Je suis particulièrement heureux de revenir devant vous alors que s'ouvrira dans quelques jours la première session ordinaire de la nouvelle législature.
Je souhaite d'abord vous féliciter toutes et tous, de manière républicaine, pour vos élections respectives. À tous égards, les enjeux auxquels nous sommes confrontés sont immenses : le pays connaît une situation inédite depuis un demi-siècle, sur le plan géopolitique comme sur le plan économique. Ce contexte nous impose de travailler différemment et de faire en sorte que les réformes indispensables soient menées à bien dans le plus large consensus.
C'est ce que nous avons fait dans le domaine de la justice, sous l'impulsion du Président de la République, et à la demande des deux plus hauts magistrats du pays, en engageant les EGJ, qui furent un exercice démocratique inédit. Nous parlons ici de près d'un million de contributions citoyennes et de plusieurs dizaines de réunions avec nos concitoyens, organisées partout sur le territoire pour discuter de la justice que nous appelons de nos vœux.
Alors que le rapport issu des EGJ, de très grande qualité, a été rendu au Président de la République par le président Sauvé au mois de juillet, je conclus la dernière phase de concertation avec tous les acteurs du monde judiciaire. Pour conduire la concertation, je me suis fondé sur les conclusions du rapport et sur ses annexes. Je présenterai, dans les semaines qui viennent, un plan d'action détaillé pour réformer et améliorer le service public de la justice, avec un impératif : rendre l'institution judiciaire plus rapide, plus efficace et plus proche de nos concitoyens.
Ce plan d'action, que je viendrai vous présenter le moment venu, mobilisera tous les leviers dont nous disposons. L'objectif est d'aller vite. C'est pourquoi nous utiliserons la voie réglementaire chaque fois que ce sera possible, et ce dans les plus brefs délais. Je pense notamment à la matière civile ou à l'organisation du ministère. Il faut toutefois être lucide. Sous la précédente législature, les gouvernements successifs et la majorité parlementaire l'ont été : ils savaient que la justice manquait de moyens.
Oui, nous avons augmenté son budget de plus de 40 % en cinq ans.
Oui, nous avons recruté plus de 700 magistrats et 850 greffiers, là où les précédentes majorités n'en avaient recruté que quelques dizaines, quand elles n'en supprimaient pas.
Oui, nous avons recruté plus de 2 000 juristes assistants, renforts de greffe, assistants de justice, autrement qualifiés de « sucres rapides », dont la mission est d'épauler les magistrats et greffiers, qui s'engagent au quotidien dans leur mission, à savoir assurer le bon fonctionnement du ministère de la justice partout sur le territoire.
Je le dirai et le répéterai inlassablement à ceux qui veulent faire croire que plus est égal à moins, car on ne résout pas vingt ou trente ans d'abandon politique, humain et budgétaire d'un claquement de doigts.
Oui, le Gouvernement est particulièrement lucide sur ce constat. C'est pourquoi nous allons poursuivre l'effort.
Ce matin, j'ai présenté à la presse et à l'ensemble des organisations syndicales un projet de budget pour 2023 en hausse, pour la troisième année consécutive, de plus de 8 %. Cela fait deux ans que je viens devant votre commission pour insister sur le caractère historique de ces hausses ; je ne dérogerai pas à la règle cette année. C'est un triplé historique qui, peu à peu, nous laisse entrevoir l'horizon d'une justice de qualité, que tous les acteurs du monde judiciaire, surtout les justiciables, appellent de leurs vœux.
Si je ne peux décliner ce jour mon plan d'action devant vous, l'ultime phase de concertation n'étant pas terminée, je peux d'ores et déjà vous annoncer qu'une des premières recommandations du rapport Sauvé, et non des moindres, sera suivie – j'y ai mis tout mon poids. Nous embaucherons au moins 1 500 magistrats et 1 500 greffiers durant le quinquennat. Il s'agit du plus grand plan d'embauche de toute l'histoire des services judiciaires. Les ambitions fixées par le Président de la République et la Première ministre l'imposaient ; c'est désormais acté, avec l'appui précieux de mes collègues Bruno Le Maire et Gabriel Attal, qui ont compris que, dans un contexte de contrainte économique, la justice devait demeurer une priorité. Il y a là plus qu'un symbole : c'est la preuve indiscutable de la place primordiale qu'occupe la justice au sein de l'État et aux yeux de la majorité.
L'audition budgétaire devant la commission se tiendra le 25 octobre. Je ne détaillerai donc pas davantage la question des crédits pour l'année 2023. Je répondrai cependant à toutes les questions que vous voudrez bien me poser à ce propos.
