Intervention de Christophe Béchu

Réunion du mardi 13 septembre 2022 à 15h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires :

La feuille de route de mon ministère, qui a été dévoilée officiellement par le Président de la République et la Première ministre, est ambitieuse. Le simple fait d'avoir lié transition écologique et cohésion des territoires atteste le rôle essentiel des collectivités territoriales pour atteindre les objectifs environnementaux de la France. Notre pays s'est engagé sur un certain nombre d'entre eux à l'échelle internationale : je pense non seulement au Fit for 55, mais aussi à la protection de la biodiversité. Pour être efficace, il faut unir les énergies et faire converger les actions aux échelles nationale et locale. En effet, si beaucoup de décisions peuvent être prises au niveau de l'État, une partie des solutions relève en effet des territoires. On ne peut développer les transports en commun en l'absence d'une autorité organisatrice des mobilités ambitieuse en matière de décarbonation ; il est difficile de lutter contre l'artificialisation des sols si l'autorité qui délivre les permis de construire ne veille pas à ce que les nappes phréatiques se rechargent ; on peinerait à construire des îlots de fraîcheur si les maires ne lançaient pas les programmes de déminéralisation des cours d'école.

J'axerai mon propos sur la cohésion des territoires, conformément à l'orientation que vous souhaitez, sans préjuger pour autant du contenu de vos questions – d'autant que certains aspects concernant la transition écologique ont aussi vocation à être examinés par votre commission.

La cohésion des territoires repose d'abord sur une nouvelle méthode de travail avec les collectivités, caractérisée par la confiance et la responsabilité. Les aides financières aux collectivités que vous avez citées témoignent de cette confiance. Quant à la responsabilité, on ne peut pas défendre le principe d'une République décentralisée et considérer que l'État est seul compétent pour prendre une décision ou arbitrer en présence d'une difficulté. Dès mon arrivée au ministère, j'ai beaucoup consulté les onze associations d'élus locaux, en coordination étroite avec la Première ministre – celle-ci étant responsable de la feuille de route de la transition écologique et les arbitrages budgétaires étant évidemment sensibles dans le contexte actuel.

Nos échanges nous ont déjà permis d'avancer sur plusieurs sujets, preuve que la méthode est bonne, même si elle encore doit être généralisée. Nous nous sommes d'abord accordés sur l'élaboration d'un agenda territorial. Nous avons proposé aux associations d'élus de nous faire part des sujets intéressant les collectivités afin d'élaborer une feuille de route, ce qui nous permettra de traiter ces questions, une par une, à partir du début de l'année prochaine – au lieu de les aborder sur un coin de table ou par le biais d'un cavalier budgétaire ou législatif. L'objectif est de rendre cette feuille de route publique, afin de nourrir l'agenda gouvernemental, dans une logique interministérielle.

La méthode de travail gouvernementale et le fait d'y adjoindre les collectivités occupent une place centrale dans notre démarche. Nous nous emploierons ainsi à anticiper certains chantiers de réforme et à associer les collectivités à la réflexion, voire à tester les solutions auprès d'elles, puisque leur nombre nous permet d'établir des comparaisons entre elles : avant d'imaginer une mesure nationale, il faudra regarder s'il n'existe pas déjà une solution locale à même d'être généralisée.

Le premier sujet très concret auquel nous nous attelons concerne les budgets verts, qui sont au croisement de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Plutôt que de concevoir un budget vert de manière théorique, avec Bercy, nous avons décidé de jouer la confiance et de demander à chaque bloc d'associations de nous faire remonter ses bonnes pratiques. Nous déterminerons ainsi, d'ici à la mi-2023, s'il existe des points consensuels entre les collectivités. L'objectif est que la première copie ne soit pas celle de l'État mais émane des collectivités. Cette proposition a reçu un accueil très favorable, tant de l'AMF (Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité) que de l'ADF (Assemblée des départements de France), de l'ADCF (Intercommunalités de France) et de Régions de France.

Nos politiques doivent être ajustées aux réalités de chaque territoire. Pour que cette adaptation soit respectueuse des prérogatives de chacun, nous privilégierons la voie contractuelle, en nous appuyant, en particulier, sur les CRTE (contrats de relance et de transition écologique), en articulation avec les contrats de plan État-région. La contractualisation territoriale doit être le levier de l'accélération de la transition écologique. L'État a vocation à être présent, non seulement par l'octroi de crédits, mais également en appui à l'ingénierie, en mobilisant ses satellites et des structures telles que l'ANCT (Agence nationale de la cohésion des territoires), le CEREMA (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement) ou encore l'ADEME (Agence de la transition écologique).

La politique de cohésion des territoires est centrale. Il ne faut oublier aucun d'entre eux, ni les territoires ruraux – c'est la raison d'être du secrétariat d'État à la ruralité, placé au sein de mon ministère –, ni les territoires urbains, à travers la politique de la ville, également comprise dans le périmètre du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires et prise en charge par le ministre délégué, Olivier Klein.

Un certain nombre de sujets institutionnels sont traités par le ministère de l'intérieur, au titre du droit électoral : je pense au statut de la Corse ou à l'évolution du Grand Paris, auxquels s'ajoute la question du conseiller territorial.

En matière de décentralisation, le volet du logement n'a pas encore été abordé. On sent, sur cette question qui faisait partie des engagements du Président de la République, une appétence des élus locaux. On constate parfois de grands écarts entre les budgets et la réalité de terrain, tant en termes de mises en chantier que d'adaptation des chantiers aux enjeux actuels, y compris écologiques.

