En me rendant ce matin en commission, je savais que nous examinerions en premier lieu une proposition de loi abjecte, mais je ne m'attendais pas à entendre certains collègues justifier par l'empathie leur volonté de traîner des jeunes à l'institut médico-légal pour pratiquer un scanner de leur clavicule.
Ce texte est dangereux ; il nie les difficiles conditions de vie, passées et présentes, des enfants que sont les jeunes mineurs isolés. Ils ont quitté seuls leur pays d'origine et affronté un parcours migratoire ardu ; souvent exposés à la maladie, ils ont été traumatisés à toutes les étapes, parfois exploités par des réseaux de traite d'êtres humains. De tout cela, votre texte ne dit rien.
À leur arrivée, plus de la moitié nécessitent une prise en charge sanitaire urgente ; tous ont besoin de protection. Les opérateurs de l'État leur opposent le plus souvent la suspicion. Leur identité est mise en doute par la police, qui se croit compétente pour évaluer leur âge ; certains sont illégalement refoulés, enfermés dans des centres de rétention administrative ou en zone d'attente. De tout cela, votre texte ne dit rien non plus. Vous choisissez d'ignorer les besoins fondamentaux d'enfants, et même de renforcer le soupçon en évoquant des estimations sorties du chapeau, qui visent à entretenir la panique morale en nourrissant la représentation des personnes migrantes en fauteurs de trouble à l'ordre public, en délinquants en devenir –dans la continuité des propos, condamnables et condamnés, d'Éric Zemmour.
Lorsque le département a rendu un avis négatif s'agissant d'une demande de prise en charge, il est possible de déposer un recours judiciaire. Dans la réalité, entre 50 et 80 % des recours déposés contre un déni de minorité trouvent grâce auprès des juges des enfants, qui d'ailleurs pratiquent déjà des tests osseux, dans des conditions assez éloignées de celles que prévoit la loi. En effet, cet examen doit intervenir en dernier recours, or les juges de nombreuses juridictions le demandent d'emblée. Le parcours de ces enfants est si long qu'ils en viennent à demander ce test eux-mêmes, parce que sûrs de leur minorité, ils veulent en finir pour être enfin pris en charge – c'est terrible. Toutes les embûches que vous disposez, nous le savons, visent à leur faire atteindre la majorité, pour que l'aide sociale à l'enfance ne les prenne pas en charge.
Vous dénoncez la délinquance de ces jeunes, mais elle est le résultat de leur abandon ; vous faites tant durer la clandestinité et la vulnérabilité que les réseaux de délinquance vont puiser ces jeunes en mal d'accompagnement et de protection. Le dispositif d'obligation des tests osseux révèle votre idéologie, que vous justifiez et légitimez à l'aide d'un argument faussement scientifique, puisque cet examen radiologique n'est ni fiable, ni éthique, ni souhaitable ; il est intrusif, violent et instrumentalisé à des fins judiciaires : pour un tiers des tests pratiqués, l'écart moyen entre les interprétations atteint dix-huit mois.
Le groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES s'opposera donc à votre texte et, surtout, à votre idéologie.