Je vous remercie de votre volonté de venir devant la commission d'enquête, qui rejoint la nôtre de vous associer à nos travaux. Je souhaite saluer particulièrement l'eurodéputé Benoît Biteau parce que nous avons siégé sur les mêmes bancs de l'hémicycle régional de Nouvelle-Aquitaine. À l'époque, nous faisions partie de la même majorité régionale. Les choses ont évolué depuis...
Je salue la dénonciation constante de la violence par votre formation politique. L'intitulé de la commission d'enquête a évolué à ma demande. Le mot « organisation » a disparu car j'estimais qu'il recelait des ambiguïtés. Les organisations syndicales et politiques n'étant pas visées, j'ai proposé par amendement que ce terme soit supprimé. Quant au champ des violences, c'est un vrai sujet. Qu'appelle-t-on la non-violence ? Où s'arrête-t-elle ? La désobéissance civile est-elle une violence ? Est-elle tolérable ? Est-elle acceptée ? Jusqu'où peut-elle aller ?
J'en viens à des questions précises. Premièrement, la commission d'enquête explore en profondeur un certain nombre d'événements qui se sont produits du 16 mars au 3 mai. Lorsque nous nous sommes déplacés hier à Sainte-Soline, nous avons fait un premier constat d'ordre physique, géographique. Nous pouvons établir, de façon objective, qu'il n'y avait pas d'affrontement possible avec les forces de l'ordre s'il n'était pas souhaité par les 800 à 2 000 individus violents présents ce jour-là, selon les estimations. Je ne fais pas l'amalgame entre ces personnes et les manifestants. À Sainte-Soline, il n'y a pas d'affrontement possible sans préméditation ni organisation. En effet, les forces de l'ordre sont disposées autour d'une infrastructure, et nulle part ailleurs. Elles sont statiques, à l'inverse de ce qui se pratique lors des manifestations urbaines. Par conséquent, dans un champ de visibilité très fort, dans un champ tout court d'ailleurs, il n'y a aucune autre façon d'affronter les forces de l'ordre que de le vouloir et de parcourir plusieurs centaines de mètres dans l'intention d'aller au contact. Du reste, les images et les vidéos, indépendantes ou officielles, de même que la cartographie présentée hier par les forces de l'ordre, mais surtout nos propres constats nous laissent penser ce que je viens de formuler. Partagez-vous cette interprétation ? Cela correspond-il à ce que vous avez vu sur place ?
Deuxièmement, nous avons rencontré hier des élus locaux, notamment les maires de Vanzay et de Sainte-Soline. Je tiens à les remercier de la sincérité de leurs propos et du temps qu'ils ont consacré à nous apporter des éléments d'information. Le vendredi matin, à sept heures et demie, le maire de Vanzay a constaté l'installation dans sa commune de plusieurs individus, dans une ambiance bon enfant nous a-t-il dit. Au fil de la journée, le profil des arrivants change du tout au tout. Des personnes cagoulées se sont agrégées aux premiers arrivants. Certaines d'entre elles courent dans le village, manifestement vers une destination précise. D'après la préfète des Deux-Sèvres, il s'agissait notamment de bloquer la ligne à grande vitesse reliant Paris à Bordeaux via Poitiers. Ainsi, dès le vendredi après-midi, des signes avant-coureurs sont perceptibles. Quant à la géographie des lieux, elle rend difficile à croire qu'il soit possible d'ignorer la stratégie statique des forces de l'ordre, qui ne sont pas dispersées dans le champ, par exemple pour mettre en œuvre une nasse.
Troisièmement, s'agissant de la possibilité de prévoir les risques, les élus locaux, qui sont maires de communes modestes, l'avaient dès le vendredi après-midi. Ils ont vu dans leurs communes des individus qui ne sont pas les 200 militants écologistes que vous évoquez, mais dont le profit indique qu'ils sont là pour autre chose. Eux voient un risque. Vous qui êtes à la tête d'un parti important, inscrit dans notre histoire politique, comment avez-vous considéré, en dépit de ces risques connus de vous, que vous pouviez y aller avec vos militants ? C'est une interrogation, pas une mise en cause.
Nous avons aussi appris des autorités, notamment de la préfète des Deux-Sèvres et du général commandant la région de gendarmerie de Nouvelle-Aquitaine, qu'une stratégie de communication d'alerte sur les risques éventuels a été mise en œuvre en amont. Quelles que soient les réserves que l'on peut nourrir sur cette façon de communiquer, il n'en reste pas moins que les risques encourus étaient réels et avérés, en raison notamment de la présence d'individus qui ne sont pas les militants écologistes que vous avez encadrés. Malgré tout cela, votre démarche consiste à vous rendre à la manifestation.
Le secrétaire général de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), que nous avons auditionné juste avant vous, nous a dit : « Si une manifestation est spontanée ou interdite, mon organisation ne s'y rend pas, parce qu'elle considère que le risque de violences est trop élevé pour qu'elle puisse y être associée, même indirectement ».