Alors que vous vous êtes exprimé pendant trente minutes, vous n'avez pas eu le moindre mot pour les victimes. C'est dire la place que vous leur accordez dans le procès pénal.
Il y a le feu à la maison justice. Les membres du comité des EGJ ont unanimement partagé – fait assez rare pour être souligné – le constat d'une crise majeure de l'institution judiciaire. Ils ont mis en évidence « l'état de délabrement avancé dans lequel l'institution judiciaire se trouve aujourd'hui ». Certains en arrivent même à évoquer une « clochardisation » de la justice. C'est dire l'état de décrépitude dans lequel elle se trouve. Elle ne parvient plus à tenir son rôle pourtant si nécessaire à la cohésion de la société. La situation s'explique certes par un manque criant de moyens humains, mais aussi par un manque de moyens matériels et budgétaires.
La France compte 15 magistrats pour 100 000 habitants, soit moitié moins que la moyenne européenne. À cette pénurie d'effectifs s'ajoutent une pénurie de matériel, un outil informatique totalement obsolète, des audiences nocturnes et des milliers de dossiers en souffrance dans les tribunaux – ce que vous avez appelé les « stocks ». Bref, les acteurs du secteur judiciaire sont découragés, épuisés et submergés.
Conséquence de ce qui précède, la collégialité, qui est tout de même le gage d'une justice de qualité, a depuis longtemps, pour ne pas dire très longtemps, laissé la place à des audiences à juge unique, ce qui est totalement inacceptable dans la plupart des dossiers.
En matière pénale, les audiences de comparution immédiate ne permettent pas de rendre une justice de qualité : tout est traité très rapidement, sans que les magistrats et les avocats aient le temps de bien prendre connaissance des dossiers.
Tout cela contribue à multiplier le prononcé de courtes peines d'emprisonnement, voire de mesures alternatives à la prison, d'autant que, dans le même temps, il n'y a pas assez de places en prison. Cette situation amène les juges d'application des peines (JAP) à se conduire en gestionnaires de stock de places de prison, ce qui est proprement inadmissible : ce sont des magistrats. Cette situation inqualifiable suscite une incompréhension grandissante parmi les justiciables et un découragement abyssal des professionnels de justice, accru par les vagues de réformes en tout genre qui se sont succédé, notamment en matière procédurale, alors même que le résultat n'est pas au rendez-vous – tant s'en faut.
Allez-vous laisser les justiciables et l'ensemble des acteurs du monde judiciaire dans cette situation de désespérance totale ? Allez-vous laisser la justice s'éloigner un peu plus chaque jour du justiciable, ou bien allez-vous enfin vous saisir de cette crise majeure ?