Certaines de vos questions ne me semblent pas relever de l'objet de votre commission d'enquête. Mais je veux bien y répondre, par principe.
Je regrette qu'une nouvelle fois, vous ne condamniez pas les violences. Vous les justifiez même. C'est dommage car il me semble que les mouvements pacifistes condamnent la violence. À la différence de vous, je ne vois pas de rapport entre le combat pour le climat et le fait de jeter un coquetel Molotov sur un gendarme, ou entre la défense de l'écologie et de la nature et des jets de boules de pétanque à la tête d'un policier. Je ne suis pas sûr que les gens qui agissent ainsi se disent qu'ils arrêteraient de jeter des haches sur un sous-officier de la gendarmerie à terre si un texte de loi reprenait les propositions d'une convention citoyenne. Tout le monde, monsieur le député, gagnerait à dire que la violence n'est jamais une bonne chose. La politique consiste d'ailleurs à tenir dans un débat pacifié et non-violent des discussions qui étaient auparavant violentes. Je ne souscris donc pas à vos attendus.
Quant aux quads, ils servent, comme les deux-roues de la brigade de répression de l'action violente motorisée, à assurer la mobilité des forces de l'ordre. Je vous rappelle à cet égard que j'ai saisi l'inspection générale de la gendarmerie nationale, dont le rapport est à votre disposition. La vidéo a montré le tir effectué depuis le quad. C'est la raison de cette saisine concernant deux gendarmes. Mais les images ne montrent malheureusement pas ce qui se passait autour de la scène.
C'est dommage, comme dans le cas de la vidéo montrant une voiture de police et un policier sortant son arme durant une manifestation, abondamment relayée par des membres ou des sympathisants de votre parti politique avant qu'on se rende compte de ce qui se passait dans les trente secondes qui précédaient, lesquelles ont suscité moins de commentaires. De fait, on ne vous a pas entendu condamner les personnes qui avaient frappé à coups de barre de fer. Je rappelle d'ailleurs que, dans ce dernier cas, les policiers concernés ne couvraient pas la manifestation, mais venaient d'arrêter un trafiquant de drogue dans le contexte de la Coupe du monde de rugby et en un lieu où il n'était pas prévu que passe le cortège. Il s'agit donc là d'une forme intéressante de manipulation médiatique de la part de ceux qui n'aiment pas la police et les policiers, tout en leur reprochant, comme vous venez de le faire, monsieur Bernalicis, de ne pas effectuer assez de contrôles. Peut-être faut-il donc, comme vous le demandez, qu'il y ait davantage de contrôles ? Je retiens votre proposition. Toujours est-il que nous avons saisi ce jour-là six tonnes de pierres. Pour en revenir à la vidéo tronquée de Paris, heureusement que les trente secondes précédentes ont été diffusées : les personnes concernées n'étaient pas dans la manifestation et s'en prenaient à des policiers qui n'encadraient pas cette dernière, mais venaient d'interpeller un trafiquant de drogue. Monsieur le député, quand on dit la vérité, il ne faut pas la dire à moitié.
En troisième lieu, vous m'avez interrogé sur la responsabilité des forces de l'ordre et leur lien avec l'autorité judiciaire. Je souscris pleinement, je le répète, aux propos du directeur général de la police nationale et du préfet de police. Il ne s'agit pas que policiers et gendarmes bénéficient, à la demande de leur hiérarchie à laquelle j'appartiens, d'une justice d'exception. J'ai d'ailleurs proposé moi-même l'aggravation des sanctions contre les policiers et les gendarmes qui commettent des fautes à l'encontre des règles qui s'appliquent à tous les Français. Portant l'uniforme de la République, dépositaires de la violence légitime, portant des armes et exerçant la contrainte du droit, ils sont investis d'un devoir d'exemplarité. De fait, et je crois que vous avez même voté ces dispositions, lorsqu'un policier ou un gendarme, en dehors de ses fonctions, est condamné pour violences conjugales ou confondu comme consommateur de drogues, il n'est plus traduit devant le conseil de discipline comme c'était le cas auparavant, mais purement et simplement banni du port de l'uniforme de la République. Les policiers et les gendarmes doivent être condamnés plus sévèrement que les simples citoyens lorsqu'ils utilisent à mauvais escient les moyens que leur a donnés le Parlement.
