Entre le 26 juillet et le 8 septembre 2024, la France accueillera les Jeux olympiques et paralympiques. Notre pays deviendra l'épicentre médiatique du monde. Dès lors, l'impact de chaque événement, notamment sécuritaire, qui se produira à Paris, comme sur l'ensemble du territoire métropolitain ou ultramarin, conditionnera fortement le succès de cette manifestation et marquera durablement l'image de la France à travers le monde.
Dans la conduite des ambitions du Gouvernement, la gendarmerie verra donc son budget global porté à 6411 millions d'euros dans le projet de loi de finances (PLF) 2024, contre 6 187 millions d'euros en 2023. Ces crédits lui permettront de poursuivre son engagement pour répondre aux demandes de sécurité des Français. Elle assumera par ailleurs des mesures générales et catégorielles valorisant le traitement de ces militaires.
Au-delà de la sécurisation des Jeux olympiques, nous sommes aujourd'hui confrontés à l'émergence de différents enjeux susceptibles de générer, s'ils ne sont pas anticipés, des crises à la fois protéiformes et possiblement concomitantes. Les événements du week-end dernier viennent de nous le rappeler. Nous nous organisons donc d'ores et déjà en développant une stratégie autour de trois axes couvrant un large spectre de menaces.
Premièrement, en 2024, la prise en compte de la demande de sécurité demeure une priorité au regard des exigences croissantes de la population en la matière. Cette prise en compte se traduira par une présence accrue sur le terrain. Deuxièmement, la gendarmerie restera pleinement mobilisée dans la préservation des intérêts nationaux face aux atteintes à l'ordre public, aux flux migratoires irréguliers et aux actes terroristes. Enfin, en poursuivant son investissement face aux nouvelles frontières de la délinquance, la gendarmerie continuera de lutter contre les cybermenaces et la criminalité environnementale.
S'agissant de l'approche opérationnelle tournée vers la prise en compte de la demande de sécurité grâce à une présence accrue sur l'ensemble du territoire, je rappelle que la population n'attend pas que nous arrêtions les voleurs, mais qu'il n'y ait pas de voleurs. Dès lors, une condition qui, à défaut d'être suffisante, est au moins nécessaire, consiste à occuper le terrain. Si nous n'occupons pas le terrain, d'autres feront ce qu'ils voudront, entraînant des conséquences qu'il est loisible d'imaginer. Notre stratégie repose sur ces éléments de présence, qui font également partie de la demande du Président de la République, laquelle concerne le doublement de notre présence sur la voie publique d'ici 2027.
Cette action passe notamment par les 239 nouvelles brigades, dont la création a été annoncée il y a quelques semaines. Les équivalents temps plein (ETP) associés sont d'ailleurs prévus dans la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi). J'entends assez régulièrement dire qu'il s'agit de transfert de postes de gendarmes d'un endroit à un autre. Il est certain que les gradés de ces nouvelles brigades proviendront d'autres unités, car il ne serait ni raisonnable ni souhaitable, de solliciter uniquement les sorties d'école. Cependant, les gradés qui seront mutés dans ces nouvelles brigades seront remplacés par d'autres gradés dans le cadre du jeu normal de l'avancement. Il s'agit donc bien de 312 créations d'ETP, déjà sortis d'école. En outre, les tableaux d'avancement pour les gradés seront publiés au début du mois de décembre, ce qui nous permettra, dès les vacances d'hiver, d'affecter les gradés dans ces nouvelles unités. Une trentaine d'unités seront donc créées en 2023 et une quarantaine verront le jour en 2024, rythme qui sera ensuite poursuivi chaque année jusqu'en 2027.
Le schéma d'emplois est positif en 2024, avec 1 045 ETP supplémentaires pour les nouvelles brigades, mais aussi pour les centres de formation, le renforcement du commandement pour l'environnement et la santé. Simultanément, la réserve opérationnelle monte en puissance et contribuera aussi à augmenter la présence de voie publique. La cible à l'horizon 2027 s'établit à 50 000 réservistes, contre un peu plus de 30 000 aujourd'hui. En 2024, l'enveloppe dédiée à la réserve opérationnelle augmente de près de 29 millions d'euros, hors compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ». J'ajoute que des réservistes sont engagés à la frontière avec la Grande-Bretagne, pour tenir la frontière et empêcher un maximum de migrants de prendre la mer pour rejoindre la Grande-Bretagne.
