A-t-elle permis une coconstruction – mot que l'on entend si souvent mais qui connaît si rarement une traduction concrète ? Clairement, non !
Nous avons fait des propositions concernant l'hôpital, le grand âge, de nouveaux financements et une nouvelle organisation. Tout ou presque a été balayé ! Ces concertations sont-elles la traduction « d'une main tendue loyalement » – slogan si cher au Président de la République – ou s'agit-il juste de faire semblant ?
La situation budgétaire de notre système de sécurité sociale devrait pourtant nous conduire à agir de manière responsable et à essayer de dépasser nos clivages afin d'œuvrer pour le bien commun. Car la sécurité sociale est notre bien commun.
La situation est d'autant plus inquiétante que, derrière cet acronyme un peu barbare – PLFSS –, se joue en partie la vie de nos concitoyens. Tous nous disent leurs inquiétudes quant à la fermeture de services d'urgence. Mes collègues Paul Molac et Christophe Naegelen vous ont interpellée, ces dernières semaines, sur la réalité vécue dans leurs territoires. Beaucoup nous disent leur difficulté à trouver un médecin traitant. Vous me répondrez : numerus apertus. Mais dans combien de temps produira-t-il des effets ? Et, en attendant, comment empêcher les déserts médicaux de s'étendre ?
Tous ont été profondément choqués par les scandales touchant certains Ehpad qui ont été révélés ces dernières années et nous somment de trouver des solutions. Celles qui nous sont proposées sont clairement insuffisantes.
Voilà quelques défis qui nous font face. Comment les relever dans le contexte actuel ?
Les indicateurs doivent nous alerter. En 2023, vous tabliez sur un déficit plus élevé que prévu, à hauteur de 8,8 milliards d'euros, toutes branches confondues, contre 6,8 milliards dans la précédente loi de financement de la sécurité sociale. Pour 2024, le déficit se creuserait encore, pour atteindre 11,2 milliards. Les branches maladie et vieillesse connaissent les déficits les plus importants – je note d'ailleurs qu'en 2024, le coût de votre réforme des retraites sera de 200 millions d'euros. Vous mettez en avant une politique d'économies, d'un montant de 3,5 milliards dans le texte initial, mais cela n'empêche pas le déficit de se creuser.
Dans le même temps, il y a un consensus pour considérer que la hausse de l'Ondam inscrite dans le PLFSS pour 2024 est insuffisante pour faire face à l'inflation. De fait, la hausse des coûts affecte aussi bien le fonctionnement que les projets d'investissements, et cela renforce notre crainte d'un hôpital à deux vitesses. En d'autres termes, les hôpitaux nous disent qu'il leur manque entre 1,5 milliard et 2 milliards d'euros pour fonctionner de manière satisfaisante.
Vous avez rejeté nos amendements visant à relever l'Ondam ; nous le regrettons. Vous avez récemment annoncé un réexamen, d'ici à la fin de l'année, de la situation financière des hôpitaux ; nous serons très attentifs à vos propositions.
J'appelle votre attention sur un autre problème de financement propre aux territoires insulaires et ultramarins. Pour compenser les surcoûts structurels, nous demandons une revalorisation des coefficients géographiques et leur réévaluation annuelle.
Au-delà, que nous disent les établissements de santé ? Qu'ils manquent de visibilité. Pourquoi ne pas leur offrir cette visibilité sur une période de cinq ans ? Vous pourriez reprendre cette proposition dans le cadre de la réforme à venir du financement des hôpitaux. À ce sujet, nous réitérons notre souhait d'une accélération de la réforme de la tarification à l'acte au profit d'une tarification fondée notamment sur les besoins de santé.
Mais cela ne sera pas suffisant, car les maux des hôpitaux sont plus profonds. Certains praticiens nous disent avoir l'impression d'une course effrénée à la rentabilité ; d'autres nous alertent sur la complexité du fonctionnement et le poids de la suradministration. L'hôpital a besoin d'une grande réforme structurelle, qui passe par un choc de décentralisation.
Je veux m'attarder sur une grande réforme, sans cesse repoussée et rognée. Nous souhaitions une grande loi sur le grand âge ; nous devrons nous contenter de la petite proposition de loi sur le bien vieillir. Au reste, le Président de la République avait promis le recrutement, en cinq ans, de 50 000 personnes supplémentaires dans les Ehpad. Nous sommes loin du compte : 3 000 recrutements ont été promis en 2023 – mais combien de postes ont été réellement créés ? –, 6 000 le sont en 2024. À ce rythme, la trajectoire ne sera pas tenue.
Par ailleurs, nous regrettons l'absence de financements dédiés pour la branche autonomie, plus de trois ans après sa création. Le transfert d'une fraction de la contribution sociale généralisée (CSG) prévu pour 2024 ne représentera que 2,6 milliards ; ce sera insuffisant. Là encore, nous vous avons fait un certain nombre de propositions portant sur le financement et la création de 6 000 postes supplémentaires ; en vain.
Nous continuons à défendre deux améliorations primordiales : l'élaboration d'une loi de programmation, dont le principe a été adopté en commission, et l'expérimentation d'un forfait fusionné des volets soins et dépendance dans les Ehpad des départements candidats.
Enfin, nous ne pouvons plus reporter le débat sur le financement de notre système de protection sociale. Nous nous interrogeons, à cet égard, sur la pertinence de certaines exonérations de cotisations sociales pour les salaires supérieurs à 2,5 Smic. Nous avions fait une proposition qui permettait une économie d'1,6 milliard d'euros.
Certains députés de la majorité en ont fait d'autres, sur lesquelles un accord a été trouvé. En quelques mots, elles visaient à supprimer certains allégements sur les salaires compris entre 2,5 et 3,5 Smic en contrepartie d'un coup de pouce en faveur des bas salaires. En cette période de forte inflation, qui touche les classes populaires, une telle mesure n'était pas dénuée d'intérêt. Hélas, rien de tout cela ne figure dans le texte que vous nous proposez !
Au moment de dresser le bilan, je relève néanmoins certaines mesures positives, notamment celles qui contribuent à renforcer le volet prévention. Je pense à la vaccination contre le papillomavirus au collège ou à l'accès gratuit aux préservatifs et aux protections menstruelles réutilisables. Je note également quelques menues améliorations en faveur des travailleurs indépendants, notamment grâce à la reprise d'un amendement de notre collègue Christophe Naegelen.
Ces avancées demeurent modestes. Mais la principale raison qui nous poussera à ne pas voter pour cette motion de censure vient de l'abandon de deux mesures particulièrement injustes.
La première était votre projet d'augmenter la franchise sur les médicaments et la participation forfaitaire pour les consultations. Si cette disposition ne figurait pas dans le texte initial, elle était clairement prévue. Vous avez reculé, mais je note que vous ne semblez pas avoir abandonné l'idée, comme l'a indiqué le ministre Thomas Cazenave sur France Inter. Pouvez-vous nous éclairer sur l'état des négociations sur cette question ?
Second point d'opposition : votre volonté de ponctionner l'Agirc-Arrco. Au nom de notre attachement au paritarisme, qui est au cœur de notre modèle social, nous vous avons dit notre résolution à lutter contre cette ponction à hauteur de 1 milliard d'euros par laquelle vous vouliez financer le déficit du régime général des retraites.
Les partenaires sociaux ont bien géré l'Agirc-Arrco. Nous estimons que le Gouvernement n'a pas à toucher à ses réserves.