Il faut toutefois distinguer la faute consciente de celle qui relève du quotidien et n'a pas été commise intentionnellement. À Marseille, dans le cas du policier du Raid qu'évoquait le directeur général de la police nationale, et dans le respect du secret de l'instruction, on peut penser qu'en utilisant des armes intermédiaires plutôt que des armes à feu, les policiers acceptent l'idée de la proportionnalité de l'emploi de la force. Comme je le disais avant votre arrivée, monsieur le député, la question n'est pas celle de l'utilisation de la violence, mais de la proportionnalité de cette utilisation. C'est très différent. C'est à l'inspection générale de la police ou de la gendarmerie nationale, dans le cadre judiciaire ou administratif, de déterminer si l'usage de la violence est proportionné. Puis la question peut être confiée à un juge d'instruction.
Il s'agit de savoir si un policier ou un gendarme a droit à la présomption d'innocence. Je pense que la réponse est oui. J'ai même l'impression que le policier ou gendarme mis en cause ne peut pas être traité comme un délinquant. Il a en effet, avec les responsabilités supplémentaires qui lui sont confiées, une voix assermentée, comme on disait naguère, et l'on doit le croire davantage que le délinquant. De même, je crois la parole du professeur plutôt que celle de l'élève : lorsqu'il dit à un parent que son fils a commis telle action, peut-être ment-il mais, si on respecte l'autorité, peut-être faut-il d'abord donner crédit à sa parole. Cela ne signifie pas que cette parole doive être acceptée quoi qu'il arrive. Mais je suis, a priori, plutôt du côté du policier, du juge, du professeur et du maire.
Quant à la détention provisoire, des policiers et gendarmes s'y trouvent actuellement. Ils sont une vingtaine pour la police nationale et ils le méritent pleinement s'ils sont confondus par l'évidence des preuves, car ils ont déshonoré l'uniforme de la République. Il est normal, par exemple, pour l'honneur de la police nationale, que les policiers adjoints qui ont participé à un trafic de cocaïne en Guyane soient en détention provisoire dans l'attente de leur jugement. Les faits sont incontestables. Je n'ai jamais demandé le contraire. En revanche, un policier ou un gendarme qui, dans le cadre de ses fonctions, a peut-être – j'insiste sur ce mot – employé la force d'une manière non conforme à la déontologie et aux règles, s'il doit évidemment être jugé et, au bout du compte, sanctionné, a-t-il vraiment sa place en prison au même titre qu'un délinquant qui n'a aucune garantie de représentation que requiert le code de procédure pénale, veut faire pression sur les témoins, dispose d'une bande organisée qui peut le lui permettre et peut partir se cacher à l'étranger, ce qui n'est pas le cas pour l'immense majorité des policiers et gendarmes ? Il ne s'agit aucunement que ces derniers ne répondent pas de leurs actes et ne soient pas condamnés. Ils doivent évidemment l'être, et plus lourdement que les autres citoyens, lorsqu'ils ont commis des fautes. Mais il faut d'abord, a priori, écouter plutôt leur parole que celle des délinquants. Établir une égalité entre eux me choque. Je suis de leur côté.
Monsieur le député, il est dommage que vous ne vouliez pas parler des manifestations. Il y aurait beaucoup à dire à propos des black blocs. Il est également dommage que vous ne restiez pas un jour durant parmi les policiers et les gendarmes, comme le sénateur de Saône-et-Loire qui avait beaucoup dénoncé les actions de la brigade de répression de l'action violente motorisée, et qui a passé une journée avec elle. Vous verrez qu'il s'agit de pères et mères de famille qui ont envie que les choses se passent bien. Vous pourrez mesurer la violence qu'ils subissent. Sans être nécessairement d'accord avec moi, peut-être, comme ce sénateur, changerez-vous d'opinion.