On a coutume de dire que la loi est le reflet des valeurs de la société. Il fut une époque où l'exercice de l'autorité parentale était empreint d'une certaine violence, qu'on disait éducative sans que personne ne s'en offusque. Il fut une époque où l'on disait également d'un homme violent envers la mère de ses enfants qu'il pouvait être un mauvais mari mais un bon père. Cette époque est révolue.
La communauté scientifique et juridique s'accorde désormais à dire que la violence, de quelque nature qu'elle soit, n'a pas sa place au sein de la famille. L'éducation forme les enfants. La violence déforme les corps et les esprits. Il faut combattre avec force l'idée selon laquelle notre société serait de plus en plus violente parce que la violence sur les enfants ne serait plus tolérée. On ne peut pas construire une société non violente en fondant l'éducation sur la violence.
Or, malgré les évolutions législatives destinées à protéger les enfants, les violences intrafamiliales ne cessent d'augmenter. Comme plusieurs collègues l'ont rappelé, en 2019 l'Insee faisait état de 119 000 victimes majeures et de 41 000 victimes mineures – et ce seulement sur la base des plaintes enregistrées. Pour 60 % d'entre eux, les enfants victimes de violences intrafamiliales ont moins de 15 ans. En 2019, ces violences ont augmenté de 14 %. En 2020, la hausse s'est poursuivie, avec 10 %.
Et cette augmentation touche particulièrement certains territoires. À La Réunion les violences intrafamiliales (VIF) ont augmenté de 41 % entre 2015 et 2021. Cela résulte certainement pour partie d'une meilleure écoute et d'une meilleure prise en charge. Mais, malheureusement, celles-ci n'expliquent pas toute l'augmentation. On compte vingt et une interventions des forces de l'ordre pour des VIF en moyenne chaque jour. En février 2023, le collectif « STOP VIF Protégeons nos enfants » faisait état d'une augmentation de 30 % des violences intrafamiliales et des violences sur enfants à La Réunion. Ces chiffres nous imposent d'agir.
C'est pourquoi je salue votre proposition de loi, madame Santiago. Elle vient combler un vide juridique sur la question de l'autorité parentale. L'autorité parentale, c'est le droit des parents de prendre les décisions qui concernent leurs enfants. Quoi de plus banal que de discuter ensemble de l'inscription à l'école du petit dernier qui a 3 ans ou de l'opération des amygdales de la plus grande ? Mais quoi de plus terrible quand vous devez avoir cette discussion avec celui qui vous a violentée, agressée ou tenté de vous tuer ? Quoi de plus insupportable, quand celui qui décide de votre inscription à l'école est aussi celui qui vous a volé votre enfance ? Tel est l'état actuel de notre droit : les auteurs, ou auteurs présumés, restent investis de l'exercice de l'autorité parentale et n'en sont privés qu'en de très rares occasions. Votre proposition de loi vient corriger cette anomalie et accorder aux victimes une protection supplémentaire.
Je tiens à saluer votre travail, ainsi que notre travail collectif transpartisan. Notre commission a su trouver une position équilibrée pour concilier, d'une part, la nécessaire protection des victimes de violences intrafamiliales et la protection des enfants et, d'autre part, la présomption d'innocence et le droit au juge.
Le Sénat a quelque peu détricoté ce que nous avions mis beaucoup de temps à construire. Je suis certaine que notre assemblée arrivera à rétablir la version initiale. Nous voterons donc ce texte.