Le volume d'heures de présence de voie publique est en augmentation, soit deux millions d'heures supplémentaires entre 2023 et 2022. Celle-ci se traduit dans les faits par une hausse de 9 à 10 % de présence sur la voie publique, soit un volume XV 000 patrouilles chaque jour.
Simultanément, nous développons une démarche pour nous rapprocher de nos concitoyens, en passant d'une logique de guichet à une logique de pas-de-porte, avec des prises de rendez-vous. Elle présente un intérêt immédiat de rapprocher la gendarmerie de l'usager et ce faisant, de renforcer notre présence de voie publique. Les brigades mobiles seront quant à elles chargées de faire le tour de communes rarement couvertes par les gendarmes, ce qui permettra de renforcer le sentiment de sécurité des populations.
Pour y parvenir, nous nous sommes dotés d'outils spécifiques, dont le terminal mobile NÉO, le poste informatique mobile sécurisé Ubiquity ou l'outil de speech-to-text, permettant de retranscrire automatiquement la voix à l'écrit, notamment dans le cas d'un dépôt de plainte. Dans le domaine du numérique, l'Agence du numérique des forces de sécurité intérieure (ANFSI) a succédé depuis le 1er septembre au Service des technologies et des systèmes d'information de la sécurité intérieure (ST(SI)²). Cette agence, dont les effectifs vont augmenter, nous permettra également de continuer à développer des outils pour être plus performants en mobilité et pour faire gagner du temps à nos agents, au profit d'une plus grande proximité sur le terrain avec la population.
Le « parcours victime » relève du même effort de présence. Concrètement, nous nous servons des outils numériques pour développer davantage de contacts et de présence. Nous voulons éviter de nous inscrire dans une logique de chat avec des correspondants situés à l'étranger. Le développement de la « visioplainte », qui permet de parler avec un gendarme, sera bientôt expérimenté dans la Sarthe. La plainte en ligne sera expérimentée dans le département de la Gironde, avant d'envisager un déploiement national dès 2024. Ces démarches sont accompagnées par des mesures de formation. La Lopmi a ainsi prévu de construire des centres de formation régionaux, qui nous aideront également à développer et à démultiplier l'information.
Je souhaite évoquer également la protection des élus dans les territoires, et particulièrement les maires, qui sont en plus en plus victimes d'agressions. Nous travaillons ainsi avec l'Association des maires de France (AMF) et nous disposons d'un référent élu par brigade. Notre action porte également sur l'anticipation, à travers la formation sur la gestion des incivilités. Créée initialement par le groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), cette formation a depuis été développée, puisque près de 23 000 élus l'ont déjà reçue. Le ministre de l'intérieur a créé le centre d'analyse et de lutte contre les atteintes faites aux élus, observatoire menant des analyses sur des atteintes aux élus, également destiné à apporter un soutien pour limiter les atteintes et une aide lorsque celles-ci se produisent malgré tout. Cette structure, hébergée à mon cabinet, est dirigée par une sous-préfète particulièrement motivée.
Je souhaite également évoquer le sujet des violences sexistes et sexuelles (VSS). Nous avons continué à développer les maisons de protection des familles, qui sont au nombre de quatre-vingt-dix-neuf, auxquelles il faut ajouter 260 intervenants sociaux dans nos brigades. En outre, 2 000 gendarmes ont été formés, soit environ un gendarme par brigade. Bien qu'il soit difficile d'objectiver les données, les violences intrafamiliales sont en légère diminution dans certains départements. Quoi qu'il en soit, nous demeurons extrêmement vigilants.
Nous continuons à travailler en matière d'action judiciaire. La meilleure manière de « neutraliser » des délinquants consiste en effet à les remettre aux mains de la justice, grâce à la constitution de dossiers bien construits. Par définition, le taux d'élucidation n'est jamais complètement satisfaisant, mais sur les atteintes aux personnes, il s'élève à 78 %. Chaque enquêteur gère en moyenne trente-deux dossiers et nous avons mis en place des « bureaux d'ordre » qui régulent et priorisent les tâches. Nous avons également développé la gestion dite collaborative des procédures, afin d'éviter que ces dernières ne stagnent.