Après les volets réglementaire, budgétaire et organisationnel, les arbitrages issus des concertations en cours prendront corps dans une ambitieuse loi de programmation pour la justice couvrant la période 2022-2027. Fidèle à ma démarche de coconstruction, je consulterai étroitement le Parlement en amont des débats, et il prendra toute la place qui lui revient au moment de l'examen du texte.
Ces débats nous permettront de nous accorder sur l'ampleur des réformes que nous devrons entreprendre, qu'elles soient programmatiques, ordinaires, organiques ou même constitutionnelles. La loi de programmation permettra d'inscrire dans le marbre les recrutements massifs de magistrats et de greffiers, ainsi que de personnels pénitentiaires ; elle aura également vocation à transposer dans la loi, avec concision, les principales propositions qui auront déjà fait consensus.
Pour répondre à votre question, monsieur le président, la loi de programmation devrait être présentée devant le Parlement début 2023. Vous l'avez compris, ma priorité est de poursuivre le renforcement sans précédent de la justice, déjà à l'œuvre depuis plusieurs années.
Je tiens également à décliner devant vous, comme je l'ai fait à destination des procureurs à travers ma dernière circulaire de politique pénale générale, les priorités de politique pénale.
Ma priorité est claire : nous devons restaurer le droit de nos concitoyens à vivre dans la tranquillité. J'ai ainsi rappelé ma volonté de conduire une justice pénale plus protectrice face à des attaques inacceptables et à la délinquance du quotidien. Pour ce faire, j'ai demandé deux choses aux parquets : fermeté dans la réponse pénale et célérité des poursuites. À cela s'ajoutent l'intangible individualisation des peines et leur exécution rapide, sans oublier un accompagnement renforcé des victimes.
Ces objectifs clairs doivent se retrouver dans le traitement pénal de toutes les infractions du quotidien que sont par exemple les rodéos – les condamnations au titre de ce délit ont été multipliées par quinze depuis 2018 –, les agressions intolérables – qu'elles soient racistes, antisémites ou homophobes –, les atteintes aux élus et aux forces de l'ordre, qui constituent des attaques contre la République, ou encore les squats, insupportables tant ils nourrissent le sentiment d'impunité – j'entends renforcer l'arsenal juridique pour lutter contre le phénomène ; je sais que certains sont très engagés sur cette question, notamment Philippe Gosselin.
Je tiens également à affirmer devant vous ma détermination à poursuivre la mise en œuvre de la justice de proximité, en développant une justice partenariale avec tous les acteurs locaux, y compris les forces de sécurité intérieure (FSI) et les élus, dans le cadre notamment des groupes locaux de traitement de la délinquance. Il s'agit là d'adapter au mieux la réponse pénale à la réalité du terrain, car tous sont à bord de la même barque républicaine.
J'ai aussi eu à cœur de réaffirmer la persistance de la lutte contre le terrorisme, en ne sous-estimant pas les signaux faibles qui constituent les symptômes d'une radicalisation à l'œuvre tels que l'apologie du terrorisme ou de la haine en ligne, qui disposent désormais de leur propre parquet. J'ai donc demandé aux procureurs de se saisir pleinement des nouveaux outils offerts par la loi confortant le respect des principes de la République.
Enfin, la circulaire de politique pénale générale du 20 septembre souligne avec force l'importance qu'il y a à agir contre la destruction de l'environnement et de la biodiversité. J'ai demandé aux parquets de se saisir de ces nouveaux outils que sont les pôles judiciaires régionaux de l'environnement et les conventions judiciaires d'intérêt public environnemental, mais aussi de requérir les sanctions les plus sévères à l'encontre des auteurs d'incendies prémédités et volontaires qui détruisent les forêts, comme nous ne le savons que trop à la sortie d'un été qui a ravagé les paysages et la biodiversité.
Je m'attarderai, pour conclure la présentation de ma feuille de route en matière pénale, sur deux de mes principales priorités.
Je pense d'abord à la lutte contre les violences faites aux femmes. C'est l'affaire de tous : magistrats, forces de l'ordre, mais aussi collègues de bureau, voisins, etc. Nous avons tous un rôle à jouer pour signaler les cas de violence. Trop souvent, la justice n'est pas prévenue à temps. La libération de la parole doit se poursuivre. Depuis le Grenelle, j'ai tenu à ce que la justice se mobilise comme jamais pour lutter contre le fléau que constituent les violences faites aux femmes.
