« Couvrez ce sein que je ne saurais voir. Par de pareils objets les âmes sont blessées. » Si, dans sa célèbre pièce, Tartuffe, Molière se moque des dévots et de leur hypocrisie, nous pourrions reprendre ces phrases à notre compte s'agissant de l'impérieuse nécessité de protéger nos enfants dans l'espace numérique, face aux contenus illicites ou inadaptés à leur jeune âge et à leur fragilité. Nous pourrions aussi évoquer l'hypocrisie de certaines oppositions d'extrême gauche, qui ont refusé tous les dispositifs de protection prévus par ce texte, préférant faire confiance à la main invisible du numérique.
Le groupe Démocrate (MODEM et indépendants) ne peut, quant à lui, que saluer, monsieur le ministre délégué, l'aboutissement de ce projet de loi issu d'un travail parlementaire. Ce texte est indispensable, eu égard au travail précédemment réalisé à l'échelle européenne, mais aussi, et avant tout, face aux dérives constatées en ligne et au monopole exercé par certaines entreprises. Nous avons ainsi fait le choix de transposer au plus vite le Data Act, le règlement européen sur les données. Dans ce marché dominé par les acteurs américains, nous adoptons des règles essentielles qui permettront de casser des monopoles incompréhensibles.
Nos débats auront ainsi permis d'avancer sur la protection de nos données sensibles telles que les données de santé. Je sais, monsieur le ministre délégué, que les décrets que vous serez amené à prendre sont très attendus.
La loi que nous nous apprêtons à voter répond aussi au besoin de protection des internautes, et plus particulièrement, je l'ai dit, de nos enfants. Pour nous, pour eux, il est urgent d'assainir l'espace public numérique.
À cet égard, je ne vous cache pas l'étonnement que j'ai ressenti lors de nos travaux préparatoires sur ce texte, vis-à-vis de la satisfaction exprimée par certains acteurs du numérique. En les écoutant, nous aurions pu croire que l'espace numérique actuel est sain et sécurisé, qu'il s'agit presque d'un endroit où il fait bon vivre et bon converser. S'il ne faut pas nier les efforts réalisés par la majorité de ces acteurs, ceux-ci, pas plus que nous, ne peuvent se contenter de petites avancées. Tous doivent comprendre les responsabilités qui leur incombent dans cet écosystème et la nécessité qui s'impose à eux de maîtriser les risques afférents à leur secteur.
En commission comme en séance, nous avons eu à cœur de doter l'État d'outils pertinents et efficaces, non seulement pour punir, mais aussi pour que chacun, en bonne intelligence, puisse utiliser ce formidable outil d'émancipation, d'information et d'innovation qu'est le numérique. À ce stade de mon intervention, je tiens à remercier le rapporteur général et les rapporteurs pour leur travail, ainsi que toute l'équipe des administrateurs. Nous avons œuvré ensemble pour trouver des compromis, et ce sans lésiner sur un principe : celui de la responsabilité.
J'aime rappeler un concept que nous devrions appliquer au numérique : le concept du pollueur-payeur. Selon cette logique, force est de constater que certains acteurs ne jouent pas encore pleinement leur rôle et qu'il faudrait qu'ils mettent davantage la main à la poche pour assainir l'espace qu'ils polluent.
Pour ce faire, nous devons définir des interdits clairs et précis. La délictualisation de l'outrage sexiste et sexuel commis en ligne en est un. C'est une avancée : le recours à l'amende forfaitaire délictuelle permettra de réprimer plus efficacement et plus rapidement ces outrages dans l'espace public numérique. À ce titre, le groupe Démocrate se réjouit que nous nous soyons gardés de créer un délit risquant d'englober des infractions plus sévèrement réprimées et pour lesquelles il est nécessaire de laisser du temps à la justice.
Nous devons aussi prévoir des sanctions à la hauteur de l'interdit. À cet égard, la peine complémentaire de suspension de l'accès au compte ayant été utilisé pour commettre une infraction représente une véritable avancée. Je tiens d'ailleurs à vous remercier, madame la rapporteure Morel, pour le travail transpartisan que vous avez accompli sur ce point.
S'agissant de l'opposition entre anonymat et impunité, nous avons eu des débats nourris, et il me semble que les dispositions relatives à France numérique sont désormais satisfaisantes. Il ne faut pas confondre anonymat et impunité, et ce texte tend à lutter contre l'impunité en ligne.
Enfin, je tiens à saluer le travail de notre assemblée sur la question des Jonum, lesquels, je le rappelle, ne font actuellement l'objet d'aucune législation. Ce sur quoi nous nous sommes entendus est donc préférable et plus protecteur que l'existant.