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Intervention de Éric Dupond-Moretti

Réunion du mardi 27 septembre 2022 à 15h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux :

Madame Taurinya, je ne suis pas ministre de l'intérieur. Je ne suis pas non plus préfet : je ne peux pas prendre une mesure d'obligation de quitter le territoire français (OQTF). Voilà ma réponse, à la fois complète et juridiquement juste.

S'agissant des rixes, monsieur Léaument, un plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences liées aux bandes et groupes informels a été lancé. Les groupes locaux de traitement de la délinquance (GLTD) ont été renforcés dans plusieurs villes. Les interdictions de paraître se sont multipliées dans les réquisitions. Les stratégies d'enquête ont été renforcées. Des réflexions sont en cours pour créer de nouvelles infractions lorsque les agissements incriminés ont été commis par des majeurs avec le concours de mineurs qu'ils ont entraînés avec eux. Vous lirez notamment avec intérêt, j'en suis convaincu, la circulaire de politique pénale générale que je viens de prendre : vous y trouverez des réponses complètes aux questions légitimes que vous me posez.

Madame Agresti-Roubache, j'ai effectivement annoncé un plan Marshall. Cela pouvait paraître un peu prétentieux, mais il s'avère que les magistrats eux-mêmes disent que nous avons tenu parole : nous avons envoyé du personnel supplémentaire, notamment des magistrats. Il reste la question de la cité judiciaire de Marseille. Nous y travaillons d'arrache-pied. Encore faut-il trouver le terrain. Je travaille à la question avec les députés qui veulent m'aider. Nous allons faire expertiser dans les jours à venir des terrains qui nous ont été proposés. Je tiens à ce que cette cité judiciaire, qui doit regrouper le tribunal judiciaire (TJ), le tribunal de commerce et le conseil des prud'hommes, soit construite en cœur de ville. C'est important, car c'est aussi de la justice de proximité.

Madame Lechanteux, avec vous, ce sont toujours les mêmes rengaines. Il se trouve que le taux de réponse pénale pour les mineurs est supérieur à 90 %. Les mineurs sont impliqués dans des affaires de nature différente de celles des majeurs. Vous me reprochez de ne m'être occupé de rien. Or il existe un code de la justice pénale des mineurs. Après une expertise d'un an, il s'avère que nous avons gagné un temps considérable. Ce temps est indispensable, car plus le délinquant est jeune, plus la réponse pénale doit arriver vite. Le délai moyen est désormais de sept mois, alors qu'avant l'entrée en vigueur du code, un mineur sur deux était jugé une fois qu'il était devenu majeur. Dire qu'on n'a rien fait, c'est donc gonflé ! En revanche, nous n'avons pas beaucoup entendu, à l'époque, les quelques députés de votre groupe qui siégeaient déjà ici.

Le texte commence à produire des effets. À cet égard, je voudrais vous annoncer quelque chose qui va sans doute vous surprendre et qui mérite d'être affiné – je communiquerai très précisément sur le sujet : il semble que la délinquance des mineurs soit en baisse. Naturellement, on n'en parle pas à la télévision, mais nous ne sommes pas ici pour commenter l'actualité : notre rôle est d'avoir une vision globale de ce qui se passe dans le pays.

Monsieur Cinieri, vous êtes contre les CEF. Que voulez-vous que je vous dise ? Moi, je suis pour. Ils sont très utiles car ils fonctionnent : quand un jeune passe par un CEF, le taux de récidive diminue, et plus il y reste, plus le taux de récidive est faible. Dois-je vous rappeler qui a eu l'idée de créer les CEF ? Vous l'avez sans doute en mémoire. Cela dit, on peut être favorable sur le principe à ce genre d'établissement et ne pas en vouloir chez soi… De l'approbation de principe à la réalisation, il y a un pas qu'à l'évidence vous ne souhaitez pas franchir, mais je respecte totalement votre liberté.