Sous notre impulsion et grâce à l'engagement des magistrats, des forces de l'ordre et des associations, nous avons mis en place des dispositifs efficaces, avec le déploiement de 4 318 téléphones grave danger – il n'y en avait que 300 en 2019 ; 860 bracelets antirapprochement actuellement actifs et 5 921 demandes d'ordonnance de protection adressées aux juridictions en 2021, contre 3 131 en 2017.
Je salue le travail de vos collègues Guillaume Vuilletet et Aurélien Pradié sur la question. Nous devons poursuivre nos efforts sans relâche. Chaque féminicide est un féminicide de trop ; chaque violence, quelle qu'elle soit, est une violence de trop.
Toutefois, je tiens à rappeler devant cette commission qui a tant œuvré pour construire notre État de droit que l'enceinte judiciaire est le seul lieu, en démocratie, où se rend la justice. Elle ne doit pas être rendue dans des cénacles politiques ou dans des comités de déontologie ad hoc. Tous ces monstres en dehors du cadre légal sont d'ailleurs en train de dévorer ceux-là mêmes qui les ont créés dans la violation de nos principes juridiques les plus fondamentaux. Je le dis clairement : cela doit impérativement cesser.
Parce que la justice doit poursuivre sa transformation, j'ai annoncé la prolongation pour trois ans des 105 chargés de mission de catégorie A affectés dans les juridictions et spécifiquement chargés de lutter contre les violences conjugales.
Pour mieux accueillir la parole des femmes et traiter les violences insupportables qu'elles subissent, la Première ministre vient d'annoncer une mission parlementaire chargée d'évaluer ces dispositifs afin de garantir une action judiciaire spécialisée dans tous les territoires de la République.
Je veux ensuite vous parler d'une autre de mes priorités absolues : la lutte contre les violences faites aux mineurs. L'objectif est de repérer le plus tôt possible les situations de danger et d'agir avec la plus grande efficacité, dans l'intérêt supérieur de nos enfants.
Protéger les enfants, c'est aussi renforcer, comme nous le faisons, leur accompagnement quand ils sont victimes, en améliorant leur prise en charge tout au long du processus pénal, en liaison avec les unités d'accueil pédiatriques enfance en danger et les associations d'aide aux victimes.
Je vous confirme mon intention de permettre désormais le retrait de principe de l'autorité parentale en cas de condamnation d'un parent pour violences sexuelles sur son enfant. Le juge ne pourra pas y déroger, sauf motivation spéciale.
Enfin, aucune politique pénale ne pourra prospérer sans la simplification de la procédure pénale, réclamée par tous les acteurs du monde judiciaire. Le Président de la République s'y est engagé. J'aurai donc vocation à vous proposer une méthode consensuelle et une feuille de route claire pour que nous menions ensemble ce chantier législatif colossal. Cette réforme fait l'objet d'un large consensus, tant au sein des forces de l'ordre que dans les rangs des magistrats et des avocats, comme en témoignent les conclusions du Beauvau de la sécurité, mené par mon collègue Gérald Darmanin, ainsi que celles des EGJ.
Comme vous le savez, une politique pénale ne peut exister sans une politique pénitentiaire volontariste. La prison poursuit trois objectifs : sanctionner les délinquants, protéger la société des individus dangereux et réinsérer les condamnés afin qu'ils ne récidivent pas. Pour punir le délinquant et protéger nos concitoyens, il est indispensable que nous disposions de suffisamment de places de prison. Il y va également de la qualité des conditions de travail du personnel pénitentiaire, que l'on oublie trop souvent alors qu'il s'agit de la troisième force de sécurité intérieure. Son travail est remarquable ; il s'accomplit au quotidien dans un contexte parfois très difficile. Je veux ici lui rendre un hommage particulièrement appuyé.
Il y va également, bien sûr, de la dignité des conditions de détention. Depuis la fin du mois d'août, un certain nombre d'entre vous ont eu une prise de conscience et se sont déplacés en nombre dans les établissements pénitentiaires. Je salue cet exercice démocratique indispensable. Vous avez pu constater par vous-mêmes que, contrairement aux affirmations de certaines chaînes d'information en continu, la prison n'est pas le Club Med. C'est d'ailleurs tout le problème des images de la prison de Fresnes qui ont été diffusées : elles laissaient accroire aux honnêtes gens que la prison était un parc d'attractions. Ces images laissaient courir l'idée, parmi notre jeunesse, qu'aller en prison, en définitive, n'était pas bien grave – LOL. Si, aller en prison est grave. La prison doit dissuader, mais pas par l'insalubrité ou l'indignité des conditions de détention. Je rends hommage, à cet égard, au travail de votre collègue Caroline Abadie.
