Ma première question concerne les moyens alloués à la justice, en particulier dans les territoires d'outre-mer. Vous annoncez une hausse des budgets ; c'est un bon début, mais, malheureusement, cette hausse est faible au regard des besoins des territoires, notamment outre-mer. Le ministère dont vous avez la charge est complètement exsangue. Vous avez reconnu vous-même que les besoins financiers et humains étaient énormes. À cet égard, ce que vous avez annoncé est insuffisant.
À La Réunion, où je suis non seulement élue mais aussi avocate, nous comptons un magistrat du parquet pour 3 000 dossiers. La charge de travail de ces fonctionnaires est huit fois supérieure à celle de leurs collègues qui exercent sur le territoire hexagonal. Ce manque de moyens se combine avec une hausse très importante des violences intrafamiliales : 20 % de plus entre 2019 et 2021.
La situation carcérale n'est malheureusement pas en reste. Dans la presse locale de ce matin, la population a découvert un détenu qui fait le buzz en se filmant en direct de sa cellule ou dans la cour de l'établissement. Nous manquons par ailleurs cruellement de places en milieu pénitentiaire, tant et si bien que, par exemple, les majeurs atteints du covid-19 sont placés dans les mêmes quartiers que les mineurs.
Pour les avocats, la dotation annuelle au titre de l'aide juridictionnelle était épuisée dès le mois de juin. Je dispose malheureusement d'exemples accablants du même type en grand nombre, y compris dans le domaine de la justice civile, où les moyens manquent également cruellement. Les professionnels du monde judiciaire n'attendent pas un énième décret Magendie. Nous ne vous demandons pas de créer des caducités et des irrecevabilités ou nullités à la pelle pour éviter d'avoir à rendre la justice, modifiant ainsi artificiellement les résultats. Nous attendons des solutions immédiates et concrètes. Quelles mesures comptez-vous prendre ?
Ma seconde question concerne un sujet qui me tient particulièrement à cœur et qui concerne spécifiquement La Réunion, ainsi peut-être que d'autres départements d'outre-mer. Le département compte 100 000 personnes illettrées et ne maîtrisant pas la langue française –elles parlent exclusivement la langue créole. Or la cour d'appel ne dispose d'aucun expert en langue créole. Ces justiciables doivent donc faire face à des magistrats qui parlent uniquement le français et dont ils ne peuvent pas se faire comprendre. Serait-il possible de recruter des experts en langue créole ?