Depuis 2016, les plaintes déposées contre le soutien public accordé à Fret SNCF étaient pour nous comme une épée de Damoclès.
En 2018, avec la loi pour un nouveau pacte ferroviaire, l'EPIC est devenu une SA. Vous auriez déclaré, au cours des débats parlementaires qui se sont déroulés à l'époque, que la nouvelle organisation de Fret SNCF avait été validée de manière eurocompatible et que les garanties nécessaires avaient été prises auprès des autorités européennes. Or, dans le document qu'elle a produit en janvier 2023, la Commission européenne indique, en s'appuyant sur l'avis de l'Autorité de la concurrence du 10 mai 2021, que la nouvelle entité était d'emblée non viable, au sens libéral du terme. Autrement dit, la reprise de la dette aurait faussé l'évaluation de la rentabilité économique de l'entreprise. Confirmez-vous avoir vérifié auprès de la Commission européenne l'eurocompatibilité de la création de la SA Fret SNCF, eu égard au contentieux en germe ? Considérez-vous ou niez-vous avoir porté sur le marché, en créant cette société anonyme, une société non viable ?
Selon plusieurs responsables de la SNCF, l'exécutif français a pu considérer que cette transformation en SA avait écarté le risque de la discontinuité. Pourtant, il semble que la Commission européenne, tout en autorisant la création de cette SA, aurait promis d'y revenir ultérieurement, du fait du contentieux ouvert avec les plaintes de 2016. Confirmez-vous ces faits ?
La France a présidé l'Union européenne au premier semestre 2022. Elle a alors porté devant la Commission européenne l'enjeu, majeur pour notre pays, du fret ferroviaire. Or, selon M. Farandou, dès l'automne 2022, c'est-à-dire immédiatement après la présidence française, la Commission européenne aurait durci le ton et menacé la France d'un oukase, à savoir l'ouverture d'une enquête. Disposez-vous d'éléments permettant d'expliquer ce changement brutal ? Le fret en France a-t-il été, comme l'a suggéré un de nos interlocuteurs, l'objet d'un marché politique, motivé par le souhait d'obtenir des arbitrages favorables de la Commission sur d'autres sujets stratégiques comme l'énergie nucléaire ou la politique agricole commune ?
La France n'est pas le seul pays dont les conditions de financement de l'opérateur historique sont interrogées ; l'Allemagne est également concernée. Comment se fait-il que l'on n'ait pas envisagé, à tout le moins, l'ouverture d'un dialogue entre la France et l'Allemagne, afin de faire prévaloir politiquement, dans ce bras de fer engagé avec la Commission européenne, l'intérêt de l'écologie et de l'urgence climatique sur les enjeux d'une concurrence étroite telle que promue par Bruxelles et dénoncée dans les termes mêmes de la stratégie nationale de développement du fret ferroviaire ? Pourquoi la France n'a-t-elle pas mené une diplomatie politique offensive sur ce dossier qui peut certes paraître mineur à l'opinion publique, mais qui constitue l'un des leviers majeurs dans l'obtention de résultats en matière écologique et climatique à court et moyen terme ?