Intervention de Sabrina Sebaihi

Réunion du mercredi 4 octobre 2023 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabrina Sebaihi :

La bête immonde se réveille quand l'homme s'endort. La présente proposition de loi l'illustre parfaitement. Contraire à nos valeurs fondamentales d'humanité et de solidarité, elle remet en cause notre devoir moral envers les enfants les plus vulnérables.

Les mineurs étrangers non accompagnés ne sont pas responsables des conflits, des persécutions ou des crises économiques qui les ont poussés à quitter leur pays d'origine. Ils sont les victimes innocentes de circonstances tragiques ; comme nation humaniste, nous avons le devoir de leur offrir protection et assistance. L'application de ce texte entraverait la prise en charge des enfants, avec des conséquences humanitaires désastreuses : où iront ces jeunes privés de ressources et de protection, ou, pire, renvoyés dans le pays qu'ils ont souvent fui pour survivre ? Vous ne cherchez pas à protéger des enfants ni nos concitoyens ; vous cherchez à renvoyer des enfants à la violence, à l'exploitation, à la traite d'êtres humains – à des conditions de vie inhumaines. La patrie des droits de l'homme, de la protection des plus vulnérables et du droit d'asile doit fermement s'opposer à votre proposition de loi mortifère, qui renvoie dos à dos les clairs de peau et les foncés. En effet, madame Masson, nous ne sommes pas dupes de votre grossière manœuvre : en défendant ce texte, vous alimentez des fantasmes désuets, vides de sens et morbides, pour choyer la frange la plus extrémiste de votre électorat : Jean-Marie Le Pen, qui parlait de « bicots » et de « sidaïques » ; votre collègue Grégoire de Fournas, qui a dit dans notre hémicycle : « Qu'il retourne en Afrique ! » ; Anne-Sophie Leclère, candidate aux élections municipales sous votre bannière, qui aurait préféré voir Christiane Taubira « dans un arbre » ; Jean-Francis Étienne, candidats aux départementales, qui affirmait qu'il suffirait peut-être de « couler un ou deux bateaux poubelles » – c'est ainsi qu'il désignait les bateaux de migrants – avec « quelques mines bien placées ».

Votre proposition de loi méconnaît nos obligations internationales, issues notamment de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE), qui précise que dans toutes les décisions qui le concernent, « l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ». Votre dispositif d'obligation de test irradiant et invasif est contraire aux conventions internationales les plus largement ratifiées au monde.

Nous croyons à une société qui protège les plus vulnérables, qui respecte la dignité de chaque individu, qui garantit l'égalité des droits de toutes et tous, qu'importent la nationalité, la provenance, la couleur de peau, la religion. Il est inhumain d'imposer des tests osseux à des mineurs qui ont déjà souvent connu un parcours traumatique. Plutôt que leur offrir soutien et protection, vous les soumettez à la suspicion et à la matraque. Rassurez-vous, madame Masson, quinze mineurs qui traversent la frontière franco-italienne n'arrêteront pas la fête du citron de Menton ; pas plus que quinze mineurs traversant le col de Tende l'hiver n'arrêteront la fête médiévale de Breil-sur-Roya. Comme je vous sais attachée aux traditions et aux institutions, je vous propose de demander que Cédric Herrou figure à la prochaine promotion de la Légion d'honneur, pour humanité et service rendu à la nation.

Jean Cocteau, amoureux de Menton, disait que l'enfance est un rêve dont on se réveille trop tôt. En défendant cette proposition de loi, vous proposez de transformer ce rêve en cauchemar.

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