Monsieur Le Gendre, s'agissant de la CJR, l'arbitrage n'a pas encore été rendu. Le rapport Sauvé propose sa suppression au bénéfice d'une juridiction de droit commun. Cela fera certainement partie, effectivement, des travaux de la commission transpartisane souhaitée par le président de la République. Quant aux précisions de calendrier, je ne suis pas la personne la mieux placée pour vous répondre, mais une réponse sera apportée. De tels espaces de discussion permettent de créer des ouvertures et d'avancer, notamment en matière d'institutions. De la même façon, je crois au Conseil national de la refondation, que je pense très utile. J'ai cru également aux états généraux de la justice et à la plateforme citoyenne, ou encore à la Convention citoyenne pour le climat. En ce qui concerne les institutions, nous étions sur le point de réussir à modifier l'article 1er de la Constitution, mais nous n'avons pas pu faire prospérer ce texte, à notre grand dam.

Monsieur Houssin, vous avez parlé de « laxisme judiciaire ». Révisez vos fiches une fois pour toutes ! Il y a la vision « fait-diversière » de la justice, colportée par un certain nombre de médias et dont vous faites votre miel, et puis il y a les chiffres. Or, en matière correctionnelle, on est passé en quelques années de six mois ferme en moyenne à neuf mois et, en matière criminelle – où ce sont les Français qui jugent, car ils composent le jury populaire – de quatorze ans à seize ans.

Par ailleurs, un autre mensonge est colporté en permanence par vos amis : celui selon lequel les peines ne seraient pas exécutées. Il est faux de dire qu'il existe un stock de peines non exécutées : il y a des peines en cours d'exécution. Quand un mandat de dépôt est prononcé, l'exécution est immédiate. Dans le cas contraire, quand la peine est aménageable, le processus est différent. Soit dit en passant, la droite avait décidé que les peines allant jusqu'à deux ans de prison pouvaient être aménagées. Pour notre part, nous avons considéré que l'aménagement devait être interdit pour les peines de plus d'un an. Nous avons donc été deux fois plus sévères – mais peu importe. Quand l'aménagement est possible, intervient d'abord le conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation (CPIP), qui mène une enquête. Par exemple, on ne peut pas décider de placer quelqu'un sous bracelet électronique d'un claquement de doigts : il faut vérifier qu'il existe une ligne téléphonique, un domicile ou un véritable hébergement, un travail. Ensuite, le juge d'application des peines se prononce. Vous dites, de façon mensongère, que pendant ce temps les peines ne sont pas exécutées. Savez-vous seulement que le taux d'exécution des peines est de 95 %, l'un des plus élevés d'Europe ? Mais cela vous arrange de dire que les peines ne sont pas exécutées et que la justice est laxiste. C'est comme cela que vous attirez un certain nombre de vos électeurs.

Monsieur Balanant, je tiens à souligner la qualité du travail que vous accomplissez au Parlement, et je suis d'autant plus habilité à le faire que je le connais. Oui, on peut réfléchir à un texte spécifique, car ce que vous avez dit est parfaitement juste. Il ne faut pas être fermé ; il faut réfléchir pour être plus efficace.

Monsieur Terlier, je vous rends hommage pour le travail colossal que vous avez accompli. Le Rassemblement national dit que nous n'avons rien fait pour les mineurs, mais ils n'étaient pas là, donc ils ne savent pas – ils ont au moins, à mes yeux, cette circonstance atténuante. Le texte en question est extraordinaire. Auparavant, les mineurs délinquants étaient jugés une fois sur deux alors qu'ils étaient majeurs. Un gamin ayant commis un délit à 16 ans pouvait ainsi être jugé quand il en avait 22, alors qu'il avait de la barbe, était marié, avait deux enfants et travaillait. Cela n'avait aucun sens. Nous avons fait en sorte que les mineurs soient jugés dans un délai très court : l'audience d'examen de la culpabilité se tient dans les trois mois, puis ils sont mis à l'épreuve.

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