J'aurais quatre remarques. D'abord, la réforme du marché européen de l'électricité conduit par la Commission européenne ne constitue qu'un approfondissement des outils de marché pour essayer de pallier les défaillances du marché, si cher aux adeptes du néolibéralisme. Les nouvelles règles ne s'attaquent pas au fond du problème, qui est l'indispensable décorrélation des prix de l'électricité de celui des combustibles fossiles et du gaz. Aucune garantie sérieuse n'est apportée sur ce point. Ce doit être la première ligne rouge de la France dans cette réforme.
Deuxième remarque. Il n'est pas acceptable que cette réforme se transforme en outil déguisé pour couvrir des choix d'investissement passés qui ont contribué à accroître notre dépendance aux fossiles. Les Européens et les Français n'ont pas à compenser les errements énergétiques et géopolitiques de l'Allemagne comme d'autres partenaires européens, qui se sont littéralement vautrés dans la frénésie gazière. C'est une deuxième ligne rouge.
Troisième remarque. La priorité en termes d'investissement doit être donnée au renforcement des capacités des États à sécuriser, maîtriser et décarboner leurs propres systèmes électriques. À ce titre, l'incontournable énergie nucléaire doit impérativement pouvoir bénéficier des mêmes mesures de soutien que les énergies renouvelables, en particulier pour les outils de financement de long terme qui pourraient être mis en place pour favoriser la transition énergétique et la neutralité carbone. Nous avons impérativement besoin de sécuriser les outils de production décarbonés et, surtout, pilotables. C'est une troisième ligne rouge, sur laquelle la France ne peut transiger.
Quatrième remarque. La France doit définir elle-même, au plus vite, les modalités les plus efficaces pour répondre aux enjeux de sa propre souveraineté énergétique, sans attendre que la Commission européenne ou que les pressions d'autres États et des requins de la rente électrique ne dictent leurs conditions. Le travail d'analyse et de proposition parlementaire n'a jamais été aussi fourni : commission d'enquête parlementaire sur la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France, mission d'information sénatoriale sur les conditions d'utilisation de l'ARENH (accès régulé à l'énergie nucléaire historique), le rapport d'information qui nous est présenté aujourd'hui, etc. Il est temps de sortir du scandale d'État de l'ARENH avec une sécurisation des investissements durables d'EDF, un renforcement des sanctions, voire l'interdiction d'activités des opérateurs opportunistes sans foi ni loi.
La priorité doit-elle être de maintenir artificiellement des opérateurs commerciaux qui spéculent sur le dos des usagers et d'EDF ou de reconstruire un vrai service public unifié de l'électricité autour d'EDF désormais renationalisé ? La priorité doit-elle être d'entretenir une concurrence factice et la spéculation sur la rente électrique, ou d'assurer des prix réglementés pour tous couvrant des vrais coûts de production d'EDF ?