Nous examinons, pour avis, les crédits des programmes 105, Action de la France en Europe et dans le monde, et 151, Français à l'étranger et affaires consulaires de la mission Action extérieure de l'État. Les crédits de ces deux programmes regroupent les moyens de fonctionnement, numériques, d'investissement et de sécurité, les moyens d'intervention du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, ainsi que les crédits relatifs aux actions consulaires. Ces programmes représentent, avec le programme 185, Diplomatie culturelle et d'influence, l'essentiel des moyens octroyés au Quai d'Orsay pour assurer la mise en œuvre de ses missions.
En 2024, le budget du ministère de l'Europe et des affaires étrangères atteindra 6,764 milliards d'euros en crédits de paiement, hors pensions, soit une hausse de 293 millions – 4,5 % – par rapport à la loi de finances pour 2023. Ce budget est également marqué par une hausse des effectifs, avec 165 nouveaux ETP, qui s'ajoutent aux 100 ETP créés lors du dernier exercice : c'est un fait notable pour un ministère qui, depuis trente ans, voyait ses effectifs baisser. Comme le président Bourlanges l'a souligné lors de l'audition de la ministre, le Quai d'Orsay était vraiment « au-delà de l'os » en matière de ressources humaines.
Le PLF pour 2024 s'inscrit ainsi dans le sillage des annonces faites par le président de la République en clôture des états-généraux de la diplomatie, le 16 mars 2023, qui visent un « réarmement » de notre diplomatie d'ici à 2027, avec la création de 700 ETP et une hausse des crédits de 20 %. Ces moyens nouveaux pour notre outil diplomatique, que beaucoup considèrent en crise profonde, à l'intérieur comme à l'extérieur du Quai d'Orsay, apparaissent comme une nécessité à une époque où les tensions à l'échelle mondiale ne cessent de se multiplier et de s'intensifier.
Cependant, c'est de l'allocation de ces moyens nouveaux que dépendra le renouveau effectif de notre diplomatie. Des priorités fixées pour le pilotage du ministère et de son réseau dépendront le renforcement de la place de la France dans le concert des nations et l'affermissement de notre capacité d'action. Si je salue la hausse des moyens humains et financiers dédiés au Quai d'Orsay pour 2024, j'appelle néanmoins à la plus grande vigilance sur leur utilisation, afin que la volonté politique affichée ne soit pas un vœu pieux mais qu'elle devienne un réel outil au service du renforcement de l'action extérieure de notre pays.
À mes yeux, l'allocation imprécise de ces nouvelles ressources, notamment des 165 ETP supplémentaires, constitue un motif d'inquiétude. Pour l'heure, on m'a seulement indiqué que ces ressources viendraient soutenir les priorités érigées par le président de la République. En conséquence, je m'abstiendrai sur le vote de ces crédits et j'appelle la commission à en suivre l'exécution avec la plus grande attention.
Pour illustrer combien il importe de garantir à notre diplomatie les moyens d'agir dans un environnement international de plus en plus dégradé – avec la guerre en Ukraine, la situation en Afrique sahélienne et les évènements dramatiques qui se déroulent au Proche-Orient –, j'ai fait le choix de consacrer la partie thématique de mes travaux aux actions de notre outil diplomatique dans les situations d'urgence, plus particulièrement aux opérations d'évacuation de nos ressortissants qui se sont multipliées ces dernières années : en Afghanistan en 2021, en Ukraine en 2022, au Soudan et au Niger en 2023, et, ces derniers, jours en Israël.
La France dispose en la matière d'un savoir-faire et d'une capacité d'action reconnus par tous, qui la placent souvent en première ligne pour mener à bien ces missions périlleuses au service de nos ressortissants mais aussi au bénéfice des ressortissants d'autres États partenaires. Pour y parvenir, la France peut compter sur des moyens militaires et civils, ainsi que sur des agents aguerris et dévoués disposant d'une réelle expertise. Je pense notamment aux équipes qui étaient en poste dans les pays concernés, ainsi qu'aux agents du centre de crise et de soutien, qui est actif 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Lorsqu'une crise survient à l'étranger – qu'elle soit sécuritaire, climatique, humanitaire, politique ou sanitaire –, ils assurent la protection de nos ressortissants.
Je présente dans mon rapport la mise en œuvre opérationnelle des évacuations et je fais un bilan des dernières opérations, attestant de l'expertise de notre pays en la matière et soulignant aussi parfois, en creux, le faible investissement de nos partenaires, notamment européens. Je reviens également sur les difficultés rencontrées dans ces moments critiques, notamment sur le fait que nombre de nos ressortissants ne sont pas inscrits au registre des Français établis hors de France, qui est pourtant un outil essentiel lorsque survient une crise. J'aborde enfin la question de la formation et de l'accompagnement professionnel, indemnitaire et psychologique des agents du ministère de l'Europe et des affaires étrangères face à ces situations de crise. Je pourrai revenir, si vous le souhaitez, sur la préparation, la gestion et le coût de ces opérations d'urgence, qui font partie depuis longtemps de la culture du Quai d'Orsay et qui y occupent une place prééminente. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères reste bien le ministère des crises.