Le pluralisme reste pour nous le fil rouge de la réglementation que nous mettons en œuvre. Le pluralisme des courants de pensée et d'opinions est prévu dans la loi et impose aux médias audiovisuels de veiller à ce que les personnalités politiques concourent à notre débat démocratique. Nous le faisons tout au long de l'année et de façon plus particulière en période électorale. En temps ordinaire, les règles sont assez simples. Le pluralisme est apprécié sur le trimestre pour laisser le temps aux médias d'équilibrer les temps de parole, la règle étant la suivante : un tiers du temps réservé à l'exécutif, les deux tiers restants étant répartis entre les forces politiques, en tenant compte du poids de chacune des familles politiques. C'est beaucoup plus contraignant en période électorale. Pour les présidentielles, deux périodes se succèdent. Pendant la première, s'applique le principe de l'équité. Puis s'applique le principe de l'égalité stricte des temps de parole et d'antenne pendant les quinze jours qui précèdent le premier tour du scrutin. Pour les législatives, c'est le principe d'équité qui doit être appliqué pendant les six semaines de campagne.
Les médias se sont globalement très bien acquittés de leur mission de couverture des processus électoraux avec environ 3 000 heures de programme pour les présidentielles, dont près de 1 800 dévolues à l'expression des candidats.
Nous avons été très peu interpellés par les candidats des différentes sensibilités politiques. Nous avons toutefois veillé à prendre en compte chacune des observations qui nous ont été formulées et à intervenir auprès des médias lorsque c'était justifié.
Les réseaux sociaux ont bien mieux joué leur rôle qu'à l'occasion du scrutin 2017, marqué par une ingérence étrangère. Chaque fois que des contenus problématiques sont apparus, ils se sont acquittés des demandes qui leur ont été adressées.
Nous avons effectivement observé, durant la première période de la campagne des législatives, une surreprésentation d'une famille politique. Ces données sont d'ailleurs publiques et entièrement transparentes, accessibles et publiées sur notre site, et je les communique régulièrement à tous les groupes politiques ainsi qu'aux présidents des assemblées parlementaires. Nous sommes intervenus pour rééquilibrer ces interventions. Lorsqu'on établit le bilan au terme des six semaines de campagne, on parvient à une situation globale d'équilibre. Sans vouloir me faire l'avocat des médias, il est vrai que, pendant la première période, certaines familles politiques ont eu un rythme de campagne plus lent que les autres, mais elles se sont rattrapées en deuxième période.
La loi flèche très explicitement le contrôle des seules personnalités politiques. Les temps de parole comptabilisés sont donc uniquement ceux de ces derniers. Il a été fait allusion au fait que nous ayons comptabilisé un ancien éditorialiste. C'est exact et cela date du mois de septembre 2021, à un moment où nous avons estimé que cette personne ne se trouvait plus dans la position de simple éditorialiste, mais qu'elle était devenue un acteur plein et entier de la vie politique. Cette personne entrait donc dans la catégorie des personnalités politiques au sens de la loi. En dehors de cette exception, l'Arcom n'a pas à comptabiliser le temps de parole des journalistes ou éditorialistes, puisqu'elle est au contraire garante de la liberté d'expression au sein de notre démocratie.
Nous supervisons l'application des règles d'anti-concentration des médias qui sont mises en œuvre par l'Autorité de la concurrence. Le paysage audiovisuel actuel est considérablement plus ouvert qu'au début des années 1980, quand l'État contrôlait la totalité de la télévision et de la radio. Aujourd'hui, nous jouissons de plus de 1 000 stations de radio, de 30 chaînes de TNT ainsi que de 250 chaînes conventionnées par d'autres modes de diffusion (câble et satellite). De nombreux Français ont également accès à une offre Internet. Il n'empêche que ces règles anti-concentration, conçues au départ pour le monde hertzien, sont précieuses et que nous nous sommes mobilisés à plusieurs reprises pour qu'elles soient complétées et enrichies.
La place des femmes dans les médias constitue l'une de nos actions prioritaires. Nous veillons à ce qu'ils assurent une juste représentation de la diversité de la société française. Nous ne sommes plus très loin de la parité et incitons les médias à poursuivre leurs efforts. Nous avons beaucoup progressé en termes de représentation féminine parmi les journalistes et les animateurs, mais nous accusons encore un certain retard concernant les expertes ainsi que dans certains domaines (sport et représentation politique notamment).
