Quelques remarques, avant de donner mon avis sur l'ensemble de ces amendements.
La fiscalité locative est particulièrement complexe. L'administration a réalisé un tableau récapitulatif très clair que je vous transmettrai. Il existe au moins six catégories différentes, avec des plafonds de revenu, des taux d'abattement et des régimes de déductibilité des frais et charges différents. Le régime du micro-foncier ou micro-bic s'applique dans certains cas, le régime réel dans d'autres. Tout cela crée une grande confusion. Les amendements que nous venons d'examiner prévoient d'harmoniser en partie la fiscalité locative, mais on propose aussi parfois des mesures qui conduisent à une augmentation de sa complexité.
Notre objectif commun est de lutter contre les abus liés à ce qu'il est convenu d'appeler la niche Airbnb. Mais je ne pense pas que nous souhaitions empêcher la location de meublés. Celle-ci constitue un apport fabuleux dans les villes touristiques, et il faut prendre garde à ne pas créer des difficultés d'accueil des touristes dans ces dernières. Vous êtes nombreux à connaître l'importance économique du tourisme dans certains territoires.
Mon objectif est de lutter contre les abus commis par ceux qui se sont engouffrés dans cette niche fiscale, qui offre un taux d'abattement de 71 %. Ils ne l'ont pas fait pour mieux utiliser les immeubles – améliorer leur taux d'occupation est d'ailleurs en soi bénéfique du point de vue du développement durable, car cela limite notamment les besoins de nouvelles constructions. Ils l'ont fait pour réaliser un véritable business, en transformant des logements pour les affecter exclusivement à la location de courte durée. Les bénéfices qu'ils en tirent n'ont rien à voir avec ceux d'une location non meublée. C'est à cet écart fiscal qu'il faut s'en prendre vigoureusement. Mais prenons garde au retour de balancier trop important, car cela nuirait à l'activité touristique.
Je suis sensible à la proposition de Lise Magnier d'entreprendre la révision des critères de classement des meublés de tourisme. La différence entre meublés classés et non classés n'est pas suffisamment importante et cela doit constituer un sujet de réflexion. Nous devons aussi réfléchir au critère de la durée de location, qui est sans doute plus pertinent que les différents plafonds existants. Faut-il aller vers une harmonisation complète de la fiscalité locative ? Pourquoi pas ?
Nous examinerons plus loin des amendements qui proposent aussi de lutter contre les abus en modifiant le plafond de revenus ainsi que le taux d'abattement et qui me paraissent plus pertinents dans un premier temps.
En effet, les amendements qui ont été présentés en discussion commune proposent des changements d'une grande soudaineté, susceptibles de créer un choc en modifiant du jour au lendemain la fiscalité pour environ six millions de propriétaires. Cela n'est pas raisonnable. Ces derniers ont choisi d'investir pour louer à des étudiants, à des touristes ou à des personnes âgées. Vous proposez de prendre une décision à la fin décembre qui s'appliquerait dès le 1er janvier. C'est d'une grande brutalité.
Vous prévoyez ensuite d'harmoniser l'abattement en portant celui qui concerne les logements vides de 30 à 40 %. Le coût de cette mesure est extrêmement important. Pourquoi ne proposez-vous pas une harmonisation à 30 %, soit un niveau qui correspond aux frais effectivement supportés par les propriétaires ? Passer ce taux à 40 % constitue un cadeau fiscal, même si je n'aime pas beaucoup cette expression. C'est en tout cas un avantage supplémentaire pour les propriétaires, qui mériterait d'être évalué.
A contrario, lorsque vous ramenez à 40 % le taux de l'abattement alors qu'il est dans certains cas de 50 ou 71 %, vous augmentez du jour au lendemain la fiscalité pour presque 1 million de propriétaires. Je ne dis pas que j'y suis défavorable : il faut remettre à plat la fiscalité pour favoriser la location de longue durée, et tel est bien l'objet des très nombreux amendements sur cette question, moyennant leurs différences. Mais gardons-nous de toute mesure brutale.
C'est la raison pour laquelle je propose une première étape dès ce PLF pour réduire les abus de location de type Airbnb. Il s'agirait de diminuer significativement le plafond de revenus et de ramener l'abattement de 71 à 50 %.
Il faut aussi s'interroger sur la bizarrerie de la déductibilité des amortissements dans le cadre du régime réel – ce point est abordé par l'amendement I-CF1346 du groupe Socialistes et apparentés, qui mérite d'être modifié d'ici à la séance publique. Ce sujet d'une grande complexité doit être abordé avec prudence. Il ne faudrait pas porter préjudice à des propriétaires qui louent à des étudiants alors que nous avons particulièrement besoin de biens destinés à loger ces derniers. C'est un point qui doit être examiné de manière très fine pour éviter de faire des bêtises.
Je vous propose de ne pas porter le taux de l'amendement de 30 à 40 %, afin d'éviter un coût supplémentaire pour les finances publiques. Je ne souhaite pas qu'on modifie la fiscalité de millions de propriétaires du jour au lendemain – en l'augmentant pour 1 million d'entre eux. Il faut éviter tous les pièges dont nous avons parlé.
Je ne suis pas certain que l'on puisse exclure les stations de sport d'hiver et d'alpinisme. Au nom de quoi une résidence du groupe Pierre et Vacances ferait-elle l'objet d'une fiscalité différente selon qu'elle se situe à la montagne ou ailleurs ?
Comme l'a annoncé le ministre délégué chargé du logement, le Gouvernement veut remettre à plat l'ensemble de la fiscalité locative et faire adopter des mesures destinées à augmenter significativement le nombre de logements mis en location de longue durée. Nous partageons tous cette volonté. Le projet de loi annoncé pour le printemps prochain permettra d'associer à la réflexion l'ensemble des groupes et tous les députés qui ont beaucoup travaillé sur cette question. Je suis impressionné par le travail réalisé par les uns et les autres – dont les conclusions diffèrent malgré tout sensiblement.
Pour toutes les raisons que j'ai mentionnées, je préconise de marquer le coup dès maintenant de manière extrêmement forte en modifiant les taux d'abattement et les plafonds pour lutter contre les abus de la location de courte durée. Je souhaite que l'ensemble de nos réflexions sur l'harmonisation de la fiscalité puisse converger à l'occasion du projet de loi sur le logement au printemps prochain. Mais mon rôle est aussi de dire que porter le taux d'abattement à 40 % occasionnera un coût important pour les finances publiques. Ce taux ne correspond pas à la réalité des frais et charges supportés par les propriétaires.
Avis défavorable à l'ensemble de ces amendements, au profit des amendements I-CF2974, I-CF2788 et I-CF3040 qui seront discutés ensuite et qui prévoient de modifier les plafonds de revenus et les taux d'abattement.