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Intervention de Christophe Béchu

Réunion du mardi 13 septembre 2022 à 15h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Christophe Béchu, ministre :

S'agissant des CRTE, madame Tanzilli, les chiffres sont même un peu meilleurs que ceux que vous avez donnés : au moment où je vous parle, 828 ont été signés, sur les 850 prévus. La couverture des bassins de vie est désormais presque totale. Dans ces 828 CRTE figurent 40 000 projets, dont 25 000 sont déjà engagés. Il ne s'agit donc pas seulement de déclarations. Il est possible qu'il y ait des retards dans certains secteurs, mais, globalement, le dispositif est en train de se déployer sur le terrain.

Ma conviction est qu'il faut de la stabilité vis-à-vis des échelons locaux. Si nous modifions les règles, les périmètres et la gouvernance, alors même que des actions de fond sont engagées, nous risquons de multiplier les réunions pour nous mettre de nouveau d'accord sur tel ou tel sujet. L'heure n'est plus au diagnostic, mais au financement et à l'action. Les projets sont là. Dans le cadre d'une relecture ou d'un approfondissement des CRTE, nous aurons sans doute un travail à faire sur l'accompagnement et les moyens permettant d'aller plus loin en matière de transition écologique, mais sans revenir sur les périmètres ni sur la gouvernance.

Pour ce qui est du Zéro artificialisation nette des sols, évoqué par vous-même et par M. Iordanoff, il ne faudrait pas interpréter la circulaire du 4 août dernier de manière erronée.

La loi « climat et résilience », votée par la quasi-totalité des députés et des sénateurs à l'issue d'une commission mixte paritaire conclusive de douze heures, a fixé un cap très clair – zéro artificialisation nette des sols en 2050 – et une règle tout aussi claire – diviser par deux, à compter de la promulgation de la loi, la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF).

Toutefois, les décrets du 29 avril 2022 ont suscité l'émotion dans de nombreux endroits. Pour certains parlementaires, ils comportent des dispositions qui ne sont pas conformes à la volonté du législateur – ce que vous avez relevé, madame Tanzilli. Pour d'autres, ils aboutissent à des aberrations ou à des incohérences.

La plus belle de ces incohérences est que le décret relatif à la nomenclature classe les parcs et jardins parmi les espaces artificialisés. C'est ce qui m'a amené à adresser aux préfets la circulaire du 4 août. Autre incohérence ou oubli, qui m'a été présenté comme contraire à la volonté du législateur : si l'on s'en tient à une lecture littérale, les actions de renaturation et de dépollution des friches réalisées entre 2020 et 2030 ne donneront pas de droits à construire ; ce dispositif, pourtant prévu par le législateur, ne s'appliquerait qu'à partir de 2030. Ce point méritait lui aussi que les préfets « lèvent le stylo ».

D'aucuns se demandent s'il est bien sérieux d'empêcher toute artificialisation nette, si cela vaut la peine de faire tant d'efforts pour préserver quelques hectares à l'échelle du territoire – même si personne ne l'exprime exactement en ces termes. À ce sujet, je veux être très clair : on a artificialisé davantage en cinquante ans qu'en cinq siècles. Où sont les lotissements du XVIIIe ou du XIXe siècle ? Ce sont bien les nouveaux modèles appliqués à partir des années 1970 qui ont abouti à un gaspillage de terres, de tels volumes de construction n'étant pas reproductibles dans la durée.

Néanmoins, quelques angles morts demeurent. D'une part, nous devons apporter des clarifications concernant l'accompagnement des collectivités territoriales, afin de rendre crédibles toutes ces perspectives. D'autre part, se pose la question de la maille. Une dizaine d'agences d'urbanisme et des collectivités sont en train de confronter la nomenclature au réel, en vue de proposer des modifications du décret relatif à cette nomenclature, sans remettre en cause ni l'esprit, ni les termes, ni les échéances.

