Intervention de Jean-Marc Tellier

Séance en hémicycle du mardi 17 octobre 2023 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2024 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marc Tellier :

Hier s'est ouverte la conférence sociale sur les salaires. Vous avez affirmé à cette occasion, monsieur le ministre délégué, que vous étiez contre l'indexation des salaires sur l'inflation, contre la hausse généralisée des salaires et opposé à un coup de pouce au Smic. Cette conférence sur les bas salaires vise donc non à les augmenter, mais à les maintenir bas. Êtes-vous à ce point déconnecté de la réalité des Français et de leur portefeuille ? Tout porte à le croire à la lecture de ce projet de loi de finances – qui ne contient rien, ou si peu, pour renforcer le pouvoir de vivre des Français, rien sur le prix des denrées alimentaires, rien sur le prix de l'essence, rien sur le prix de l'énergie !

Depuis 2017, le Gouvernement est sourd à la situation sociale du pays. Votre seule boussole est la politique de l'offre, soutenue par la théorie du ruissellement des revenus des plus riches vers les couches moyenne et modeste, traduction de l'adage « Quand les gros maigrissent, les maigres meurent ». Cette théorie est une hérésie : toutes les études montrent que l'accroissement du patrimoine des ultrariches – celui des 500 plus grosses fortunes a atteint 1 170 milliards en 2022 – s'accompagne d'une progression du taux de pauvreté.

Face à ce constat inéluctable, les libéraux ressortent le sempiternel argument du record d'Europe du taux de prélèvements obligatoires détenu par la France. Ils oublient toutefois de dire que si ce taux est si élevé, c'est parce que la France a fait le choix des services collectifs – création et extension de la sécurité sociale, maîtrise des grands services publics, développement de collectivités territoriales porteuses de services de proximité. Notre pays a décidé de mettre du commun là où d'autres choisissaient de privilégier des réponses individuelles aux défis en matière de santé, d'éducation, de sécurité ou de transports.

Ce modèle est au cœur de la confrontation engagée depuis plusieurs décennies, qui s'aiguise dans l'examen de ce projet de loi de finances pour 2024 en prenant la forme de plusieurs questions. Comment répondre à la nécessaire augmentation des salaires, des pensions et des allocations ? Comment affronter l'intensification de la crise du logement ? Comment réussir la transition écologique et répondre à l'urgence climatique ? Comment permettre aux collectivités locales d'assurer leur rôle de premier maillon de la République ? Si le taux des prélèvements obligatoires est si élevé, c'est aussi en raison de la multiplication des cadeaux fiscaux, qui représentent plus de 175 milliards alors qu'ils ne profitent qu'à une minorité.

Si l'on regarde la forme des prélèvements obligatoires, plus que leur taux, force est de constater qu'ils sont de plus en plus régressifs. C'est un vrai drame !

Vous avez fait de la TVA le principal impôt ; vous avez supprimé l'imposition sur les patrimoines les plus importants ; vous avez multiplié les exonérations et allègements au profit d'un petit nombre de ménages et d'entreprises, si bien que les prélèvements obligatoires de notre pays sont devenus régressifs, en contradiction avec l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, aux termes duquel « une contribution commune est indispensable ; elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ».

L'impôt sur le revenu, le seul impôt qui reste progressif, ne représente plus que 20 % des recettes fiscales, soit 54 % de moins que la TVA et 30 % de moins que la CSG. C'est bien trop peu. Nos concitoyens ne sont pas des clients ; ils n'ont pas à « en avoir pour [leurs] impôts », contrairement à ce que déclare M. Gabriel Attal. Non, l'impôt doit redevenir un outil au service de la réduction des inégalités ainsi que du financement de nos services publics et de notre modèle social ; la contribution fiscale de chacun doit être proportionnelle à ses moyens.

Les défis sont immenses et nous devons nous donner collectivement les moyens de les relever. Il faut supprimer une part des dépenses fiscales ou des allègements sociaux, afin de créer un véritable plan d'urgence pour l'hôpital. Les patrimoines les plus importants devraient contribuer davantage, grâce à la création d'un ISF rénové, qui viserait tant les biens mobiliers que les biens professionnels et les biens immobiliers, afin de disposer des ressources nécessaires à la transition écologique.

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