Madame Abadie, je vous remercie chaleureusement pour votre investissement dans les questions pénitentiaires. Je pense pouvoir vous dire que nous avons une vision commune des choses.
Le contrat d'emploi pénitentiaire est en vigueur depuis le 1er mai. À ce stade, 10 000 contrats ont été signés et ce n'est qu'un début. J'ai réuni beaucoup de grands patrons pour leur dire à quel point il était important d'investir dans le travail pénitentiaire. C'est intéressant non seulement pour l'employeur mais aussi pour la société, car ceux qui travaillent ou qui se forment sortent de prison avec les clés d'une réinsertion possible.
Les régions se sont vu confier le financement et l'organisation de la formation professionnelle. Une convention a été signée en mars entre les présidents des régions de France et le ministère de la justice, permettant à 11 400 personnes d'accéder à une formation. Je souhaite que le maximum de détenus puissent se former. Des formations sont proposées dans différents domaines d'activité – cuisine, maçonnerie, peinture, menuiserie. À Muret, par exemple, on travaille dans de l'aéronautique de très haut niveau et de très grande technicité ; les détenus qui, quand ils ont terminé leur peine, sortent de là trouvent immédiatement du travail.
Par ailleurs, j'ai supprimé, parce que je trouvais que c'était un non-sens, les réductions de peine automatiques, souhaitant qu'elles soient conditionnées à l'effort, afin d'inciter davantage au travail et à la formation. L'effort doit être mesuré à l'aune de la personnalité de chacun : cela peut être se lever le matin, se désintoxiquer, apprendre à lire et à écrire ou encore travailler – d'où l'importance d'amener du travail et de la formation. Le nombre de personnes détenues ayant accès à une formation ou à un travail est trop faible : il faut impérativement l'augmenter. De plus, avec leur salaire, les détenus ont la charge d'indemniser les victimes. Tout cela est donc vertueux à plus d'un titre.
Monsieur Gillet, vous avez besoin d'un petit rappel de droit. La justice de ce pays, ce ne sont pas vos fantasmes sécuritaires. Le garde des sceaux ne peut pas donner d'ordres, parce que la Constitution prévoit la séparation des pouvoirs. Vous voudriez que, s'agissant d'une affaire précise, le garde des sceaux intervienne : curieuse conception de la justice ! Le jour où le garde des sceaux, comme vous l'appelez de vos vœux, interviendra dans une affaire en cours, alors la justice ne sera plus indépendante, faisant basculer l'État dans une forme de totalitarisme. Les magistrats hongrois se plaignent d'être sous la coupe du pouvoir politique ; les avocats polonais aussi.
L'indépendance s'accompagne parfois de décisions qui sont incompréhensibles pour le citoyen. On peut toujours se focaliser sur telle ou telle décision et donner dans la « fait-diversification », comme le fait une chaîne d'information continue que vous aimez beaucoup, en ne regardant les affaires que sous l'angle des infractions qui ont été commises. Si un jour, par malheur – selon moi –, vous arriviez au pouvoir, il n'y aurait plus de délinquance, vous régleriez tout, car vous avez la matraque magique. Pour ma part, je préfère une justice indépendante qui se trompe de temps en temps à une justice dans laquelle le garde des sceaux pourrait intervenir.
Pendant la campagne, vous aviez affirmé qu'il fallait mettre au pas le Conseil constitutionnel. M. Zemmour, votre ancien ami, était sur la même ligne. Mme Le Pen avait quant à elle proposé, avant que vous ne soyez élu à l'Assemblée nationale, dans un des rares amendements qu'elle avait déposés – il faut dire qu'elle n'était jamais là –,…