Mes propres recherches et les travaux de collègues de l'université de Liège et des Pays-Bas montrent que la prévalence de l'état de stress ou du syndrome de stress post-traumatique chez les pompiers est comparable à celle constatée chez les policiers. Cette prévalence est estimée entre 8 et 10 % du public total, soit une personne sur dix. Cependant, le taux de suicide est trois fois plus élevé chez les agents de police que chez les pompiers, sans doute parce que l'autorisation du port d'arme facilite le passage à l'acte chez les policiers. D'après une récente étude menée en Belgique, 8,74 % des 8 700 policiers composant l'échantillon présentent un syndrome de stress post-traumatique. Pour autant, ce résultat n'est pas nécessairement la conséquence du métier exercé par les pompiers, les agents de sécurité civile ou les pompiers. De fait, nous n'avons aucune connaissance sur la santé mentale des agents de sécurité civile à leur entrée en formation. À titre de comparaison, je rappelle toutefois qu'à l'échelle de toute l'Europe, on estime qu'entre une femme sur quatre et une femme sur cinq a subi des violences sexuelles.
Dans ma thèse de doctorat, soutenue il y a une dizaine d'années, j'ai établi que l'un des facteurs prédicteurs des états de choc et de stress post-traumatique, parmi les pompiers et les ambulanciers, est la dissociation péritraumatique. Celle-ci renvoie aux états de choc subis en situation d'intervention, et se manifeste par des phénomènes tels que la double conscience, la dépersonnalisation ou la déréalisation. Ces états, qui permettent de rester fonctionnels en situation d'intervention, aggravent par la suite le cheminement post-traumatique. Le manque d'aide et le manque de satisfaction envers l'aide reçue sont aussi des prédicteurs importants. J'ai pu montrer que le soutien social et psychologique de l'environnement des personnes concernées est essentiel. Néanmoins, des études conduites aux Pays-Bas ont relevé que ces différents prédicteurs s'effaceraient dans les modèles statistiques à condition de disposer d'une mesure spécifique, à savoir l'état de santé mentale de l'individu avant l'événement.
Sur la base de ces travaux, je formulerai la recommandation suivante. Les aspirants pompiers et policiers, dès leur admission, devraient faire l'objet d'une évaluation de santé mentale. L'objectif n'est pas de sélectionner, mais bien de dépister – c'est-à-dire de mesurer pour mieux accompagner par la suite. Cette action nous permettrait d'améliorer la résilience des aspirants pompiers et policiers dès leur parcours de formation, avant de les envoyer sur le terrain.
De nombreux pays d'Europe se sont dotés de lois sur la prévention du burn-out. L'employeur est tenu de prendre des mesures préventives contre ce syndrome. En réalité, je crois que le burn-out est surtout lié à des antécédents non connus de la vie personnelle des agents avant leur intervention sur le terrain. Encore une fois, il me paraît judicieux d'opter pour une approche préventive et de commencer par évaluer la santé mentale des aspirants pompiers et policiers, avant de les former et de les envoyer sur le terrain.