Intervention de Bryan Masson

Réunion du mercredi 4 octobre 2023 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBryan Masson, rapporteur :

Je vous remercie de m'accueillir au sein de la commission des affaires sociales afin de vous présenter ma proposition de loi, coécrite avec Mme Marine Le Pen, présidente du groupe Rassemblement National, visant à supprimer ou à suspendre les allocations familiales pour les parents d'enfants criminels ou délinquants.

En préambule, je souhaite remettre l'église au milieu du village et rappeler un certain nombre de principes partagés par l'écrasante majorité des Français.

Quand la nation offre aux familles un soutien financier pour l'éducation des enfants, ce soutien ne peut qu'être conditionné au respect, par les parents bénéficiaires, de leurs devoirs parentaux. C'est cette logique qui se situe au cœur même de ma proposition de loi. Pourtant, sur ce point, il existe un véritable vide juridique. Notre ordre juridique interne prévoit bien la responsabilité civile des parents pour les faits commis par leurs enfants. Il prévoit également que, lorsque les parents s'occupent mal de leurs enfants, ils peuvent être pénalement sanctionnés. Très concrètement, toutefois, ces sanctions, qui figurent à l'article 227-17 du code pénal, sont très peu appliquées par les magistrats. Les parents qui laissent leurs jeunes enfants errer dans la rue et commettre des exactions ne sont pas inquiétés par la justice : ils sont ainsi complètement déresponsabilisés, comme si aucun devoir parental ne leur incombait.

La mesure que je vous propose fait suite aux émeutes destructrices de cet été, qui ont mis en lumière l'ampleur de la délinquance des mineurs dans notre pays. Nous l'avons constaté et les chiffres du Gouvernement nous l'ont confirmé, les émeutiers étaient particulièrement jeunes – leur moyenne d'âge se situait entre 17 et 18 ans, et on a même souvent observé des enfants de 11 ou 12 ans participer aux infractions.

Que font ces enfants dans les rues en pleine nuit ? Trouvez-vous normal que des parents soient négligents au point de ne même pas empêcher leurs enfants de sortir, en particulier en période d'émeutes, où le danger est bien réel pour eux ? Pensez-vous que ces parents remplissent alors leur devoir envers leurs enfants ? Clairement non, ce n'est pas normal ; oui, ces parents ont une responsabilité que nous devons invoquer. J'irai même plus loin : cette responsabilité n'est pas que ponctuelle ; elle a en réalité des conséquences plus larges pour notre ordre public et pour l'ensemble de notre société.

Quand on voit les dégâts énormes des nuits d'émeutes de juin et juillet derniers, quand on pense aux quartiers qui ont été ravagés par une minorité, quand on sait ce que les réparations vont coûter et coûtent déjà au contribuable français, comment peut-on rester sans agir ?

Le coût des dégâts des récentes émeutes est estimé à 730 millions d'euros, sans compter les conséquences touristiques évidentes. Les textes votés avant l'été pour accélérer la reconstruction des infrastructures sont clairs : les Français vont payer pour réparer les dégâts. Or ma position, qui rejoint celle de mon groupe, présidé par Marine Le Pen, est que le contribuable n'a pas à payer pour les casseurs. Il faut appliquer le principe casseur-payeur. Les Français qui travaillent et élèvent leurs enfants dans des conditions parfois très difficiles n'ont pas à payer pour les exactions de délinquants.

Au sortir des émeutes, ce constat de bon sens était partagé par la quasi-intégralité de la classe politique, jusqu'au Président de la République lui-même. Je ne citerai pas tous les membres du groupe Les Républicains, parmi les plus haut placés de ce parti, qui se sont engagés à faire des propositions en ce sens – la liste serait trop longue. Mais je peux citer le garde des Sceaux, qui a déclaré : « Lorsque votre enfant vole, abîme ou détruit quelque chose [...], c'est vous, parents, qui serez condamnés à payer les réparations. » Il a également évoqué la responsabilité pénale des parents en cas de manquement à leurs obligations parentales. Quant au ministre de l'intérieur, il s'est exprimé ainsi : « Il faut qu'on se pose tous cette question de la responsabilité des familles, des parents. Ce n'est pas à la police nationale, à la gendarmerie, à la mairie ou même à l'État de régler le problème quand un enfant de 12 ans met le feu à une école. C'est une question qui relève de l'autorité parentale. » Pour finir avec les citations, le Président de la République a lui-même déclaré : « Il faudrait qu'à la première infraction, on arrive à sanctionner financièrement et facilement les familles. »

Compte tenu de ces déclarations et ayant à cœur mon rôle de législateur, il était de ma responsabilité de proposer une évolution législative qui permette d'enrayer la violence, de restaurer l'ordre public et de mieux responsabiliser les parents. Chers collègues de la majorité, je ne fais que donner une suite législative aux propos du Président de la République. Voyez cela comme l'opportunité de respecter enfin vos engagements !

S'agissant du dispositif lui-même, contrairement à ce qu'il propose sur d'autres sujets, le groupe Rassemblement National n'entend pas engager avec ce texte une révolution normative, puisqu'il existe plusieurs précédents dans ce domaine.

