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Intervention de Pascale Boyer

Réunion du mercredi 11 octobre 2023 à 13h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascale Boyer, rapporteure :

Je sors de ces neuf mois de travail sur le rapport d'information avec un sentiment de fierté de l'UE d'avoir su abolir ses mantras et agir rapidement pour la protection des consommateurs. Même si beaucoup reste à faire en matière de sécurité énergétique face à la volatilité des prix de l'énergie, l'Europe a en effet su jouer un rôle protecteur pour les citoyens et les entreprises durant l'année écoulée. Remémorons-nous un instant le mois d'octobre 2022. Il y a un an, à l'approche de l'hiver nous craignions des périodes de black-out, avec des possibles périodes de délestage lors des pics de consommation d'électricité. Souvenons-nous aussi de notre crainte de financer l'effort de guerre russe par l'achat de quantités massives de gaz à Gazprom. Souvenons-nous enfin des efforts demandés aux consommateurs qui malgré l'instauration d‘un bouclier tarifaire efficace au niveau national, ont vu leur facture d'énergie augmenter. Un an après, tout n'est pas résolu, mais l'Union, tout comme la France ont agi. Des mesures d'urgence ont permis à l'Union, de diviser par cinq les importations de gaz russe dans l'UE, de remplir les stocks de gaz en prévision de l'hiver prochain et de financer les dispositifs de protection des consommateurs par l'instauration d'une taxe sur les producteurs inframarginaux d'électricité ou une contribution exceptionnelle de solidarité sur les producteurs d'énergie fossile. Au-delà de ces mesures d'urgence, les objectifs de la politique énergétique ont évolué, se sont renforcés et ne sont plus contestés. Ma co-rapporteure et moi-même les partageons d'ailleurs, ce qui nous a permis de vous soumettre avec ce rapport une dizaine de recommandations consensuelles.

Ce sont toutefois les moyens à mobiliser pour atteindre ces objectifs qui font l'objet d'un désaccord entre nous, dessinant ainsi deux projets, deux trajectoires de ce que doit être la politique de l'énergie au niveau national et européen.

Le premier objectif est le verdissement du mix énergétique. L'Europe que nous avons bâtie est le continent le plus ambitieux pour la décarbonation du mix énergétique. Ces sujets me tiennent particulièrement à cœur, notamment en tant que présidente du groupe d'étude Énergie durable et hydrogène à l'Assemblée Nationale. Pour y parvenir, l'Union déploie une série de textes dans le cadre du pacte vert pour l'Europe et le paquet Fit for 55. La directive Red III, récemment adoptée relève ainsi la part d'énergies renouvelables à 42.5 % dans le mix énergétique de l'Union à l'horizon 2030, au lieu de 32 % précédemment. Je crois toutefois que l'atteinte de l'objectif de décarbonation du mix ne peut reposer uniquement sur les énergies renouvelables ; naturellement, l'hydrogène est un vecteur formidable d'espoir pour décarboner plusieurs secteurs comme les mobilités lourdes.

Mais pour la production d'électricité, nous ne pouvons pas envisager un mix sans une part de nucléaire qui est une technologie décarbonée pilotable et peu chère. Je suis toujours étonnée de voir que durant les quinze dernières années aucun texte relatif au nucléaire n'a été adopté au niveau européen, et que le pacte vert pour l'Europe ne mentionne quasiment pas ces technologies d'avenir. Aux opposants du nucléaire je pose une question simple : pourquoi se priver du moyen de production le plus sûr et pilotable, à l'heure où nous avons des efforts considérables à déployer pour atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050 ? Le mix énergétique européen a besoin du nucléaire pour atteindre ses objectifs. C'est un des axes forts de ma contribution au rapport.

Le second objectif de la politique énergétique est l'indépendance du mix. Nous ne pouvons en tant qu'Européens pactiser avec des pays tiers peu fiables pour l'importation de notre énergie. Nous avons ainsi réussi à réduire fortement notre dépendance vis-à-vis de la Russie. Pourtant, les récents évènements avec le Haut Karabakh nous rappellent tristement que l'Azerbaïdjan, avec laquelle l'Union a pourtant signé un partenariat énergétique à l'été 2022, ne peut être un associé fiable pour l'importation de gaz. Les régimes illibéraux ou autoritaires doivent ainsi être bannis de toute conclusion de partenariats avec l'UE. Le plan Repower EU prévoit une diversification des approvisionnements et sa mise en œuvre a permis de trouver des partenaires crédibles. Je tiens à souligner que la Norvège, où je me suis rendue dans le cadre de ce rapport présente toutes les garanties de fiabilité nécessaire.

Le troisième objectif est celui au cœur de notre actualité européenne depuis le début de l'année 2023 : la réforme du marché de l'électricité. Depuis sa création, ce marché a joué son rôle de marché permettant une allocation optimale des ressources. Mais, la volatilité des prix à court terme a provoqué des situations inacceptables qui doivent aujourd'hui être corrigées. Nous devons absolument rapprocher les prix des coûts de production, notamment en France où les coûts de fonctionnement du nucléaire et des énergies renouvelables sont faibles. Pour cela, la Commission Européenne propose une solution : le développement d'un marché de long terme européen. La logique est la suivante : si les prix sur le marché de court terme sont imprévisibles et sujets à des envolées soudaines, il est alors nécessaire de protéger les consommateurs en leur procurant un prix fixe sur le moyen terme.

C'est tout l'objectif des deux types de contrats promus par la Commission européenne. Le premier type de contrats est les « PPA », qui sont des contrats de gré à gré entre particuliers. Une usine d'acier pourra ainsi traiter directement avec un producteur d'électricité décarbonée pour s'assurer pendant 4 ou 5 ans une fourniture d'électricité à un prix fixe et négocié. Le second type de contrat est des contrats pour la différence qui fixent un prix plancher et un prix plafond, garantis par l'État, entre le producteur et le consommateur. Par exemple, si le prix plafond fixé par le contrat est de 70 euros par MWh et que le prix journalier de marché est de 100 euros, les producteurs devront reverser 30 euros à l'État pour chaque MWh produit pendant cette heure. C'est ce second type de contrat qui est au cœur des négociations bruxelloises en ce moment. Ce rapport est également un moyen de soutenir pleinement, en mon nom propre et au nom du groupe renaissance, la position française qui souhaite inclure l'ensemble des installations existantes dans ces contrats, notamment notre nucléaire ancien. Je souhaite également que la redistribution des recettes issues des contrats pour la différence puisse se faire librement, et que chaque État puisse décider de leur utilisation pour protéger les consommateurs. Je le répète : le marché n'est pas le problème, il a fonctionné correctement pendant la crise. Toute solution de sortie du marché serait non seulement un signal profondément antieuropéen envoyé par la France, mais aussi une solution simpliste, irréalisable, qui nous priverait sans doute d'un mécanisme performant d'échanges avec nos voisins.

Il serait complètement utopique, même dangereux pour notre sécurité d'approvisionnement, de vouloir en même temps sortir du nucléaire et sortir du marché européen. Simplement, le fonctionnement normal du marché doit être complété pour protéger nos consommateurs, et je soutiens ainsi le principe de la réforme portée par la Commission européenne. Simplement, cette réforme doit inclure l'ensemble des technologies décarbonées, y compris les installations nucléaires existantes, pour atteindre le triple objectif de décarbonation, d'autonomie stratégique et de protection des consommateurs. Et j'ai confiance dans notre Union européenne pour atteindre ces objectifs et poursuivre le travail ambitieux engagé depuis plus d'un an maintenant.

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