Dans le domaine de la police judiciaire, nous densifions également la formation. La formation initiale est rallongée à douze mois et nous y intégrons un module de 120 heures de cours de renforcement en police judiciaire. Cette action permet aux gendarmes de présenter l'examen d'officier de police judiciaire (OPJ) dès la sortie d'école, sans condition d'ancienneté, ce qui constitue une nouveauté. En outre, nos réservistes qui étaient OPJ, peuvent à nouveau l'être. En résumé, nous démultiplions les compétences judiciaires.
Par ailleurs, la procédure pénale numérique (PPN) progresse. Le sujet est particulièrement compliqué d'un point de vue technique, car il nous contraint de connecter un grand nombre de systèmes. Nous avons bon espoir qu'elle soit mise en place d'ici la fin de l'année 2025, afin de diminuer la « paperasse » et nous faire gagner du temps, mais aussi de permettre un suivi en temps réel des informations pour les victimes.
Je souhaite ensuite évoquer la deuxième partie de mon intervention, qui est relative à l'action de la gendarmerie, une action résolument tournée vers la préservation de l'ordre républicain et la protection des intérêts nationaux. Le contexte est désormais bien connu de tous : les tensions sont globalement de plus en plus fortes, la violence assez présente et les formes de désocialisation bien avérées. Elles se traduisent par des « pics » de tension sporadiques de plus en plus réguliers, de plus en plus réels, et un niveau de violence tel que, tous les ans, nous devons déplorer plus de blessés que l'année précédente.
Parmi les exemples, il est possible de citer le cas du forcené qui a l'habitude de boire, de frapper sa femme, et qui finit par tirer sur les gendarmes lorsque ceux-ci interviennent. Chaque nuit, nous devons faire face à des forcenés, dans toutes les régions, dans toutes les catégories socioprofessionnelles. Les personnes qui ouvrent le feu sur les gendarmes sont dans leur immense majorité des hommes, souvent alcoolisés. Dans le même ordre d'idées d'une violence croissante, nous ne pouvons que déplorer le durcissement de certaines manifestations. Face à ces phénomènes, nous renforçons notamment nos formations. À ce titre, j'ai remis à l'ordre du jour des formations au combat pour nos escadrons, qui concernent notamment les manœuvres sous le feu.
En outre, des gendarmes sont impliqués dans un grand nombre de théâtres aux frontières de l'Europe. Au moment où je vous parle, un peloton est engagé en Libye pour protéger un hôpital et les forces de sécurité civile. De même, nous avons engagé un peloton de gendarmes mobiles au Burkina Faso pour protéger les intérêts français et il nous est demandé d'envisager la mise en place d'un peloton de gendarmes pour protéger notre ambassade au Niger. Le GIGN est engagé partout où il est nécessaire qu'il intervienne, à la fois sur le territoire français, mais aussi en dehors de ce dernier. À ce titre, il est intervenu récemment à Khartoum, dans le cadre d'un engagement de haute intensité, qui a donné lieu à des échanges de coups de feu nourris.
Nous devons donc nous préparer à affronter différents scénarios et sommes aidés par les équipements nouveaux dont nous bénéficions. Je pense notamment au plan de relance sur les hélicoptères H160, qui nous permettront de projeter des capacités, mais également aux blindés Centaure, qui remplaceront nos vieux véhicules blindés à roues de la gendarmerie (VBRG). Les Centaure possèdent un spectre d'emploi plus large que les VBRG. Nous les avons employés durant les violences urbaines pour protéger nos gendarmes et pour diffuser du lacrymogène. Nous pouvons également les engager sur des théâtres de plus haute intensité, en changeant l'équipement à la demande, le moment venu.
En outre, nous remettons le sport au goût du jour dans les brigades territoriales, de même que la formation à l'intervention professionnelle, pour améliorer notre capacité à maîtriser un agresseur, armé ou désarmé, de la manière la plus « douce » possible. Enfin, nous nous dotons peu à peu de moyens de lutte anti-drones.
L'année 2024 sera également la dernière année du remplacement des gendarmes adjoints volontaires des pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG) en sous-officiers de gendarmerie. Cette opération permet également de durcir le niveau des gendarmes qui sont engagés dans les situations de crise, souvent en premier lieu. Je pense notamment aux deux escadrons « Guépard » qui sont susceptibles d'être engagés dans des situations très sérieuses, comme cela a pu être le cas hier au Liban, Kosovo ou en Afghanistan. Nous devrons vraisemblablement poursuivre cet effort pour être capables de réagir à n'importe quel événement. Au-delà de ces deux escadrons déjà créés, sept sont également en cours de formation.