Les conférences des schémas de cohérence territoriale (SCOT) devront rendre leurs conclusions à la fin du mois d'octobre. Comme je l'ai précisé aux sénateurs, cette date ne sera pas modifiée. S'il n'y a pas de consensus – et on s'oriente vers ce cas de figure –, la question sera transférée aux régions, chargées d'adopter le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET). J'ai une préoccupation : certaines régions expliquent qu'elles pourraient, en l'absence de consensus, appliquer de manière aveugle la règle de division par deux de la consommation des ENAF, alors que c'est précisément ce que les parlementaires cherchaient à éviter, souhaitant que l'on tienne compte du bilan vertueux de certaines collectivités, de la densité et des dynamiques de population. C'est sur ces points que porte la réflexion, mais cela ne modifiera en rien l'échéance du 22 février 2024 – date limite de modification des SRADDET –, ni celle de 2031, ni celle de 2050.

J'ai demandé aux préfets de ne pas se précipiter pour appliquer des décrets qui ont fait l'objet de remarques de la part de parlementaires et dont certains points sont objectivement améliorables. Ce n'est pas une remise en cause des perspectives. L'AMF, l'ADF et Régions de France se réjouissent d'ailleurs de ce temps d'échange et de dialogue.

Madame Diaz, le nucléaire relève de la compétence de la ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher. La carte d'implantation des nouveaux réacteurs fera l'objet d'un texte de loi spécifique ; vous pourrez alors déposer des amendements et faire valoir vos orientations. En matière de nucléaire, la feuille de route du Gouvernement est claire : tirer parti des bienfaits de cette énergie très décarbonée. D'autres pays se rallient d'ailleurs à cette approche, compte tenu du contexte.

Concernant l'alouette des champs, je vous fais la même réponse qu'à Aymeric Caron : j'attends la décision du Conseil d'État. Il ne serait pas rationnel de signer un arrêté sans connaître sa position de fond, alors que tout est parti d'un référé. Plus que celle de l'alouette des champs, la question est celle des modes de piégeage – la pante, la matole –, de leur caractère létal et des espèces qui sont ainsi capturées. C'est parce qu'ils ne distinguent pas selon les espèces que le Gouvernement a interdit l'usage du collet et de la glu.

Plut tôt vous exercerez les responsabilités, mieux cela vaudra, avez-vous dit, madame Obono. C'est davantage aux électeurs qu'il appartient de vous répondre sur ce point. Vous me permettrez de ne pas nécessairement être d'accord.

Sur le fond, je me réjouis que la France ait bénéficié cet été de la solidarité européenne en matière de moyens aériens, ce qui n'avait pas été le cas les années précédentes. Par ailleurs, le bilan de l'été 2022 ne doit pas occulter les progrès accomplis par les services d'incendie et de secours – prépositionnement de véhicules, actions de repérage dans certains territoires –, qui nous ont permis de réduire de manière constante les surfaces brûlées au cours des vingt dernières années.

Le problème est non seulement la concentration des feux dans le Sud du pays, monsieur Acquaviva, mais aussi, désormais, leur extension au nord de la Loire, qui témoigne des effets du réchauffement climatique tels qu'ils sont décrits depuis un moment dans les rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), notamment de l'assèchement des sols. Il faut donc se préoccuper non seulement des moyens, mais aussi de leur prépositionnement, selon une carte qui devra sans doute couvrir, demain, le nord du pays.

S'agissant des effectifs de l'ONF, la tutelle est entièrement exercée par le ministère de l'agriculture. Seuls 4 % des espaces qui ont brûlé cet été étaient gérés par l'office, alors même que celui-ci est chargé de 25 % de la forêt française environ. Établir un lien entre la baisse des effectifs et la surface ayant brûlé n'est donc pas honnête intellectuellement. On peut discuter de la nécessité d'augmenter les effectifs pour mieux connaître les forêts, ou encore pour améliorer la politique de piégeage du carbone, mais il est faux de prétendre que cela permettrait d'éviter les incendies.

À cet égard, il faut regarder en face certains problèmes tels que le respect de leurs obligations de débroussaillement par les propriétaires ou la réalisation de corridors d'incendie et de secours, y compris lorsque des collectifs locaux s'y opposent. En effet, si l'on n'applique pas les dispositifs élaborés par les autorités, on ne peut pas, ensuite, pleurer sur les hectares brûlés.

Des assises de la forêt se tiendront à la fin du mois. Elles permettront d'évoquer ces divers aspects, ainsi que la replantation des essences et la stratégie globale concernant la forêt.

