Depuis le printemps, les flux de MNA ont repris et atteignent leur niveau de 2019, si bien que certains départements frontaliers de l'Italie interpellent l'État sur sa politique en matière d'immigration. Parallèlement, les besoins de placement de mineurs français augmentent. Les tout-petits sont de plus en plus nombreux : peut-être est-ce un effet positif de notre politique des 1 000 premiers jours, qui permet de mieux repérer les cas problématiques. D'une manière générale, la hausse du nombre de placements est liée à la lutte que nous menons contre les violences intrafamiliales. L'ASE intervient aussi auprès de familles pauvres, à la demande d'associations, et tout cela s'inscrit dans un contexte de tensions sur le travail social. Je m'associe évidemment aux travaux conduits par plusieurs ministres en matière de travail social, qu'il s'agisse de la révision des conventions collectives, des revalorisations salariales ou de la formation.
Certains départements qui ne sont pas limitrophes et qui ne sont pas nécessairement de la même orientation politique demandent quant à eux des états généraux. Je considère que nous avons suffisamment de rapports, notamment l'excellent rapport sénatorial sur l'application de trois lois de réforme de la protection de l'enfance. Nous n'avons pas besoin de retourner voir les professionnels pour leur demander ce qui ne va pas : nous le savons.
L'État doit mieux prendre en charge les enfants en situation de handicap. Des propositions ont déjà été faites en ce sens et des engagements ont été pris. L'éducation nationale doit être au rendez-vous et nous travaillons d'arrache-pied avec Gabriel Attal pour proposer des parcours spécifiques à ces enfants. La justice doit être au rendez-vous et nous travaillons avec Éric Dupond-Moretti pour que les décisions de justice soient exécutées.
Les départements doivent également être au rendez-vous. Or, d'un département à l'autre, on note une grande hétérogénéité dans l'accueil et la prise en charge des MNA. Il reste beaucoup à faire, notamment en matière de partage des données. Le GIP France enfance protégée n'est pas encore très performant dans ce domaine. Les départements, doivent être beaucoup plus transparents, comme nous, notamment sur la justice des mineurs.
J'ai la volonté de travailler de conserve avec les départements, mais si certains d'entre eux n'arrivent plus à assumer certaines responsabilités, ou s'ils ne souhaitent plus le faire, la question de la répartition des responsabilités peut et doit se poser. Le Président de la République nous a demandé de clarifier les choses : les compétences sont tellement entremêlées qu'on ne sait plus qui est responsable de quoi. À propos des MNA, j'ai clairement demandé aux départements ce qu'ils souhaitent : reprise par l'État de l'évaluation de la minorité ; reprise de la mise à l'abri et de l'évaluation de la minorité ; reprise de la compétence protection de l'enfance. Certains départements ne seraient pas contre cette dernière possibilité. À titre personnel, je n'y suis pas favorable : un enfant est un enfant et je n'ai pas envie d'avoir des prises en charge différenciées. Il y a d'ailleurs souvent une excellente synergie entre les enfants qui sont nés dans notre territoire et les enfants qui viennent de loin et qui ont de belles histoires à raconter.
En dépit des lois qui ont été votées, certains chiffres restent malheureusement stables : plus de 80 % des dossiers restent gérés par l'autorité judiciaire, alors que sa compétence devrait être subsidiaire, et on compte toujours 60 % de placement pour 40 % d'accompagnement en milieu ouvert. Je crains que ce déséquilibre ne s'aggrave, car le milieu ouvert a été fortement déstabilisé par la crise sanitaire. Or, moins on est au contact des familles, plus on se retrouve en situation d'urgence et dans la nécessité de placer l'enfant. En outre, on fait surtout du placement institutionnel, alors que le législateur nous demande de recourir plutôt à un tiers digne de confiance et de trouver des solutions autour de l'enfant. Nous n'arrivons pas à gérer ces flux, il faut le dire. Un travail concerté s'impose ; chacun doit prendre ses responsabilités. Les associations demandent que l'État et les départements s'entendent et fassent de cette politique une priorité.
Sur le repérage des enfants victimes de violences, des avancées ont été faites sous le précédent quinquennat et nous poursuivons ce travail. Pour former l'ensemble des professionnels à la question des violences sexuelles – qu'ils soient dans le champ de la sécurité, de la justice, du travail social, de la santé ou de la petite enfance –, nous leur transmettrons tous les documents produits par la Ciivise. Avec Agnès Firmin Le Bodo, nous avons déjà commencé à diffuser ces documents dans le champ de la santé. Par ailleurs, j'ai annoncé la création d'un 119 pro, afin de sécuriser le parcours des professionnels qui entourent les enfants. Je pense qu'il faut une évolution législative s'agissant des professionnels de la santé : ils sont désormais sécurisés dans le champ des violences conjugales, mais ils ne le sont ni dans le champ des personnes âgées, ni dans celui de l'enfance. Le législateur sera bientôt saisi d'un certain nombre de dispositions pour faire évoluer cette situation. Il est vrai qu'on a parfois du mal à passer du doute au signalement, mais je répète qu'en cas de doute, il faut faire un signalement.
Le 119 pro accompagnera les professionnels et leur permettra d'avoir un temps d'échange, ne serait-ce que pour déposer l'émotion que peuvent susciter certaines révélations. N'oublions pas qu'une personne sur dix a été victime de violences sexuelles dans son enfance : certains de ces professionnels peuvent eux-mêmes l'avoir été. Je rappelle que, dans le cadre de la contractualisation, on a renforcé les cellules de recueil d'informations préoccupantes (Crip) ; l'articulation entre le 119 pro et les Crip est l'une de mes priorités. Enfin, les Uaped sont aussi des lieux de concertation entre professionnels qu'il faut continuer à accompagner le mieux possible.