Le respect de nos engagements appelle une planification écologique territoriale. Nous avons signé un accord prévoyant, d'ici à 2030, une baisse de 55 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport à leur niveau de 1990. Or, à la fin 2021, la diminution atteignait 23 %. Nous devons donc doubler le rythme de baisse de nos émissions. C'est ce que nous avons fait entre 2017 et 2022 par rapport aux cinq années antérieures, mais ce n'est pas encore suffisant pour atteindre l'objectif. Pour diminuer les émissions de CO2 de 16 millions de tonnes par an, il faut non seulement engager une planification, mais aussi veiller à l'absence de divergence entre les actions conduites sur le terrain et celles menées aux échelles nationale et internationale.

Le fonds de 1,5 milliard d'euros annoncé par Élisabeth Borne s'inscrit dans le cadre de cette planification. Au sein du plan de relance, une ligne dédiée au fonds friches, dotée de 300 millions, permet de « flécher » l'aide aux collectivités locales pour dépolluer des friches et, partant, rendre leur reprise moins coûteuse que l'étalement urbain et l'artificialisation. Au printemps dernier, la Première ministre avait émis l'idée de créer un fonds de renaturation, doté de 500 millions sur la durée du quinquennat – soit 100 millions par an – pour accompagner les collectivités conduisant des actions en la matière.

À la suite de nos échanges, cet été, Mme Borne a accepté que l'on globalise les crédits au sein d'un fonds unique de 1,5 milliard d'euros, qui se substituera aux dispositifs en silo : le fonds friches, le fonds de renaturation, le fonds appelé à accompagner les collectivités souhaitant prendre de l'avance sur la création de zones à faibles émissions… Ce fonds unique, simple d'accès, ne reposera pas sur des appels à projets, ce qui nous prémunira contre une ingénierie trop complexe et des frais de montage si élevés qu'ils empêchent parfois les plus petites collectivités de réunir les sommes. Les objectifs ne seront pas nécessairement énumérés de manière exhaustive, car ils tiendront compte de la réalité des territoires. À titre d'exemple, pour aider les communes du littoral face à l'érosion du trait de côte, on pourrait piocher dans ce fonds vert plutôt que de créer un fonds ad hoc. Il en ira de même pour la reprise des friches, l'électrification des flottes et, plus largement, pour tout ce qui peut contribuer à l'atténuation du changement climatique ou à l'adaptation à ce dernier.

Sous réserve de procéder ensuite à une évaluation, j'ai le sentiment que l'on répond de la sorte à un besoin de souplesse. Des questions restent à trancher, qui relèvent, à mes yeux, du débat parlementaire : faudra-t-il une commission départementale, sur le modèle de la DETR (dotation d'équipement des territoires ruraux) ? Les crédits seront-ils « fléchés » à l'échelle nationale ou appliquera-t-on un mécanisme plus rapide s'inspirant de la mobilisation de la DSIL (dotation de soutien à l'investissement local) dans le cadre du plan de relance ? J'ai demandé à l'AMF, à l'ADF, à l'ADCF, à Villes de France et à Régions de France de nous suggérer les modalités qui leur paraissaient les plus simples pour garantir le versement le plus rapide possible des crédits et l'accompagnement des collectivités. Les crédits engagés en la matière contribueront à réduire les dépenses de fonctionnement des collectivités, puisqu'elles diminueront notre dépendance aux fluides et faciliteront la sortie des énergies fossiles.

Nous devons actionner tous les leviers pour parvenir à une planification écologique digne de ce nom. Les émissions de gaz à effet de serre dans notre pays se répartissent de la manière suivante : 30 % émanent des transports, 19 % de l'agriculture, 18 % de l'industrie, 18 % du logement, 10 % de l'énergie, 4 % du piégeage du carbone. Il nous faut accentuer nos efforts dans les secteurs pour lesquels nous sommes le plus en retard par rapport à la feuille de route, à l'image des transports et de l'agriculture. En matière de transports, qui relèvent de mon ministère, il convient de décliner un plan d'accès aux véhicules électriques et de continuer à promouvoir les mobilités actives. À cet égard, nous fêtons le quatrième anniversaire du plan Vélo et mobilités actives. Il est à noter qu'en la matière, nous avons dépensé en quatre ans le budget prévu pour sept années.

Nous avons pour objectif de rénover 700 000 logements. Cela étant, compte tenu des sommes en jeu, il nous faut aussi prêter attention à l'efficacité énergétique de la rénovation, indépendamment du nombre de logements. Au-delà des rénovations monogeste, il convient de favoriser des pratiques qui massifient une partie de la baisse des émissions.

En matière de protection de la biodiversité, la stratégie nationale 2030 sera dotée de moyens financiers accrus, intégrés dans l'ensemble de nos actions.

En ce qui concerne l'aménagement du territoire et la sobriété foncière, nous avons besoin du fonds d'accélération des investissements industriels dans les territoires, mais pas seulement. Pour continuer à suivre la trajectoire du Zéro artificialisation nette (ZAN), nous devons objectiver auprès des élus les pourcentages d'artificialisation qui les concernent et les perspectives qui s'offrent à eux.

La réduction des déchets concerne au premier rang les collectivités territoriales, qui en ont la responsabilité. Nous avons accéléré notre action en ce domaine, dans la continuité de la loi dite antigaspillage pour une économie circulaire (AGEC), en valorisant des solutions innovantes.

Plus largement, nous agissons en faveur de la prévention des risques. Une journée dédiée à ce thème – le 13 octobre – a été officialisée par les ministères de l'intérieur et de la transition écologique. Elle a pour objet de sensibiliser nos concitoyens à l'ensemble des risques naturels, qui sont malheureusement aggravés par le réchauffement climatique.

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