La commune est l'échelon de base de notre démocratie, mais j'assume pleinement qu'elle ne le soit pas nécessairement pour toutes les politiques. Du fait de la diversité de taille des communes, c'est une bonne chose que certaines politiques ne soient pas conduites à cet échelon – je pense évidemment aux transports et à la gestion de l'eau, par exemple, pour lesquels se sont développées des habitudes de coopération qui permettent de tenir compte de la nécessité pour plusieurs communes de travailler ensemble.

Je n'ai pas de mandat pour aborder la question de la carte des régions. Du reste, je ne me souviens plus très bien du contexte dans lequel ce que vous avez évoqué a été fait…

Monsieur Balanant, vous avez pleinement raison en ce qui concerne l'évaluation. Il y a là un chantier considérable, et la question n'est pas seulement d'ordre législatif : ce sont d'abord les citoyens qui doivent s'en saisir.

Il est très frappant de constater que, dans le débat public, le seul chiffre avancé est celui du critère de déficit fixé par Maastricht, comme si c'était l'alpha et l'oméga de nos engagements internationaux. À force de compter, on oublie les engagements climatiques. Depuis mon premier jour au ministère de la transition écologique, j'essaie de faire entrer dans le débat la notion de tonne de CO2 évitée et la stratégie Fit for 55 : il faut objectiver le gain que représente de ce point de vue chaque décision que nous prenons. En disant cela, j'apporte un élément de réponse à M. Iordanoff, qui voulait savoir ce qu'un ministre de la transition écologique pouvait faire en avance de phase. C'est le seul moyen d'obtenir, à budget public constant, des arbitrages budgétaires qui tiennent compte de l'urgence climatique.

Il ne vous a pas échappé, car vous avez travaillé sur le sujet par le passé, qu'il n'existe aucun « article 40 environnemental » permettant de déclarer certains amendements irrecevables. Indépendamment de ce que peut faire un ministre pour intégrer des outils d'objectivation dans la feuille de route de planification écologique et pour susciter le débat citoyen, il appartient au Parlement de déterminer la façon dont il peut contribuer au débat – vous avez avancé plusieurs pistes à ce propos.

Madame Poussier-Winsback, en ce qui concerne le couple maire-préfet, le rapport de la mission flash de la Cour des comptes qui a été publié au mois de mai est précieux : il pointe le fait qu'une part excessive de la réduction des effectifs de l'État a porté sur les préfectures, affaiblissant la capacité d'action dans le dernier kilomètre. C'est la raison pour laquelle, depuis deux ans, les baisses d'effectifs ne sont pas plus importantes à l'échelon déconcentré qu'aux échelons supérieurs. Il faut conserver cette orientation. Le Président de la République réunira demain tous les préfets ; ce sera certainement l'occasion pour lui d'insister sur la complémentarité entre le maire et le préfet et sur la nécessité de faire en sorte qu'ils travaillent de concert.

En ce qui concerne l'inflation que subissent les collectivités, en particulier dans le domaine de l'énergie, il convient, d'abord, de distinguer deux catégories : les plus petites communes, ayant moins de dix agents et dont les recettes ne dépassent pas 2 millions d'euros de recettes, et les autres. Les premières bénéficient des tarifs publics d'EDF et le bouclier tarifaire y joue pleinement son rôle. Pour les secondes, plusieurs décisions ont été prises, d'ailleurs améliorées par l'Assemblée nationale et par le Sénat. Je pense notamment aux 550 millions d'euros qui ont été « fléchés » à l'occasion de la loi de finances rectificative. Je pourrais également insister sur le fait que la perte de recettes pour l'État de 8 milliards d'euros liée à la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) a entraîné indirectement une remise de 400 millions d'euros. La progression des volumes gérés par l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH) a elle aussi permis de limiter la hausse. Cela dit, l'essentiel des problèmes est devant nous.

Il existe, pour la détermination des impôts locaux, un mécanisme d'indexation obligatoire des valeurs locatives sur l'inflation. Quand celle-ci reste au même niveau d'une année sur l'autre, on ne remarque pas de conséquence visible, mais quand elle progresse par rapport à l'année précédente, on observe un effet de ciseaux, les recettes augmentant moins que les dépenses ; en revanche, lorsque viendra le moment de revaloriser forfaitairement les valeurs locatives sur la base des douze derniers mois, qui ont été marqués par l'inflation, il n'est pas exclu que, compte tenu du niveau d'inflation de l'année 2023, l'augmentation des recettes devienne équivalente à celle des dépenses. Quoi qu'il en soit, le niveau de revalorisation automatique des bases locatives sera significativement plus élevé que l'année dernière.

