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Intervention de Isabelle Santiago

Réunion du mercredi 4 octobre 2023 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Santiago, rapporteure :

Je suis ravie de vous retrouver pour l'examen en deuxième lecture de cette proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes de violences intrafamiliales. Ce texte a été adopté à l'unanimité en première lecture à l'Assemblée nationale le 9 février, lors de la niche du groupe Socialistes. J'ai d'emblée souhaité qu'il fasse l'objet d'un travail transpartisan.

Protéger les enfants des violences intrafamiliales est un enjeu majeur, qui nécessite un changement de paradigme. Désormais, nul ne peut ignorer l'ampleur des violences sexuelles faites aux enfants, dont l'inceste. La Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) a montré que 160 000 enfants sont victimes chaque année de violences sexuelles. Il est donc urgent de légiférer pour mieux les protéger.

Cette proposition de loi doit permettre d'agir vite, lorsque l'enfant est en danger, pour limiter les relations, voire, dans les cas les plus graves, rompre le lien entre l'enfant et le parent violent ou agresseur.

Elle prévoit deux dispositifs principaux.

Le premier, c'est la suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement dès le stade des poursuites, lorsque le parent est mis en cause pour les infractions les plus graves, c'est-à-dire un crime sur la personne de l'autre parent, une agression sexuelle incestueuse ou un crime commis sur la personne de son enfant, ou en cas de condamnation pour violences conjugales ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) de plus de huit jours lorsque l'enfant a assisté aux faits.

Je souhaite apporter une précision sur ce dernier point. La législation prévoit, depuis la loi du 3 août 2018, que la présence des enfants lors des violences conjugales constitue une circonstance aggravante de l'infraction. Assister aux faits ne se limite pas à être un témoin oculaire des violences mais comprend l'ensemble des situations dans lesquelles l'enfant est témoin des violences, qu'il soit témoin auditif ou oculaire, présent ou non dans la pièce au moment des faits. Le fait pour un enfant d'avoir été le témoin direct des conséquences de ces violences, même après qu'elles ont été commises, est également pris en compte.

L'autre dispositif majeur, c'est le retrait obligatoire de l'autorité parentale en cas de condamnation pour des faits de crime contre l'autre parent, agression sexuelle incestueuse ou crime contre l'enfant, sauf décision contraire spécialement motivée du juge.

Nous avons ajouté trois articles au texte initial lors de son examen en première lecture. L'article 2 bis crée un nouveau cas de délégation forcée de l'autorité parentale en cas de crime ou d'agression sexuelle incestueuse pour un parent seul titulaire de l'autorité parentale ; l'article 3 procède à diverses coordinations dans le code pénal ; l'article 4, enfin, à l'initiative de la délégation aux droits des enfants, demande la remise d'un rapport sur le repérage, la prise en charge, le suivi psychologique des enfants exposés aux violences conjugales et sur les modalités d'accompagnement parental.

Notre travail collectif a été modifié par le Sénat, qui a d'abord réécrit l'article 1er en supprimant tout dispositif de protection des enfants co-victimes de violences conjugales et en revenant sur la durée de la suspension de l'exercice de l'autorité parentale en cas de poursuites pour les infractions les plus graves. Je ne souhaite pas que cette suspension soit limitée à six mois maximum, sans garantie qu'un juge se soit prononcé sur le fond du dossier dans cet intervalle. Je vous présenterai donc un amendement visant à rétablir l'article 1er, tel qu'il a été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale. Cet amendement prévoit d'une part que la suspension de plein droit en cas de crime ou d'agression sexuelle incestueuse court jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales, jusqu'à la décision de non-lieu du juge d'instruction ou jusqu'à la décision du juge pénal. D'autre part, il rétablit l'alinéa prévoyant la suspension de plein droit de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement du parent condamné pour des faits de violences.

L'article 2 a également été réécrit par le Sénat, qui a amélioré la rédaction de l'article 378 du code civil. Nous vous proposerons donc de repartir de cette version et de la modifier pour revenir strictement à l'esprit du texte que nous avions adopté en première lecture. Notre amendement prévoit ainsi que le juge pénal ordonne le retrait total de l'autorité parentale, sauf décision contraire spécialement motivée, du parent condamné pour un crime ou délit commis sur son enfant ou un crime commis sur l'autre parent. L'objectif est de rendre plus automatique le retrait total de l'autorité parentale lors des condamnations les plus graves, afin de protéger les enfants victimes ou co-victimes. L'amendement prévoit aussi l'obligation pour le juge pénal de se prononcer sur tous les aspects de l'autorité parentale s'il refuse en premier lieu de retirer totalement l'autorité parentale.

Le Sénat a aussi réécrit entièrement l'article 3 et procédé à une refonte d'une partie du code pénal qui ne correspond pas tout à fait à l'esprit initial de la proposition de loi. Nous proposerons donc de rétablir l'article 3 dans sa version adoptée par l'Assemblée nationale, en procédant à quelques coordinations nécessaires.

De plus, le Sénat a ajouté quatre nouveaux articles. L'article 2 ter A procède à une coordination rédactionnelle et ne pose pas de problème. L'article 2 ter prévoit qu'un parent ayant fait l'objet d'un retrait de l'exercice de l'autorité parentale ne peut pas en demander la restitution avant l'expiration d'un délai de six mois. Aux termes du droit actuel ce délai est d'un an en cas de retrait de l'autorité parentale et il semble pertinent de dissocier ces deux délais pour graduer la sanction. L'article 2 quater prévoit l'exonération, pour le parent bénéficiaire d'une ordonnance de protection et d'une autorisation de dissimuler son domicile, de toute obligation d'informer préalablement l'autre parent d'un changement de résidence. Cette disposition est tout à fait logique et je vous propose de la conserver dans la version adoptée par le Sénat. L'article 3 bis dispose que le juge doit motiver spécialement sa décision de ne pas suspendre les droits de visite et d'hébergement dans le cadre d'un contrôle judiciaire comprenant une interdiction d'entrer en contact ou une obligation de résider hors du domicile du couple. La suspension de ces droits devient donc le principe, ce qui est une mesure utile de protection des enfants.

Enfin, le Sénat a supprimé l'article 4, qui prévoyait la remise, par le Gouvernement, d'un rapport sur le repérage, la prise en charge, le suivi psychologique des enfants exposés aux violences conjugales et sur les modalités d'accompagnement parental. Je donnerai un avis favorable aux amendements qui proposent de rétablir cet article.

Pour conclure, je tiens à rappeler que cette proposition de loi se concentre sur les modifications à apporter au traitement judiciaire des violences intrafamiliales dont sont victimes les enfants, notamment l'inceste. Il importait de légiférer rapidement, mais ce texte devra être suivi d'un plan global de lutte contre les violences sexuelles sur mineurs. Je sais pouvoir compter sur vous tous pour travailler sur la question de l'enfance en danger.

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