À la fin des années 1990, j'avais été reçu par un fonctionnaire du ministère des affaires étrangères. Je ne me souviens plus des circonstances exactes de cette rencontre, mais elle était très certainement liée à mes activités dans les Antilles. Mon interlocuteur a déclaré que mes travaux intéressaient beaucoup le gouvernement, en précisant : « Nous considérons les Antilles comme un vrai porte-avions enclavé en Amérique centrale, avec sa piste d'atterrissage et de décollage ». Le Livre bleu de l'Outre-mer était empli de bonnes intentions et mettait en exergue le potentiel de ces territoires.
En matière de recherche dans le domaine de la santé, le constat est clair : les grands programmes nationaux de surveillance ou de recherche se déclinent essentiellement en France hexagonale et rarement dans les Drom. De ce fait, nous avons peu de données nous permettant d'élaborer des hypothèses et de lancer des recherches. En dépit des efforts déployés, les informations relatives aux Drom restent incomplètes.
J'illustrerai ce constat par l'exemple du chlordécone. L'année 1999 marque la redécouverte de la contamination de l'eau de consommation par le chlordécone en Guadeloupe et en Martinique. Jusqu'en 2004, les services décentralisés de l'État établissent un descriptif fidèle de la contamination et de la pollution de la chaîne trophique : mer, terre, sol, etc. Les chercheurs de l'Inserm sollicités identifient une contamination des populations. À partir de là, plusieurs recherches soutenues par l'État sont engagées. Néanmoins, il faut attendre 2022 pour voir le lancement par l'Agence nationale pour la recherche (ANR) de son premier appel à projets de recherche consacré au chlordécone.