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Intervention de Marietta Karamanli

Réunion du mercredi 11 octobre 2023 à 13h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli, rapporteure :

Je suis heureuse de vous présenter les résultats de nos travaux sur la réforme des règles budgétaires du Pacte de stabilité et de croissance.

L'exercice s'est avéré technique mais passionnant. Il nous a surtout paru indispensable de le réaliser avec mon collègue Alexandre Holroyd : en effet, si des règles européennes sont nécessaires, elles limitent toutefois nos marges de manœuvre budgétaires et donc, in fine, les politiques publiques que nous pouvons mettre en œuvre. Leur définition est donc éminemment politique !

Ce rapport a été l'occasion pour nous de nombreux échanges. En France tout d'abord, où nous avons rencontré plusieurs économistes et administrations. À l'étranger ensuite, à Bruxelles et à Berlin. Les discussions à Berlin sont probablement celles qui se sont avérées les plus intéressantes pour nous avec les auditions d'un haut fonctionnaire du Ministère des Finances, de chercheurs et de représentants politiques. Sur ce dernier point, nous avons veillé à échanger avec l'ensemble des sensibilités représentées dans la coalition gouvernementale, mais aussi avec des membres de l'opposition.

Si rédiger ce rapport d'information a donc donné lieu à des auditions particulièrement stimulantes, ce travail a aussi été marqué – et je veux le dire ici – par des rapports avec l'administration française compliqués. Selon l'article 24 de la Constitution, l'une des missions du Parlement est de contrôler l'action du Gouvernement. Les rapports d'information s'inscrivent dans cette mission et permettent, le plus souvent, à des parlementaires de faire l'évaluation d'une politique publique ou de contribuer à sa définition. C'était notre ambition. Or, il nous a été impossible de nous appuyer sur des documents dont disposait l'administration et qui s'avéraient pourtant essentiels à nos travaux, malgré nos demandes répétées à l'administration de nous les fournir. Les choses sont différentes dans beaucoup d'autres pays, comme en Allemagne, où les parlementaires ont accès aux documents budgétaires.

Certes, nous ne bénéficions d'aucun pouvoir de contrôle sur pièce et sur place, ni celui d'exiger des documents, et l'administration était dans son droit. Toutefois, nous aurions grandement apprécié une plus grande collaboration avec la représentation nationale que nous incarnons. Cette attitude nous conduit à formuler plusieurs recommandations sur lesquelles je reviendrai plus tard.

Avant cela, je me permets de vous présenter brièvement la réforme des règles budgétaires. Nous pensons que nous avons besoin de ces règles, et je pense que cette idée est partagée ici. Leur objectif est de s'assurer que chaque État membre a une politique budgétaire responsable et d'éviter l'accumulation des déficits ou l'explosion des dettes publiques qui seraient incompatibles avec un taux d'intérêt unique dans l'Union européenne. Mais les règles actuelles doivent être révisées et sont aujourd'hui considérées comme injustes, ayant affecté de façon différente les États qui les ont appliquées. En particulier, ceux qui ont historiquement peu de protection sociale peuvent plus difficilement rattraper leur retard.

Le second élément tient au contexte. La crise du Covid et la guerre en Ukraine ont eu un impact majeur sur les finances publiques des États membres et ces crises successives ont accentué l'écart entre les pays du Sud et les pays du Nord, ce qui rend encore plus clivants les débats sur la soutenabilité des finances publiques. En mars 2020, la clause dérogatoire générale prévue par le pacte de stabilité et de croissance a été appliquée. Les mesures d'urgences sont possibles mais le cadre est maintenu.

Il y a donc des non-dits qui doivent être levés. D'abord l'endettement, qui devra rester sur une pente descendante pendant dix ans. Cet objectif est inatteignable. Les sanctions liées aux critères seront pratiquement appliquées à tous les pays et demanderont des ajustements impossibles pour certains d'entre eux. Il faut également revoir l'architecture budgétaire des traités en allant plus loin que les ratios actuels.

L'idée centrale et bienvenue de la réforme est de permettre aux États de suivre des trajectoires différenciées. La nouvelle architecture reposera sur des plans budgétaires et structurels à moyen terme. Ces plans débuteront par une période d'ajustement qui durera entre quatre et sept ans. La flexibilité permet d'alléger l'effort budgétaire en cas de réformes structurelles ou pour permettre des investissements publics. À l'issue de cette période d'ajustement, la dette publique devra avoir diminué. En outre, à la fin de la période d'ajustement, la trajectoire sur dix ans devra être telle que la dette publique diminue ou soit maintenue à des niveaux prudents. D'autres « garde-fous » sont prévus : le déficit des États, lorsqu'il sera supérieur à 3 % du PIB, devra diminuer de 0,5 point de PIB par an et une règle en dépenses devra faire en sorte que la croissance des dépenses sur la période couverte par le plan soit inférieure à la croissance de la production, par exemple. Voilà pour l'essentiel.

Sur la base de cette proposition de réforme, nous formulons avec mon collègue plusieurs recommandations. Certaines portent directement sur la réforme, d'autres sur les relations entre le Parlement et le Gouvernement.

En ce qui concerne la réforme, dans la mesure où son but est précisément de permettre à chaque pays d'adopter une trajectoire propre, il nous paraît aberrant de trouver dans la proposition de la Commission un objectif numérique de réduction du déficit identique pour tous les États dont le déficit excéderait 3 % du PIB. Nous appelons donc la France à s'opposer à la réintroduction de tout critère d'ajustement commun dans les nouvelles règles budgétaires européennes et à supprimer ce critère de réduction annuelle de 0,5 % du PIB. Nous poussons également les différents gouvernements à œuvrer à l'adoption d'un compromis avant les élections européennes de 2024, afin d'éviter que les règles européennes actuelles, qui ne nous satisfont plus, ne s'appliquent à nouveau.

En ce qui concerne l'Assemblée nationale, ce sujet devrait tous nous préoccuper, puisque les règles européennes conditionneront les dépenses que nous aurons la possibilité de voter lors de l'élaboration du budget. Nous demandons donc au Gouvernement d'organiser un débat à l'Assemblée nationale sur la révision du Pacte de stabilité.

Enfin, à titre personnel, j'émets le souhait que l'on puisse exclure du calcul des différents seuils certaines dépenses d'investissements publics dont, en priorité, les investissements verts. Étant donné l'ampleur des investissements à réaliser pour financer la transition écologique, une telle règle d'or me paraît indispensable, et pourrait être dupliquée à des investissements d'autres types, comme ceux dans la défense ou la recherche dans des domaines jugés prioritaires, par exemple la santé humaine.

Enfin, la question d'une règle d'or préservant certaines dépenses jugées stratégiques par l'Union européenne et qui seraient exclues du calcul des différents seuils doit, en tout état de cause, être mise en perspective avec celle de la création de ressources nouvelles, provenant par exemple de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale, ou d'une fiscalité réellement progressive à l'égard de tous.

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