Lorsque cette réunion s'est déroulée, cela faisait des mois, pour ne pas dire des années, que l'on entendait dans l'air ambiant parler de communautarisme, de traîtres à la patrie, de gens qui ne se sentent pas vraiment français… Il s'agissait de chercher des boucs émissaires, comme on le voit dans l'ensemble de la société. Des intellectuels participaient à ce mouvement, comme Alain Finkielkraut, qui évoquait une équipe de France « black black black ». Erick Mombaerts, lui, affirmait en 2010 : « L'équipe de France est beur black blanc, et j'insiste sur l'ordre. Il va falloir y remédier. »
Il existait donc des signaux faibles. Ce qui m'intéresse, c'est comment ce genre d'atmosphère peut, sans qu'on s'en rende compte, jusqu'à ce que le journalisme le documente, orienter une politique publique – comment des gens aussi cortiqués, à des places aussi puissantes, peuvent transformer des propos de café du commerce en éléments concrets de politique publique. C'est un enseignement très actuel. C'est parce que des gens en interne ont compris ce qui se passait qu'ils ont essayé de mettre fin au projet, en recourant à des journalistes.
Nous avons été sidérés à l'écoute des propos tenus lors de cette réunion, qui nous replongeaient dans des théories racialistes dignes de Gobineau. Ces thèses sont absurdes, mais elles ont été le moteur d'un projet de politique publique. C'est sur cette base que l'homme le plus puissant dans ce domaine, le sélectionneur de l'équipe de France, a pu dire : « Les Espagnols, ils m'ont dit : "Nous, on n'a pas de problème. Nous, des Blacks, on n'en a pas". »