Mes éléments de réponse seront souvent différents de ceux qui viennent d'être donnés par ma co-rapporteure.
Concernant la trajectoire de réduction de la consommation d'énergie, on peut estimer que l'on pourrait être plus ambitieux que l'objectif de réduction de 11,7 % de la consommation d'ici à 2030 prévue par les textes. Les différents débats que l'on a eus à l'Assemblée nationale ont exploré des voies de réduction de la consommation d'énergie, par exemple, par la rénovation énergétique des bâtiments, chiffrée à 12 milliards d'euros : un amendement au projet de loi de finances 2023 avait été adopté pour ce financement. De même, notre proposition d'amendement sur la politique de transport, que je trouve insuffisante, avait été adoptée pour un montant de 3 milliards d'euros. Ces deux mesures ont finalement été exclues du fait des modalités d'adoption du projet de loi de finances de l'an passé.
Par ailleurs, les investissements des industriels pour électrifier les usages nécessitent une incitation permise par une visibilité sur les prix. La capacité de tous les consommateurs comme des producteurs à investir en faveur de la réduction de la consommation, en faveur de la décarbonation, passe par une meilleure visibilité sur les prix.
Plusieurs allusions ont été faites à la nécessité de revenir à un tarif réglementé. J'appuie notamment la remarque de M. Amard sur le sujet. Le retour à un tarif réglementé est une nécessité pour atteindre les trois objectifs que j'ai mentionnés précédemment, à savoir le recouvrement des coûts de production, la visibilité sur les prix, et l'équité de traitement entre les consommateurs. Je ne pense pas que les mécanismes de protection qui ont été mis en place en France soient suffisants ou satisfaisants, dans la mesure où des commerces mettent encore la clef sous la porte, des industries se délocalisent encore, et des consommateurs continuent à alerter, notamment des députés, sur la hausse de leurs factures d'électricité. Mais pour faire mieux, il nous faut faire des arbitrages, qui sont économiques, écologiques et sociaux. Il y a des questions à se poser, notamment sur le financement des mesures, et ces questions doivent être tranchées par un débat public.
Pour répondre à M. Petit, Mme. Marina Mesure est en charge d'un travail sur la géothermie au Parlement européen, puisqu'elle a été nommée rapporteure sur le déploiement de la géothermie en Europe pour le groupe The Left. Ce secteur a manqué d'investissement, puisqu'il n'a pas été jugé assez rentable par les acteurs privés notamment. Si l'on veut pouvoir connaître la faisabilité et la rentabilité de la géothermie, il nous faut investir dans le domaine, ce qui nécessite un choix politique.
Il y a eu plusieurs questions sur la manière de coordonner l'action de la France avec les autres États membres, et notamment l'Allemagne. Il est clair que les avis et les choix divergent entre les différents États membres. La critique du marché s'étend à un nombre croissant d'États, et la défense de ce dernier se resserre de plus en plus autour de l'Allemagne, du gouvernement français et de certains autres pays.
Par ailleurs, les interconnexions entre réseaux existaient avant la naissance du marché européen. Il est tout à fait envisageable que la France, par exemple, choisisse un autre système que le marché, puisqu'EDF fonctionnait déjà en interconnexion avec d'autres pays européens avant la libéralisation. L'exploitant public français interviendrait alors comme n'importe quel acteur dans ce système européen. Les volumes d'échange d'électricité continueraient à être payés au prix de marché, mais l'impact d'une solution avec un pilotage public serait une amélioration du programme d'appel français et européen par le regroupement de producteurs multiples au sein d'un même acteur public. Cela permettrait une meilleure coordination à l'échelle française et à l'échelle européenne.
Certains voudraient persuader d'autres pays d'utiliser le nucléaire. Même en France, le débat de l'usage du nucléaire n'est pas tranché. On ne peut pas ignorer les voix qui s'élèvent pour dire qu'il est temps de passer à une autre énergie. Reconnaître cela ne nous empêche pas de souligner que le nucléaire a permis à la France d'atteindre une certaine souveraineté, et qu'il a été une force de production essentielle pour le développement de l'économie française. Mais si nous avons été capables d'entrer dans une force aussi dynamique, nous devons être capables aussi d'inventer autre chose. Par ailleurs, on ne peut pas balayer d'un revers de main les débats qui existent sur la façon dont on traite les déchets nucléaires. Personne ne sait traiter ces déchets, et personne ne souhaite vivre avec des déchets nucléaires sous son sol, comme le montrent les protestations à Bure. Il nous faut savoir proposer d'autres solutions, et nous ne sommes pas obligés de rester enfermés dans un unique modèle, qui a certes été puissant, mais qui suscite des critiques. Même si l'insécurité nucléaire est rare, cette rareté ne doit pas justifier la fin du débat sur la nécessité de passer à autre chose.
Pour conclure, sur la sortie du marché, je voudrais souligner que La France Insoumise est la seule à proposer des scénarios alternatifs, à donner des pistes et à émettre des critiques. Dans toutes les auditions que nous avons faites et dans les éléments mis en avant dans cette commission, il n'y a jamais d'argumentation sur les raisons d'un maintien dans le marché. Il n'y a pas d'argument solide montrant que cela permet d'apporter des solutions. On ne peut pas rester face au constat de dysfonctionnement du marché comme si de rien n'était, puisqu'il en va de la vie de nos concitoyens. Nous avons l'impression de faire face à une idéologie aveugle, dans le déni de ce qui se passe. Nous proposons un autre modèle, mais il n'y a jamais d'autres solutions concrètes où de contre-arguments solides apportés à ce que nous développons.