Pourtant, la France a été condamnée à de nombreuses reprises. Une réponse pénale assurée, de bonnes conditions de travail pour les agents pénitentiaires et des conditions de détention dignes sont absolument nécessaires. Pour toutes ces raisons, nous avons lancé le plus grand plan immobilier pénitentiaire depuis quarante ans. Les chantiers sortent de terre partout en France ; ils poussent comme des champignons – si vous me permettez l'expression. J'ai d'ailleurs eu l'occasion d'en visiter plusieurs cet été, dans certaines de vos circonscriptions. Nous atteindrons les 15 000 places supplémentaires d'ici à la fin 2027, conformément aux engagements du Président de la République.
Il n'est pas possible de concevoir la prison sans un volet consacré à la réinsertion. Celui-ci est absolument indissociable du volet répressif. Les événements de Fresnes nous ont permis de préciser, par la circulaire du 21 septembre 2022 le cadre applicable à ces activités. L'objectif est de renforcer leur contrôle tout en préservant une certaine souplesse au niveau local, afin de ne pas brider les initiatives des chefs d'établissement, qui sont pertinentes dans l'écrasante majorité des cas.
Le programme immobilier se caractérise par la création de 2 000 places au sein de structures d'accompagnement vers la sortie (SAS). Les sorties sèches suscitent davantage de récidives que les sorties accompagnées. Les SAS accueillent des personnes condamnées à des peines de moins de deux ans ou en fin de peine.
Nous menons également une expérimentation avec certains établissements tournés vers le travail : c'est le projet dit « innover par des structures expérimentales de responsabilisation et de réinsertion par l'emploi » (INSERRE).
Une autre des priorités de mon action est de ramener le travail en détention. Qu'il me soit permis de relever que le contrat du détenu travailleur a bénéficié d'une couverture médiatique moins importante que le karting à Fresnes.
Depuis le début des années 2000, l'offre de travail en détention a été divisée par deux. Ma mobilisation sur le sujet porte ses fruits malgré deux années de crise sanitaire. En 2021, une hausse de 3 points du travail pénitentiaire a été enregistrée par rapport à 2018 ; 31 % de la population détenue aura travaillé en détention. L'offre de travail en production a augmenté ces dernières années, puisque près de quatre-vingt-dix nouvelles entreprises se sont implantées dans les établissements entre 2019 et 2022.
Je l'ai souvent dit : le sens du travail et celui de l'effort ne sont pas des sens interdits en prison. Ainsi, en janvier 2023, entrera en vigueur la suppression des remises de peine automatiques. Elles seront conditionnées à l'effort, là encore pour mettre l'accent sur la réinsertion.
Alors que l'objectif poursuivi est de redonner du sens à la peine, certaines d'entre elles sont déjà pleines de sens. Je pense en particulier au travail d'intérêt général (TIG), qui est au cœur de la justice de proximité, avec un mot d'ordre : « tu casses, tu répares ; tu salis, tu nettoies et tu indemnises ». Avec la création de l'Agence du travail d'intérêt général et de l'insertion professionnelle (ATIGIP) – je tiens à rendre hommage à ma prédécesseure ainsi qu'à Didier Paris –, nous avons substantiellement renforcé l'offre de TIG et leur accessibilité à tous les acteurs judiciaires – notamment les avocats et magistrats – via la plateforme TIG 360. Je prendrai, d'ici à la fin de l'année, une circulaire pour prolonger ce mouvement afin que les juridictions se saisissent chaque fois que possible de cet outil pénal formidable.
Si le travail d'accompagnement est important pour le délinquant adulte, il est primordial chez les mineurs, qui sont des adultes et des citoyens en devenir. Ma priorité en la matière est de réduire drastiquement les délais de jugement des mineurs délinquants. La délinquance des mineurs était insuffisamment traitée, et ce alors même que sa violence s'accroissait. Il était donc indispensable d'accélérer et de renforcer la réponse judiciaire. C'est chose faite grâce au code de la justice pénale des mineurs, résultat de notre œuvre commune. Alors que nous fêterons dans quelques jours la première année de son entrée en vigueur, je puis déjà vous indiquer que les délais ont été massivement réduits, passant parfois du double au simple.
Afin de développer tous les outils permettant de remettre les mineurs délinquants dans le droit chemin, j'aurai à cœur de mettre en œuvre l'engagement du Président de la République de créer un partenariat adapté entre le ministère des armées et la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Ce partenariat se fonde non pas sur de vieilles lunes, mais sur une expérimentation concrète, menée l'année passée, avec un taux de réussite proche de 80 %, soit huit jeunes sur dix tirés d'affaire.
