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Intervention de Éric Martineau

Réunion du jeudi 28 septembre 2023 à 9h15
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Martineau :

En préambule, je souligne que je suis agriculteur en bio et producteur de pommes. Au nom de la vérité, je n'aime pas laisser croire que le bio n'est pas traité. Je suis donc gêné par le fait que ce soit l'image véhiculée très régulièrement dans l'opinion publique. Je suis passé en bio en 2017, d'un seul coup, pour des raisons de simplicité.

Il y a tout de même des produits sur lesquels je me pose des questions. Le cuivre en fait partie, notamment sur les cultures pérennes. Je suis la troisième génération de pomiculteurs installés à cet endroit. À raison de quatre kilogrammes de cuivre par hectare et par an sur une durée de vingt à cinquante ans, je me demande comment mes filleuls pourront occuper mes terres.

Un autre sujet dont on parle assez rarement est l'huile de neem. Cet insecticide est utilisé uniquement par dérogation, en l'absence de solution, puisque c'est le seul qui soit efficace en bio. Néanmoins, il détruit tous les insectes présents au moment du traitement. Si, après cela, vient une attaque de pucerons, il n'y a plus ni coccinelles, ni syrphes, ni chrysopes dans nos vergers pour les éliminer. Je me demande donc si cette notion de biodiversité est vraiment une bonne chose. On doit donc traiter plus souvent en l'absence d'insectes auxiliaires dans le verger ; je ne suis pas sûr que cela favorise la biodiversité. Pour autant, il n'y a pas de solution actuellement.

Je vous remercie d'avoir parlé du prosulfocarbe, qui est vraiment un sujet tabou dont on ne parle quasiment jamais. On parle plutôt d'un autre herbicide bien connu du grand public. Or, le vrai sujet est bel et bien le prosulfocarbe dans les vergers, qu'ils soient en agriculture bio ou conventionnelle.

Par ailleurs, il y a également des moutons dans ma ferme. Et l'on sait bien qu'on ne peut pas laisser paître les moutons dans les vergers bio. La toxicité du cuivre fait que l'herbe n'est pas comestible.

J'ai eu une période où j'étais bio-mixte, ce qui est possible lorsque vous avez plusieurs cultures de type élevage et verger.

Il existe un autre frein au bio. Certains de vos collègues se moquent de vous lorsque vous leur annoncez que vous allez passer en bio. Ceci dit, ça reste gentil et, pour ma part, je l'ai bien vécu. Mais ne devrait-on pas décrier certaines campagnes publicitaires de certains distributeurs bio qui enfoncent les autres avec des campagnes très virulentes ? À titre personnel, cela me gêne. Lorsque je rencontre d'autres collègues arboriculteurs et que je leur dis qu'il serait bien de passer au bio, cela les bloque immédiatement. Ne devrait-on pas essayer d'intervenir pour éviter ces réactions anti-bio ?

Il est tout de même difficile de vendre des pommes bio aujourd'hui, à moins que vous soyez en vente directe. On en arrive à un point où il n'y a pas assez de consommateurs qui mangent des fruits bio. Nous assistons à des déconversions. Je rencontre des agriculteurs qui reviennent en arrière par manque de débouchés. Lorsque vous êtes en bio, vous n'êtes pas HVE. Or, certaines chaînes de distribution veulent à tout prix que vous soyez HVE, ce qui vous oblige à passer deux contrôles. En étant bio, je n'ai pas envie d'être HVE. Doit-on toujours opposer ces cahiers des charges ? J'aime dire : « N'opposons pas nos agricultures ». Nous devons être complémentaires et trouver des solutions ensemble.

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