Intervention de Lise Magnier

Séance en hémicycle du mardi 17 octobre 2023 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2024 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLise Magnier :

Après plus de trente heures consacrées en commission à la première partie du projet de budget pour 2024, il nous appartient désormais d'examiner le texte dans l'hémicycle.

À mon tour, je tiens à remercier très sincèrement le rapporteur général du budget et le président de la commission des finances, qui nous ont permis d'avoir de vrais débats, respectueux et de fond. C'est un exercice démocratique important et qui nous honore. Je regrette toutefois d'avoir vu cette première partie du budget rejetée en commission, n'ayant d'ailleurs pas toujours compris le positionnement des oppositions. Pour ne prendre qu'un exemple, le rejet de l'article 32, qui fixe les relations financières entre l'État et la sécurité sociale, m'a semblé assez incompréhensible.

Quoi qu'il en soit, le débat s'ouvre désormais en séance, et il me paraît important de repartir de la base.

Le contexte économique, avec une inflation et des taux d'intérêt élevés, n'empêche pas notre pays de poursuivre sa bonne marche économique, avec un taux de chômage en nette amélioration et toujours plus d'emplois créés. Il nous faut donc poursuivre avec résolution notre trajectoire économique et maintenir notre confiance en nos entreprises et nos emplois pour créer de la valeur. Car pour partager de la valeur, encore faut-il qu'il en soit créé.

Le contexte géopolitique particulièrement douloureux vient lui aussi confirmer le bien-fondé du choix fait par le Gouvernement et notre majorité de renforcer les missions régaliennes de l'État, avec des efforts massifs consacrés à notre sécurité, nos armées et notre école.

Enfin, le contexte climatique nous oblige à accélérer massivement notre, ou plutôt nos transitions. Grâce à un effort inédit de 7 milliards d'euros supplémentaires dans le cadre de ce projet de loi de finances pour 2024, nous sommes clairement au rendez-vous.

À ces trois grands éléments de contexte, j'en ajouterai un quatrième, relatif à notre pacte républicain. C'est ce dernier qui nous permet de faire nation, en offrant à chaque citoyen français la capacité de comprendre sa place dans notre société et de déterminer son rôle individuel dans notre fonctionnement collectif. Notre pacte républicain nécessite que nous, responsables politiques, que nous soyons élus locaux, parlementaires ou membres du Gouvernement, restions absolument vigilants sur la question qui traverse l'ensemble de notre société : celle de la justice fiscale et sociale.

Je tiens d'abord à dire à chaque citoyen français que notre système est actuellement le plus juste du monde, car le plus redistributif. Cela signifie simplement que la contribution des plus aisés vient répondre positivement aux besoins des moins aisés. Les deux tiers des Français reçoivent ainsi en moyenne davantage, en prestations et en services publics, qu'ils ne versent en impôts, taxes et contributions sociales.

À cet égard, monsieur le ministre délégué, je souhaite formuler une demande au nom du groupe Horizons et apparentés. Pourrait-on adresser à chaque foyer fiscal un document faisant apparaître la réalité de son apport à la nation ainsi que la réalité de ce que la nation lui apporte ? C'est un élément de pédagogie que nous devons impérativement reconstruire et qui mérite, je le crois, un nouvel effort.

La justice fiscale et sociale doit s'incarner dans l'ensemble de nos choix et de nos décisions. Les bons résultats économiques, la création d'emplois et de valeur et la baisse du nombre de demandeurs d'emploi doivent permettre à chaque Français de vivre dignement de son travail et de tenir la promesse d'une amélioration du niveau de vie de chaque travailleur tout au long de sa carrière. La conférence sociale sur les salaires est à ce titre une démarche qu'il faut encourager et qui doit déboucher sur des mesures concrètes.

Soutenir l'emploi et le travail, c'est aussi baisser la taxation des salaires. Les impôts sur les ménages ont massivement baissé depuis 2017 et nous devons poursuivre dans cette voie, fidèlement aux engagements du Président de la République.

Depuis près de deux ans, l'inflation a bousculé nos habitudes. Or, si elle a été maîtrisée par les décisions que vous avez défendues, monsieur le ministre délégué, pour en limiter les impacts, ceux-ci sont bien plus importants pour certains de nos concitoyens que pour d'autres. Notre groupe soutient donc une revalorisation uniforme pour tous les Français : comme les pensions de base des retraités seront revalorisées de 5,2 % eu égard à la règle d'automaticité qui a été fixée, appliquons ce même taux à la revalorisation des tranches d'impôt sur le revenu. En effet, ne revaloriser les tranches que de 4,8 % donnerait le sentiment que l'inflation s'applique de manière différenciée, alors que ce n'est pas le cas et alors que de nombreux secteurs ont accompli de réels efforts de revalorisation des salaires.

