engagement est total et sa volonté sans faille. Je me suis entretenu hier au téléphone avec Serge Letchimy et le président de la collectivité territoriale de Guyane, Gabriel Serville, pour préparer son déplacement à Cayenne, puis en Martinique, en compagnie du garde des sceaux, du ministre chargé des comptes publics et de vous-même, monsieur le président.

La situation est grave, elle doit nous interroger : si on laisse faire quand on assassine des gens dans la rue, c'est la République qu'on tue. Vous connaissez la formule de Paul Valéry, « Deux dangers ne cessent de menacer le monde : l'ordre et le désordre. » Eh bien, il faut revenir à plus d'ordre, tout en garantissant les libertés républicaines et la protection des droits de la personne. Le temps est à la fermeté. Le Parlement, en votant le budget, nous a donné des moyens, mais il existe encore une marge de progression pour assurer que la République ne meure pas en certains endroits du territoire.

Lorsque vous vous rendez à Mayotte, que vous discutez avec les élus, vous êtes frappé par l'attachement des Mahorais au drapeau français, à la République. Le lien est sincère, il n'est pas motivé par le fait qu'on paye un peu mieux que les voisins. Je leur parle de progression, de lente évolution : voilà onze ans que Mayotte est un département français ; les autres ont mis plus de cent dix ans pour parvenir à la stabilité.

Plusieurs sujets sont à l'ordre du jour : ordre public, immigration, habitat, création de valeur – il y a, à Mayotte, des entreprises qui fonctionnent bien –, infrastructures. Il faut parfois quatre heures de voiture pour aller travailler à Mamoudzou et quatre heures pour en revenir ! Je sais, pour avoir travaillé aux premières configurations du Grand Paris Express, que les grands projets d'infrastructures prennent du temps. C'est pourquoi il faut commencer dès maintenant. Une mission sur les infrastructures de transport à vingt ans a été lancée, en liaison avec le maire de Mamoudzou et le président de la collectivité territoriale.

Nous voulons aussi travailler sur le logement. De vastes bidonvilles se sont constitués à Mamoudzou et à Koungou ; la problématique dépasse de loin celle de l'habitat insalubre. Nous travaillons, en accord avec les deux maires, le président de la collectivité territoriale et le préfet, pour mettre en place une société publique locale d'aménagement d'intérêt national (SPLAIN), sur le modèle de ce qui s'est fait, pour la rue d'Aubagne, à Marseille. L'idée est de « décaser » les personnes et de reconstruire sur place. Tout le monde est en phase, il faut maintenant accélérer les efforts.

Je me suis rendu en Guadeloupe après le passage de la tempête Fiona. Trois mille foyers ont été touchés ; par miracle, nous n'avons à déplorer qu'un décès. J'ai ressenti une grande émotion lors de ma visite, en voyant la solidarité s'exprimer entre les familles ou les personnes d'un même quartier, mais aussi de la part de la République : les équipes du RSMA – le régiment du service militaire adapté de la Guadeloupe – sont intervenues, des régiments de Martinique et des services de la sécurité civile sont venus en renfort. Il faut désormais travailler au relogement des victimes et à l'adduction d'eau potable. Une équipe est arrivée de Paris pour dresser le bilan des ponts endommagés. Une quarantaine de ponts, sur les routes territoriales et communales, devront être reconstruits.

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