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Intervention de Érik de Soir

Réunion du jeudi 5 octobre 2023 à 9h30
Mission d'information de la conférence des présidents sur les capacités d'anticipation et d'adaptation de notre modèle de protection et de sécurité civiles

Érik de Soir, docteur en psychologie, membre de l'Association européenne de psychologie sapeur-pompier (AEPSP) :

Notre association, l'AEPSP, compte des membres installés en France, en Belgique, en Italie, en Andorre, en Grèce et au Luxembourg. Les pays plus nordiques, notamment les Pays-Bas et la Scandinavie, ne font pas encore partie de ce réseau. Ce fait s'explique par une différence de culture. La Belgique fait office de pont entre les pays du Nord et du Sud de l'Europe.

Le dispositif créé par notre association comporte d'abord un premier niveau d'aide par les pairs : les « pairs aidants ». Ceux-ci sont formés aux interventions de soutien immédiat, selon une approche monodisciplinaire. Les pairs aidants sont formés dans les différentes disciplines (les hôpitaux, les services de police, les services d'ambulance ou les sapeurs-pompiers) pour des interventions immédiates et directes auprès de leurs propres collègues. Le dispositif intègre ensuite un deuxième niveau d'aide, pluridisciplinaire. Dans le suivi psychologique, le bilan et la reconstruction de l'événement sont des étapes importantes, nécessitant l'apport des différentes disciplines. Il faut parfois réunir quarante ou cinquante spécialistes pour établir le bilan d'un événement, et cette démarche peut prendre plusieurs heures. Ce deuxième niveau de prise en charge est supervisé par un psychologue.

Pour illustrer ce point, j'évoquerai le drame familial récent survenu dans le nord-est de la Belgique : un père a tué ses deux enfants avant de se jeter dans un canal avec sa voiture. L'événement a mobilisé à la fois des pompiers, des plongeurs, des équipes de réanimation, des intervenants des Smur, trois médecins, des agents de protection civile et des forces de police. Dès que les pompiers peuvent quitter les lieux, ils sont pris en charge par des pairs aidants. Cette action relève du premier niveau d'aide. Le deuxième niveau prend place quelques jours après. Tous les intervenants présents sur les lieux sont alors réunis et bénéficient d'une prise en charge spécialisée. Nous restons ensuite en contact avec les personnes concernées, en mesurant leur état de choc selon trois dimensions : une dimension traumatogène (appréciée selon un code couleur vert, orange et rouge), une dimension dépressogène (réactions de deuil), une dimension d'épuisement. Pour ce faire, nous utilisons une matrice comprenant différents critères, sur une durée de quatre à huit semaines. Si le vert progresse, nous pouvons en conclure que l'intervention va dans le bon sens. En principe, le diagnostic d'état de stress post-traumatique peut être posé au bout d'un mois.

En résumé, notre dispositif est constitué d'un premier niveau de pair aidant, d'un deuxième niveau de débriefing pluridisciplinaire, et enfin d'un troisième niveau, celui du psychologue sapeur-pompier.

Comme je vous l'expliquais, les pays nordiques et anglophones ont une approche très différente, contraire à celle qu'ils avaient adoptée il y a une dizaine d'années. À cette époque, quand des événements graves survenaient, la situation était prise en charge immédiatement. Aujourd'hui, les pays anglo-saxons ont plutôt tendance à privilégier le watch through waiting, c'est-à-dire « attendre attentivement ». Aucune action n'est menée lorsque la crise se produit, et la situation est évaluée au bout d'un mois. Si les syndromes de stress post-traumatique perdurent, la personne est envoyée en thérapie individuelle cognitive. Il va de soi que nous ne soutenons pas ce modèle, qui revient à laisser les personnes sans aide pendant un mois.

En France, les formations des intervenants des unités de soutien psychologique sont dispensées à l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (Ensosp), à Aix. Ce dispositif fonctionne très bien.

Pour sa part, la Belgique est divisée en dix provinces, et chacune d'entre elles dispose d'un institut provincial de formation, dans lequel les agents de police et de protection civile, ainsi que les pompiers et les ambulanciers, sont formés ensemble. Ils apprennent ainsi à se connaître.

Le point fort de ce modèle de prise en charge immédiate réside, à mon sens, dans sa validité scientifique. Il fait l'objet de travaux de master et de thèses de doctorat depuis plus de cinq ans. En matière de formation, mon collègue Sylvain Goujard dirige un diplôme universitaire en psychologie de l'urgence à l'université de Haute-Savoie. J'espère que d'autres cycles de formation permettront à des intervenants d'autres disciplines (médecins, psychologues, psychiatres, etc.) de se former à la psychologie de l'urgence à un niveau universitaire. Cela suppose qu'ils entreprendront des recherches de master.

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