Je vais vous présenter, pour la septième fois, un rapport sur le programme Diplomatie culturelle et d'influence. À cet intitulé, je préfère l'expression « diplomatie des sociétés civiles » ou « diplomatie non institutionnelle ». Je ferai quatre remarques : deux sur la partie générale et deux sur la partie thématique.
Tout d'abord, nous avons là un bon budget. Les moyens de cette diplomatie ont augmenté depuis 2017, notamment ceux de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), mais la hausse de cette année – 62 millions d'euros, hors personnels – est vraiment considérable. C'est la première fois que je vois une telle hausse et l'on sent que la répartition des crédits entre les différentes actions a vraiment été bien pensée.
Par ailleurs, l'administration diplomatique poursuit sa mue et sort de la logique des silos. J'avais présenté des rapports très critiques sur ce que j'appelais la « diplomatie du dessert » ou la « diplomatie qu'on fait quand on a le temps », se caractérisant par des actions très éclatées et incontrôlables. Or il y a eu une vraie évolution de ce point de vue : désormais, les outils diplomatiques procèdent d'une même volonté et témoignent de la cohérence de notre action à l'extérieur. J'appelle votre attention sur le fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI), un outil budgétaire transversal très performant que nos ambassades utilisent beaucoup et qui permet de sortir des silos de notre administration publique un peu rigide.
J'en viens à la partie thématique. Si j'ai choisi d'aller en Algérie – dans le prolongement de mes missions au Liban, en Israël et en Palestine –, c'était pour réfléchir à la notion de « guerre des mémoires », que je n'aime pas. Il y a des confrontations, des choses à régler entre les mémoires, mais je crois que c'est une erreur de parler de guerre à propos d'actions qui visent à la dépasser. La commission mixte d'historiens français et algériens sera un outil utile pour apaiser les tensions mais elle ne va pas révolutionner la connaissance scientifique de l'histoire de la colonisation et de la décolonisation. Des historiens ont déjà fait ce travail scientifique : des Français, des Algériens, des Franco-Algériens, mais aussi des historiens d'autres nationalités. L'intérêt de cette commission mixte est diplomatique et pas scientifique.
J'aimerais par ailleurs revenir sur la place de la langue française en Algérie. Ce que je peux vous dire, c'est qu'on a soif de français en Algérie. Toutes les personnes que j'ai rencontrées, qui avaient des statuts et des histoires très différents, m'ont dit que l'Algérie resterait quadrilingue – avec le darja, l'arabe, le tamazight et le français –, que cela fait partie de leur manière de vivre. Au lycée français d'Alger, il y a une place pour soixante-dix demandes. Les mesures étatiques prises pour essayer de sortir du français ne me font pas peur. Il faut que nous nous battions avec des outils diplomatiques culturels – que l'on peut aussi qualifier de « soft » ou de « non-étatiques » –, sous les radars, en veillant à ne pas recréer de conflit. Il est inutile de publier des tribunes pour dire que l'État algérien se trompe. La diplomatie dont je parle relève de la société civile. Il faut travailler avec elle et non chercher à toute force à s'opposer à des mesures officielles qui, de toute façon, n'atteindront pas leur but.
Je voudrais saluer la très grande capacité d'adaptation et d'évolution de notre personnel diplomatique. Si l'on est sorti des silos, c'est parce que nos agents ont su changer leur manière de travailler et se remettre en question. À Alger, un chef de poste m'a dit qu'il mettait au-dessus de la pile les dossiers relatifs au lycée français et aux bourses André Mandouze, parce qu'il les considère comme prioritaires.
Parce que nombre d'amendements déposés ce matin portent sur les lycées français à l'étranger, je vous rappelle qu'à de rares exceptions près, qui tiennent à des raisons historiques, ils ne sont pas gérés par l'État français mais sont avant tout des institutions de droit local. Ce qui fait un lycée français à l'étranger, c'est un agrément, une homologation de l'Éducation nationale française. Le fait que nous gérions soixante de ces lycées de façon centralisée à Paris n'a rien à voir avec l'avenir de ce réseau de 580 lycées, dont l'immense majorité relève d'une gestion locale. L'État n'intervient que par l'envoi de personnel pour les développer, les aider et contrôler l'excellence de ce qui y est enseigné, en particulier la langue française.