Par ailleurs, les gendarmes opèrent également dans le contrôle de l'activité migratoire, à nos frontières, y compris à la frontière anglaise grâce aux crédits alloués au titre du traité de Sandhurst (540,3 millions d'euros, dont 300 millions d'euros pour la gendarmerie), qui nous permettent d'engager des réservistes, en temps réel. À la frontière anglaise, 241 réservistes sont engagés tous les jours, pour un total de 2 000 réservistes engagés quotidiennement. La lutte contre l'immigration irrégulière intervient également à Mayotte, à l'image de l'opération Wuambushu, qui a mobilisé de nombreux moyens de police et de gendarmerie. La Guyane fait également l'objet d'une attention particulière, à la fois dans le traitement de sujets migratoires, mais aussi d'atteintes à l'environnement, tel l'orpaillage illégal. J'ajoute que le centre de rétention administrative (CRA) de Lyon est actuellement gardé par deux escadrons de gendarmes mobiles.
Enfin, la dernière partie de mon intervention concerne les nouvelles frontières de la délinquance, c'est-à-dire le cyber et les atteintes à l'environnement. Le ministre a décidé la création d'un service à compétence nationale cyber, qui assurera une mission de veille stratégique, de partage, d'accompagnement des services d'enquête, de la police, de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), de la préfecture de police et de la gendarmerie. Il s'agit aussi de regrouper les compétences sur le haut du spectre, afin qu'elles puissent servir à tous, ainsi que limiter les coûts de recours à des hyper spécialistes.
Simultanément, nous menons des opérations de prévention et de sensibilisation. En 2023, nous avons ainsi pu sensibiliser plus de 320 000 personnes. Nous nous rapprochons des PME, des TPE et des collectivités. Ici aussi, nous travaillons avec l'AMF pour aider à développer des outils de sensibilisation aux risques qui peuvent se poser sur les réseaux. Le « permis internet », destiné aux classes de CM2, nous permet de sensibiliser les jeunes et d'investir pour la suite. Dans ce champ, nous collaborons naturellement avec l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi). Ensuite, le projet « 17 cyber », porté par le ministère et la brigade numérique est associé à l'ensemble des réflexions numériques, comme la « visio-plainte ».
Par ailleurs, il convient d'évoquer notre nouvel office, le commandement pour l'environnement et la santé (Cesan), qui améliore le dispositif antérieur, l'office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et la santé publique (Oclaesp). Le Cesan est en quelque sorte l'équivalent de l'office anti-stupéfiants (Ofast) dans le domaine de l'environnement et la santé publique. Nous menons un certain nombre d'opérations contre la criminalité spécialisée dans le domaine de l'environnement et nous sommes très connectés avec nos homologues étrangers. Nous disposons en outre d'une division de lutte contre la maltraitance animale.
Nous travaillons également sur les feux de forêt, grâce à des dispositifs innovants pour anticiper les incendies, en lien avec les pompiers. L'objectif consiste ici à interpeller plus rapidement les incendiaires, à l'aide de chiens qui peuvent détecter des accélérant le plus rapidement possible, afin de nous permettre de trouver des indices et des éléments de preuve pour confondre les auteurs d'incendie.
En conclusion, le contexte actuel est assez anxiogène pour nos concitoyens. Nous sortons de crises successives (crises des Gilets jaunes, crise Covid) et sommes aujourd'hui confrontés à une situation de guerre en Ukraine. Le phénomène de l'inflation est également à l'œuvre et affecte un grand nombre de Français, qui vivent des situations compliquées, dans le cadre d'une « archipelisation » croissante de la société, pour reprendre le terme forgé par Jérôme Fourquet.
De fait, les territoires de cette « France périphérique » correspondent en grande partie à ceux qui sont inscrits dans notre zone de compétence. Il nous faut donc entretenir notre proximité et notre présence sur la voie publique, laquelle renforce le sentiment de sécurité de nos concitoyens, à l'heure où la « régulation sociale » est plus faible qu'auparavant. Nous sommes aussi payés pour être présents auprès de la population, écouter et rassurer nos concitoyens, afin d'apporter un service de meilleure qualité.