Intervention de Sébastien Peytavie

Réunion du mardi 10 octobre 2023 à 21h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Peytavie :

Nous ne sommes pas ce soir dans les meilleures dispositions pour vous entendre parler de solidarité, puisque vous venez d'adopter une loi sur l'emploi qui appauvrira les plus pauvres. En prévoyant 15 heures d'activité obligatoires et de nouvelles sanctions pour les allocataires du RSA, elle renforcera les préjugés sur les personnes sans emploi ainsi que les pressions sur les travailleurs sociaux. Nous n'avons eu de cesse de vous le dire : rationaliser, automatiser, réorganiser, c'est bien beau, mais parfaitement voué à l'échec si cela se fait sans moyens humains. Vous nous rétorquiez qu'on verrait cela lors de l'examen du budget : nous y voici.

Comment entendez-vous améliorer l'accompagnement des personnes sans emploi sans augmenter le budget dédié ? La plupart des travailleurs sociaux ont un portefeuille bien trop important – jusqu'à 144 personnes suivies en Seine-Saint-Denis, et jusqu'à 400 en moyenne en Nouvelle-Aquitaine.

Quand allez-vous rendre l'octroi du RSA automatique ? Un tiers de ceux qui pourraient en bénéficier n'en font jamais la demande. C'était une promesse de campagne, vaguement rappelée à chaque budget.

Emmanuel Macron avait dit, en juin 2017, ne plus vouloir « d'ici la fin de l'année avoir des femmes et des hommes dans les rues ». La nuit dernière, à Lyon, dans la circonscription de Marie-Charlotte Garin, soixante familles, plus de 125 enfants, une femme enceinte, neuf personnes avec des problèmes de santé, douze enfants de moins de 3 ans ont dormi à la rue. Six écoles sont occupées. Le nombre de personnes à la rue a doublé depuis 2017. Vous n'avez pas tout à fait atteint votre objectif ! Qui aurait pu prédire que baisser les aides au logement, casser le code du travail, durcir les règles de l'assurance chômage et prévoir des peines de prison pour les loyers impayés, dans un contexte d'inflation record, ferait augmenter la précarité ?

Votre vision de la solidarité, c'est la charité : on ne construit plus de logements sociaux ou très sociaux depuis six ans et on va rayer les gens du RSA, mais comme on a un peu d'humanité, on va un peu augmenter le nombre de places d'hébergement et les distributions alimentaires.

Pour les personnes en situation de handicap, c'est aussi à la charité qu'on fait appel. Pourquoi la France ne se conforme-t-elle pas aux normes internationales ? Vous avez sous la main les recommandations formulées en 2017 par la rapporteuse spéciale des Nations unies sur les droits des personnes handicapées : que ce soit en matière d'accessibilité, d'éducation, de travail, de protection sociale, de santé ou d'accès à la justice, on peut les reprendre à peu près mot pour mot. Quand allez-vous prendre cette question à bras-le-corps ?

J'appelle enfin votre attention sur les violences faites aux enfants. L'an dernier, vous aviez activé le 49.3 avant que nous ne puissions examiner l'ensemble des amendements sur ce sujet. Depuis, vous avez prévu de mettre fin à la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise). Nous sommes plus de deux cents parlementaires à avoir écrit à la Première ministre pour que cette instance soit conservée, et surtout pour appliquer ses propositions. Cela passe par un effort budgétaire considérable, par exemple pour repérer des enfants : il faut des professionnels qui soient formés et qui ne soient pas débordés. C'est maintenant que cela se joue.

Nous vivons une période de régression sociale inquiétante. C'est le mot qu'utilise la Défenseure des droits dans Libération ce matin. Nos visions diffèrent donc radicalement en la matière, madame la ministre, mais peut-être pourrions-nous trouver une majorité pour lutter contre les violences faites aux enfants.

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