Pour la quatorzième fois, vous interrompez le processus législatif. Lors de l'adoption du dernier projet de loi de finances (PLF), vous n'avez même pas laissé l'Assemblée débattre du moindre amendement en séance. Vous avez muselé la démocratie parlementaire, donc le peuple français. À notre tour, madame la Première ministre, de considérer que votre autoritarisme vous place factuellement en dehors de l'arc républicain !
Si encore ce projet de loi de financement de la sécurité sociale répondait aux enjeux de la tiers-mondisation de notre système de santé, mais non, encore raté ! Demain, les déserts médicaux continueront de s'étendre, la détresse des soignants persistera et le déficit de la sécurité sociale se creusera davantage.
Vous ne savez même pas comment vous allez financer votre budget de la sécurité sociale ! Vous n'avez par exemple pas indexé le financement des hôpitaux sur l'inflation. Il manque dans ce budget 1,5 milliard d'euros pour que ces structures puissent faire face à l'explosion des charges liée à l'inflation et aux coûts énergétiques. Et, comme par magie, la semaine dernière, le ministre de la santé et de la prévention annonce rediscuter ce financement ! Vous déclenchez donc un 49.3 sur un projet de loi qui ne sera pas le texte final : cela relève d'une forme d'insincérité et d'opacité, qui sont votre marque de fabrique !
Quelle est votre vision pour remédier à la bureaucratisation de l'hôpital ? Aucune, pas plus que pour rapprocher la médecine de ville et les hôpitaux, pour améliorer les conditions de travail des soignants et remédier à la crise des vocations, ou pour inverser la tendance aux fermetures de lits – 100 000 depuis vingt ans.
Comme dans tant d'autres secteurs, en raison de logiques comptables indignes du service public, la concentration de très nombreux soins hospitaliers dans les grandes métropoles a aussi eu pour effet de mettre en péril notre tissu d'hôpitaux de proximité. La conséquence est gravissime : le nombre de Français qui renoncent aux soins, y compris d'urgence, ne cesse de croître.
Vous traitez les déserts médicaux avec une nonchalance très décalée au regard de l'urgence vitale de l'enjeu. Il y a cinquante ans, les Français bénéficiaient de 318 médecins pour 100 000 habitants ; il n'en reste plus que 162. La tiers-mondisation médicale de la France est une réalité, et vous l'accompagnez depuis six ans.
Le sujet devrait pourtant vivement intéresser le ministre de la santé et de la prévention – nous partageons le même territoire d'élection dans le Gard. Monsieur le ministre, vous qui êtes élu de Saint-Hilaire-de-Brethmas, dans l'agglomération d'Alès, savez peut-être que l'Association des maires ruraux de France a conduit une étude en 2022 et qu'il manquerait au moins vingt-deux médecins dans le bassin alésien. Il en manque également onze à Pont-Saint-Esprit, dans le Gard rhodanien. Quand et comment allez-vous inverser la tendance ?
Ce n'est certainement pas avec vos logiques comptables, certainement pas avec vos tableaux Excel et vos présentations PowerPoint, ni avec les études de McKinsey ; bref, certainement pas avec ce budget de la sécurité sociale.