Selon cette même logique, nous poursuivrons le grand plan de construction de centres éducatifs fermés (CEF), outils efficaces à mes yeux pour éviter la récidive des mineurs délinquants et les remettre dans le droit chemin. Nous comptons vingt-deux CEF construits ou en construction. La lutte contre la délinquance des mineurs mérite que l'on se dote de tous les moyens et outils indispensables.
Je m'attacherai par ailleurs à poursuivre le rapprochement entre la justice civile et nos concitoyens. Nous l'oublions souvent, mais, le plus fréquemment, le seul contact qu'un citoyen a avec la justice au cours de sa vie est avec la justice civile : procédure de divorce, litige avec un propriétaire ou un locataire, demande de mise sous tutelle, ou même un différend entre deux commerçants – bref, la vie quotidienne.
Or, que nous disent les usagers à travers les conclusions des EGJ ? Deux choses en apparence contradictoires : que la justice est trop lente, mais qu'en même temps elle n'a pas le temps de les écouter. C'est pour répondre à cette double injonction que je souhaite, dans le cadre de mon futur plan d'action, donner à la justice civile la place de choix qu'elle mérite.
D'abord, je lancerai à l'échelle nationale une politique ambitieuse de l'amiable. Une décision de justice coconstruite est une décision mieux acceptée. Dans ce cadre, le juge doit pouvoir proposer et inciter les parties à recourir à un médiateur ou à un conciliateur. L'offre de ces modes amiables de traitement doit également s'étoffer et s'adapter à la nature du litige comme à la personnalité des parties. Je vous annonce que l'obtention d'un accord, même partiel, dans un cadre amiable sera valorisée, y compris financièrement pour les avocats qui interviendront au titre de l'aide juridictionnelle.
En parallèle, il faut simplifier le parcours juridictionnel du justiciable, qui ressemble à un parcours du combattant. Beaucoup a déjà été fait, notamment avec la création du service d'accueil unique du justiciable et des 2 000 points justice. Je veux aller plus loin en facilitant la saisine du juge, en organisant la juridiction en pôles facilement identifiables et, pourquoi pas, en mettant à portée de smartphone les outils pour accompagner le justiciable dans ses démarches. La justice ne doit plus rester en marge de la transition numérique du service public.
Enfin, nous devons poursuivre sans relâche nos efforts de résorption des stocks. En matière civile, ces derniers ont diminué de 28 % au niveau national. C'est absolument considérable. La poursuite de cet effort permis par les recrutements dans la justice de proximité et l'engagement des magistrats et des greffiers passera non seulement par un plan d'embauches massif, mais également par la mise en place d'une équipe pérenne autour du magistrat.
Bien sûr, dans un contexte économique qui s'assombrit, je n'oublie pas la justice économique, qui est un de nos joyaux. Je souhaite m'inspirer des conclusions du rapport Sauvé pour la renforcer, notamment par l'expérimentation d'un tribunal des affaires économiques. Il faudra également favoriser la création d'une filière de juges civilistes compétents en matière économique et encourager les échanges entre magistrats et juges consulaires. Renforcée dans ses missions, davantage ouverte sur le monde judiciaire et économique, notre justice consulaire sera aux avant-postes pour promouvoir le droit français et assurer son rayonnement au-delà des frontières.
Je souhaite, pour conclure, aborder l'un des sujets, si ce n'est le sujet majeur, intéressant l'avenir du ministère de la justice, à savoir celui de sa transformation numérique. Si de nombreux chantiers ont été menés à bien en la matière depuis cinq ans, il reste cependant beaucoup à faire. Tous les agents du ministère en ayant besoin ont été dotés d'un ordinateur portable.
Au-delà de la stratégie numérique à long terme, un travail important sur la capacité des réseaux permettra en fin d'année une augmentation très nette du débit. Celle-ci facilitera la capacité des juridictions à traiter les contentieux et limitera le risque de crash des réseaux.
De même, à la suite des EGJ, je vous annonce qu'une centaine de contractuels spécifiquement formés seront déployés dans les juridictions afin d'assister les tribunaux au quotidien en matière de numérique et d'informatique. Chaque juridiction disposera à terme d'un technicien ou d'un référent informatique présent à demeure sur site.
Tels sont les grands axes de ce que vous me permettrez d'appeler la « saison deux ». Je me tiens bien évidemment à votre disposition pour répondre à toutes les questions que vous voudrez bien me poser.