C'est un sujet important. Pour diminuer la quantité de produits phytosanitaires utilisés, il faut travailler sur différents axes qui sont complémentaires. Je n'ai aucun doute sur l'approche territoriale. Nous devons raisonner différemment sur des secteurs à enjeux, que ce soit pour la santé ou pour l'environnement, par rapport au reste de l'agriculture. Or, la structuration de la politique agricole ne nous permet pas de bien le faire.
C'est un axe de travail. Je pense essentiellement aux aires d'alimentation de captage, qui constituent un enjeu majeur, y compris pour le monde agricole. Il est difficile pour un agriculteur d'être accusé d'empoisonner des gens alors que son travail consiste à les nourrir. Les agriculteurs vivent mal cette contradiction apparente. Il faut éviter que les agriculteurs se retrouvent avec des modèles agricoles incompatibles avec les enjeux du territoire. L'agriculture est par essence hyper-territorialisée. Les produits phytosanitaires représentent également un enjeu pour un certain nombre de sites Natura 2000.
Il y a ensuite l'approche par filière, que nous avons du mal à assumer collectivement. L'agriculteur dépend de filières. Il est inutile de lui demander de changer sa pratique s'il est stipulé qu'il doit passer quinze fois dans le cahier des charges qui le lie au groupe. Il y a donc une discussion de filière à avoir pour organiser des évolutions, notamment sur les traitements obligatoires, par exemple pour les légumes. Ce sont de grands enjeux de filière à ne pas sous-estimer. C'est vraiment en travaillant avec la filière elle-même que les cahiers des charges pourront évoluer.
Si nous n'aidons pas les agriculteurs à organiser la prise de risque liée à une moindre utilisation des produits phytosanitaires, il n'y aura pas de massification, car tout le monde ne jouera pas avec ses revenus, ce qui est totalement légitime. La moindre utilisation des produits phytosanitaires est très technique. Il faut être certain d'observer correctement, de réagir suffisamment rapidement et d'avoir des éléments de réponse précis. Des mécanismes assurantiels sont donc nécessaires, qui n'existent pas forcément dans le système actuel.