Nous avons évoqué la TNT et, à cette occasion, le litige qui oppose TF1 à Canal+ pour sa distribution satellitaire. La TNT représente un mode de diffusion très important dans notre pays. Pour encore 22 % des Français, c'est le seul moyen d'accès à la télévision, à travers une offre gratuite, élargie, qui ne contrôle pas de données – puisqu'on n'utilise pas de box. Nous sommes très attachés à la modernisation de la TNT et la plupart des chaînes diffusent aujourd'hui en haute définition, la question du passage à l'ultra haute définition étant d'ailleurs déjà posée. Les téléspectateurs n'ont pas vocation à être les otages des différends entre les éditeurs et les distributeurs. Le litige dont il est question est purement commercial et porte sur un montant de rémunération. Les téléspectateurs n'ont clairement pas à le subir. Il semble nécessaire de compléter la loi en ce sens. Le précédent projet de loi sur l'audiovisuel incluait une clause qui permettait au régulateur de prendre des mesures conservatoires et notamment d'empêcher la coupure du signal. Faut-il aller vers une obligation de portage pour les diffuseurs satellitaires des chaînes hertziennes ? La question mérite d'être posée. En tout cas, nous jouons le rôle de médiateur entre les deux acteurs et j'espère que nous sortirons rapidement de ce conflit.
Nous présenterons très prochainement un bilan de la « loi infox » qui sera l'occasion de tirer des enseignements du dispositif.
Nous sommes bien sûr, nous aussi, très attachés à l'audiovisuel public et à trouver un mode de financement qui préserve son indépendance, donne de la visibilité et de la profondeur à ces chaînes, qui sont complexes à gérer (plus de 8 000 salariés chez France Télévisions et 4 500 chez Radio France). La visibilité sur le financement est fondamentale. Nous avons évoqué plusieurs pistes pour la garantie de l'indépendance. L'une est simple et peut se résumer ainsi : nous nommons les dirigeants de l'audiovisuel public, nous rendons un avis annuel sur les contrats d'objectifs et de moyens, nous donnons annuellement un avis sur le respect du cahier des charges et nous dressons tous les quatre ans un bilan de la gestion. Ces travaux sont à destination du Parlement et lui permettent de mener à bien ses missions de contrôle. Aussi, pourquoi ne pas imaginer que le régulateur rende également un avis annuel sur le montant de la contribution que le gouvernement prévoit d'attribuer aux entreprises ?
Le premier bilan que nous établissons au sujet de l'application des nouvelles dispositions législatives concernant le piratage est très encourageant. Nous essayons actuellement d'automatiser la chaîne entre les ayants droit des manifestations sportives, nous-mêmes et le fournisseur d'accès afin d'opérer rapidement le blocage des sites illicites. Nous allons bientôt pouvoir rendre publiques nos premières listes noires, visant à dissuader et, dans la mesure du possible, à assécher le financement des sites concernés.
Il existe près de cinq cents radios associatives dans notre paysage radiophonique. Dans cette phase de déploiement de la radio numérique, celles-ci se trouvent confrontées à des coûts de diffusion renforcés et nous nous tournons vers vous afin qu'elles soient accompagnées, sachant que les enjeux financiers sont mineurs.
Nous disposons d'une première version du texte européen à venir sur l'indépendance des médias. Celui-ci sera soumis à l'examen des États, des parlementaires européens et des différents acteurs. Il est prévu de créer un conseil qui serait composé des régulateurs nationaux et, si ce texte voit le jour, nous serions très heureux de jouer ce rôle, dans la mesure où nous exerçons déjà une activité centrale parmi les régulateurs européens.
Il est normal que les acteurs essaient de s'adapter à la transformation du paysage et ne pas s'y astreindre, de la part d'entreprises comme TF1 et M6, serait probablement irresponsable. Toutefois, leur projet de fusion soulevait de nombreuses questions, notamment en termes de régulation anti-concurrence, de pluralisme de l'information ou encore de financement de la culture. Nous serons particulièrement attentifs à l'évolution de ces deux entreprises, qui jouent un rôle majeur dans l'ensemble de notre paysage.
Ne sous-estimons pas les changements à l'œuvre et très lourds de conséquences pour notre paysage. Les entreprises, publiques comme privées, doivent être accompagnées pour y faire face et continuer à remplir leurs missions, notamment au titre de l'exception culturelle.
Concernant les SMAD, nous appliquons bien sûr la réglementation. Nous avons adopté un dispositif de conventionnement avec ces plateformes, qui sont tenues par les textes de nous communiquer les dépenses qu'elles effectuent au titre de ces obligations. Nous vérifions que les montants correspondent à ceux de leurs obligations. Nous n'avons pas achevé nos contrôles pour l'année en cours, mais nous pensons que les recettes s'élèveront à environ 250 millions d'euros, comme annoncé plus haut. C'est principalement à la production audiovisuelle que ces financements bénéficient plutôt qu'à la production cinématographique. J'espère que les conventions que nous avons conclues pour une période de trois ans pourront être complétées par des accords entre ces plateformes et les représentants des auteurs et des producteurs. Ce dispositif est très encourageant et rééquilibre les situations de concurrence entre les acteurs traditionnels, déjà soumis auparavant à des obligations, et les autres, qui ne l'étaient pas jusqu'ici.