De la même façon, c'est par souci de justice que nous proposerons, lors de l'examen de la deuxième partie du budget, d'élargir l'éligibilité à l'indemnité carburant travailleur jusqu'au septième décile, afin de permettre aux classes moyennes qui travaillent d'en bénéficier.

Enfin, pour que le travail paye, nous proposerons le déblocage exceptionnel de l'épargne salariale en 2024, comme nous l'avions fait avec la loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat – loi que nous avions examinée dans un contexte économique similaire à celui que nous connaissons actuellement.

La justice fiscale et sociale, c'est aussi l'imposition de tous. À ce titre, je tiens à saluer le combat que vous avez remporté, monsieur le ministre délégué, pour l'imposition minimale des grandes entreprises internationales. Cette réelle avancée nous permet d'ouvrir les prochaines étapes, avec la question de l'imposition minimale des personnes physiques, sujet majeur à propos duquel nous soutiendrons un amendement d'appel.

Dans le même souci de justice fiscale, nous défendrons également la prolongation en 2024 de la contribution sur la rente inframarginale des producteurs d'électricité, avec toutefois des paramètres renouvelés afin de ne pas mettre en difficulté certains des acteurs concernés.

La justice fiscale, c'est aussi ne pas exclure les personnes qui ont besoin des dispositifs de soutien. À ce titre, le prêt à taux zéro (PTZ) constitue un formidable outil de soutien aux ménages pour l'acquisition de leur habitation. Nous sommes donc convaincus de la nécessité d'élargir les critères de ressources, de plafond et d'éligibilité territoriale d'accès au PTZ. L'économie du bâtiment et du logement, les difficultés d'accès à la propriété et le renchérissement des coûts d'emprunt doivent nous convaincre de soutenir les ménages modestes qui souhaitent acquérir un bien.

La justice fiscale et sociale s'incarne par ailleurs par la lutte sans faille contre la fraude. Ce projet de loi de finances pour 2024 répond à ce défi et veille même à renforcer notre action grâce au plan ferme et ambitieux que vous défendez, monsieur le ministre délégué, et que nous saluons.

Enfin, la justice fiscale et sociale requiert de veiller à l'impact de nos outils fiscaux budgétaires. À cet égard, le budget vert de l'État, que nous souhaitons ouvrir aux collectivités territoriales, constitue un réel outil d'aide à la décision. Je tiens à souligner votre engagement, monsieur le ministre délégué, pour que les trajectoires de verdissement de nos outils fiscaux soient conçues en lien avec les acteurs concernés : c'est un gage absolu de réussite et d'acceptabilité.

Nous le savons, les transitions doivent être accompagnées, c'est pourquoi il nous semble impératif de soutenir les investissements nécessaires des entreprises, notamment par des dispositifs de suramortissement et de prime à la conversion, afin d'atténuer le coût souvent plus élevé des machines et engins fonctionnant avec des énergies moins polluantes.

Bien sûr, il nous faut aussi et surtout rappeler aux Français que l'État ne peut pas tout et ne doit pas tout. S'il était parfaitement légitime et indispensable que l'État protège les Français et l'économie lors des crises majeures qui se sont superposées, il nous faut aussi savoir retrouver un niveau d'intervention normal. La remontée importante des taux d'intérêt vient en effet engloutir des dizaines de milliards d'euros dans la charge de la dette, soit autant d'argent public que nous ne pouvons investir dans des politiques publiques qui en ont besoin. La trajectoire de redressement des finances publiques doit donc absolument être tenue : c'est un impératif de souveraineté.

C'est aussi parce que l'État ne peut et ne doit pas tout que nous soutiendrons des amendements visant à redonner des capacités d'action aux élus locaux, s'agissant notamment des impôts locaux, qu'il s'agisse d'exonérations ou de surimpositions. L'État et les collectivités territoriales doivent agir main dans la main : il faut donc faire confiance aux élus locaux, qui sont des acteurs majeurs de l'aménagement du territoire et de la lutte contre les fractures territoriales.

Voilà en quelques mots, mes chers collègues, les analyses et axes de travail du groupe Horizons sur ce projet de loi de finances pour 2024. Nous serons mobilisés aux côtés du Gouvernement pour enrichir le texte et permettre à notre pays de se doter d'un budget crédible et utile à nos concitoyens en ces temps troublés.

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