D'abord, la loi dite « Ciotti », visant à lutter contre l'absentéisme scolaire, a été adoptée en 2010 et appliquée jusqu'à son abrogation précipitée en 2013, à la suite d'un changement de majorité. Cette loi suivait la même logique que la proposition que je vous fais aujourd'hui.

Ensuite, plusieurs exemples locaux ont souvent été bien relayés par la presse. À Poissy, Valence ou encore Caudry, dans plusieurs communes, les élus ont fait le choix de moduler les aides accordées aux familles lorsque les enfants commettent des infractions. Les conseils municipaux ont ainsi adopté des délibérations qui varient selon les cas, incluant d'autres situations que les infractions pénales ou prévoyant parfois un accompagnement parental. Ces exemples me semblent particulièrement intéressants dans la mesure où ils soulignent que le levier des aides familiales a été considéré par plusieurs élus, issus de différentes formations politiques – l'Union des démocrates et indépendants (UDI), Les Républicains et Renaissance, pour les communes que je citais –, comme un moyen d'action efficace pour lutter contre la délinquance des mineurs en responsabilisant enfin les parents. J'entends déjà certains d'entre vous me dire que ces dispositifs n'ont pas démontré leur efficacité. Ce n'est pas l'avis de la plupart des élus qui ont pris ces décisions : le maire de Valence considère ainsi que ce dispositif permet une vraie dissuasion et qu'il a une valeur pédagogique pertinente.

Un dernier exemple, qui relève lui aussi de la politique de terrain, parlera notamment à mes collègues de la majorité, puisque le ministre de l'intérieur semble souhaiter sa généralisation. Je veux parler des conventions passées par plusieurs communes avec les bailleurs sociaux afin de pouvoir expulser certaines familles de délinquants des logements sociaux qu'elles occupent. Je ne m'attarderai pas plus longtemps sur cet exemple, qui est sans doute mieux connu mais que je trouve, là encore, assez parlant : une aide sociale ou familiale accordée par l'État ou les collectivités va de pair avec des devoirs. Nous sommes donc plusieurs à trouver cela logique.

La proposition de loi que je vous présente n'est pas une solution absolue, mais elle a le mérite de constituer un premier élément de réponse à ces problèmes.

Elle a également le mérite de la simplicité, car son dispositif est très lisible : lorsqu'un enfant à charge est définitivement condamné par la justice pour un crime ou un délit puni de plus de deux ans d'emprisonnement, alors on peut prononcer un retrait de la part d'allocations familiales qui concerne cet enfant. Ce retrait n'est bien sûr pas le même dans toutes les situations. Il varie, de façon proportionnée, selon la gravité de la condamnation : il est de vingt-quatre mois lorsque l'enfant est condamné pour un délit grave, puni d'au moins deux ans d'emprisonnement, de la durée de la peine d'emprisonnement lorsque l'enfant est condamné pour un délit grave et qu'il est incarcéré pour plus de vingt-quatre mois, et définitif lorsque l'enfant est condamné pour un crime.

Cette proposition de loi a aussi le mérite de la précision, car elle ne laisse pas la procédure au hasard mais en détermine bien les différentes étapes. D'abord, le parquet transmet au préfet l'ensemble des décisions définitives qui concernent les mineurs et majeurs de moins de 20 ans. Ensuite, la préfecture trie ces décisions pour déterminer lesquelles sont susceptibles de conduire à une suppression ou à une suspension des allocations familiales. Les parents concernés sont alors contactés et peuvent présenter des observations, par écrit ou, sur demande de leur part, oralement. Ils peuvent bien sûr se faire assister par un conseil ou se faire représenter par un mandataire de leur choix. À la lumière de ces observations, le préfet détermine s'il y a lieu ou non de retirer les allocations familiales pour la part qui concerne l'enfant condamné. Là encore, les choses sont simples : soit les parents ont pu démontrer qu'ils ont agi comme des parents responsables et tenté d'empêcher leur enfant de commettre l'infraction pour laquelle il a été condamné, soit ils n'ont pas tenté de l'en empêcher, se rendant ainsi coupables de carences parentales. Dans le second cas, le préfet prend la décision de suspendre ou de supprimer les allocations familiales ; il transmet alors sa décision à la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) et aux caisses d'allocations familiales, qui doivent l'exécuter sans délai.

Cette proposition de loi a enfin le mérite de l'efficacité : elle joint le geste à la parole. Depuis cet été, nous avons entendu beaucoup de responsables politiques se prononcer en faveur du retrait des allocations familiales pour les parents de délinquants. C'est exactement l'objet du texte que je vous présente aujourd'hui : il permet, dès la première infraction, de sanctionner financièrement et facilement les familles.

Face à ce constat incontestable et grâce à cet alignement des volontés politiques, depuis la majorité présidentielle jusqu'au groupe Rassemblement National, il serait logique que notre commission adopte la présente proposition de loi. J'espère que nos discussions aboutiront à ce résultat.

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