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Intervention de Alexandre Holroyd

Réunion du mercredi 11 octobre 2023 à 13h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexandre Holroyd, rapporteur :

Monsieur le Président, mes chers collègues, Marietta Karamanli vous a présenté les contours du cadre qui devrait peu ou prou être adopté au cours des prochains mois.

J'aimerais donc utiliser le temps qui m'est donné non pas pour revenir moi aussi sur ce cadre mais plutôt pour m'intéresser aux conséquences d'une telle procédure pour notre Assemblée si elle devait être mise en œuvre. Cela me semble un élément déterminant de cette réforme sur lequel la commission des Finances devrait notamment se pencher.

Comme cela a été expliqué, les plans nationaux seront au cœur du nouveau dispositif. Cela constitue un progrès indéniable car, comme leur nom l'indique, ces plans seront nationaux et chaque État pourra, par conséquent, avancer à un rythme qui lui est propre. Toutefois, ces plans budgétaires et structurels à moyen terme seront définis par le Gouvernement, dans un dialogue avec la Commission européenne. Or, de tels plans conditionneront le volume des dépenses qu'il nous sera possible d'adopter au moment de l'examen annuel de chaque projet de loi de finances pour les années couvertes par le plan. Notre marge de manœuvre, à nous parlementaires, sera donc contrainte et déterminée dans un dialogue dont nous serons exclus. Quelle que soit notre orientation politique, cela devrait tous nous préoccuper en ce que le vote du budget reste une prérogative forte du Parlement. C'est la raison pour laquelle, avec ma collègue, nous appelons, non pas à être associés directement aux négociations, mais, au moins, à avoir connaissance de l'ensemble de leur contenu, notamment des documents échangés entre Paris et Bruxelles dans ce cadre. Cela nous évitera d'être placés devant le fait accompli une fois les négociations terminées et de devoir composer avec une trajectoire sur laquelle nous n'aurions pas eu notre mot à dire. Pour cela, il nous paraît opportun de profiter de la prochaine révision de la Constitution envisagée par le président de la République la semaine dernière pour introduire dans la Constitution une disposition faisant obligation au Gouvernement de transmettre sans délai au Parlement tous les documents reçus des institutions européennes et sujettes à discussions entre eux. Cela se fait dans l'immense majorité des États membres, pourquoi cela ne serait-il pas le cas en France ?

Vous remarquerez que nous ne limitons d'ailleurs pas notre recommandation au seul cadre des règles budgétaires, mais que nous l'étendons à l'ensemble des sujets faisant l'objet de négociations entre le Gouvernement et les institutions européennes.

Avoir accès aux documents n'est toutefois n'est pas suffisant. Dans le cadre de ce rapport nous avons demandé au Trésor un document, le Trésor nous en a refusé l'accès et nous avons obtenu ce document par des collègues d'un autre parlement national, ce qui délégitime notre institution et notre travail. Cet état de fait ne peut être satisfaisant pour personne. Derrière ces documents se cache un outil très ingénieux et intéressant, l'analyse de soutenabilité de la dette, ou modèle DSA, qui vise à vérifier à quel point la dette publique est soutenable. Il est donc nécessaire que nous puissions non seulement disposer de ces documents, mais que nous puissions également les analyser. C'est pourquoi nous avons besoin de compétences supplémentaires à l'Assemblée nationale afin que nous soyons véritablement en mesure d'évaluer les enjeux de telles négociations. Il est donc indispensable que l'Assemblée nationale et la commission des Affaires européennes aient la capacité humaine et matérielle d'analyser ces documents et d'en tirer les conclusions souhaitées par chacun des élus. Plusieurs possibilités s'offrent à nous : soit recruter directement des économistes à l'Assemblée nationale, qui nous seraient d'ailleurs utiles pour réaliser d'autres types de travaux – le chiffrage de nos amendements, par exemple – soit s'appuyer sur des laboratoires de recherche qui effectueraient, à titre ponctuel, des missions d'assistance et d'expertise à notre demande.

Je veux maintenant parler d'une partie de la réforme qui concerne nos institutions. Une institution sur laquelle nous pouvons nous appuyer, nous parlementaires, pour contrôler l'action du Gouvernement et voter le budget en étant mieux informés est le Haut Conseil des finances publiques. La proposition de la Commission prévoit à juste titre que les compétences des IBI – les institutions budgétaires indépendantes, le HCFP en France – voient leurs compétences étendues, notamment pour produire ou endosser des analyses de soutenabilité de la dette publique ou pour rédiger un avis sur le rapport suivi annuel de la mise en œuvre du plan budgétaire et structurel de moyen terme. Les dispositions relatives aux IBI sont actuellement contenues dans les trois textes du paquet législatif présenté par la Commission, deux règlements et une directive. Il me paraît important, quand bien même les dispositions contenues dans les règlements ne feront pas l'objet de transposition, d'inclure toutes les dispositions relatives aux HCFP dans la LOLF, qui devra être révisée si jamais la proposition de la Commission était adoptée. Cela me semble en effet bienvenu de faire figurer dans un même texte toutes les missions relatives au HCFP et les règles qui régissent son activité.

C'est sûr ces considérations nationales que je voulais attirer votre attention aujourd'hui, mais je reste évidemment disponible pour répondre à vos questions sur les aspects globaux de la réforme.

D'ores et déjà, en deux mots : je crois vraiment que la proposition de la Commission part d'une bonne intention en distinguant entre les situations respectives des États membres. Toutefois, j'émets de sérieux doutes quant à sa mise en œuvre pratique, qu'il s'agisse de la méthodologie sur laquelle repose la DSA, de l'articulation des nouvelles règles avec les échéances démocratiques nationales ou encore de leur simplification. Il faudra que chaque nouveau pouvoir législatif et présidentiel puisse revoir les propositions faites par la Commission.

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