Par ailleurs, il faut faire très attention à ne pas aborder la question de l'inflation en considérant les objets un par un. L'enjeu n'est pas d'apporter une réponse aux sociétés privées gérant des piscines communales au titre d'une délégation de service public, en oubliant d'ailleurs les communes qui assument cette charge en régie, ni de se concentrer sur les piscines en négligeant les bibliothèques, ou encore les patinoires. Dans la réflexion quant à la manière d'accompagner les collectivités face à la hausse du prix de l'énergie, l'approche doit être globale.

Monsieur Iordanoff, la France est en retard, en effet : comme je l'ai dit, il faut doubler le rythme de baisse des émissions, même si nous sommes déjà passés de 5 % de réduction pendant le quinquennat de M. Hollande à 10 % ou 12 % pendant le premier quinquennat d'Emmanuel Macron. Ce n'est pas parce que seuls vingt pays sur l'ensemble de la planète ont entamé un cycle de baisse des émissions qu'il faut se réjouir par rapport à ce que font les autres. Si nous ne sommes pas exemplaires pour prendre notre part de l'effort, nos annonces perdront toute crédibilité.

Pour être crédible, il faut également faire attention à ne pas tout mélanger. Un gouvernement soutenu par une force politique dont l'engagement écologiste ne me semble pas contesté par certains membres de l'opposition en France – je peux parler des Verts allemands – a installé des méthaniers flottants et rouvert des centrales à charbon, considérant que, sur le plan social, la situation dans laquelle risquait de se trouver une partie des habitants le justifiait. Cet été, face au risque d'explosion sociale, la représentation nationale a décidé, quant à elle, par un vote très large, de soutenir temporairement les énergies fossiles ; de nombreux amendements allant dans ce sens, provenant de tous les bancs, avaient été présentés et avaient recueilli un avis défavorable du Gouvernement. Si l'ensemble des partis politiques représentés à l'Assemblée s'entendent pour soutenir les énergies fossiles afin d'éviter un récif social sur la trajectoire de décarbonation, on peut le comprendre, du moment que la mesure est à durée limitée et ne remet pas en cause l'objectif final que notre pays s'est engagé à atteindre. L'Assemblée a manifestement fait un constat qui l'a conduite à privilégier le social par rapport à l'écologie. Je respecte cette décision, qui a été prise de manière démocratique ; je rappelle simplement le cap.

Madame Faucillon, il y a sept quartiers prioritaires de la politique de la ville dans la commune dont j'ai été maire jusqu'au début du mois de juillet ; je connais donc un peu le sujet. En ce qui concerne le zonage et les moyens, la politique de la ville a vocation à être recentrée sur ses fondamentaux et réexaminée pour la période suivante à la fin de l'année 2023.

Vous proposez de « flécher » une partie du fonds vert en direction de la politique de la ville. Je ne suis pas favorable à ce que le fonds soit segmenté, une partie des crédits se trouvant affectés à la politique de la ville, tandis que d'autres le sont à la ruralité, aux territoires intermédiaires ou encore aux petites villes. Attribuer des moyens à la politique de la ville est une nécessité, mais en piochant dans une enveloppe à vocation généraliste, on prend le risque d'opposer les territoires entre eux, dans un contexte où il faut, au contraire, qu'ils tirent tous dans le même sens.

Monsieur Acquaviva, je confirme que les crédits du fonds vert seront à la main des collectivités locales. J'ai d'ailleurs eu une réunion de travail avec Gilles Simeoni, en sa qualité de président de la commission transition écologique de Régions de France, afin de détailler la manière dont les fonds pourraient être utilisés.

La gestion des déchets en Corse est une question suffisamment sensible pour faire partie des enjeux dont je discuterai sur place dans le courant du mois d'octobre. Néanmoins, la politique en la matière est d'abord à la main des élus locaux. La situation en Corse nécessite des décisions rapides pour sortir du conflit qui, si j'ai bien compris, oppose Syvadec et la collectivité. La mise en œuvre des mesures prévues par le plan d'élimination a pris du retard et le niveau de performance peut être très nettement amélioré.

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