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Intervention de Michaël Hajdenberg

Réunion du mercredi 13 septembre 2023 à 9h00
Commission d'enquête relative à l'identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif ayant délégation de service public

Michaël Hajdenberg, journaliste à Mediapart :

Il est vrai qu'il y a un paradoxe, mais on n'a même pas besoin de prendre des exemples en dehors du football. L'équipe de France a cherché à séduire David Trezeguet, qui était franco-argentin et qui se destinait plutôt à jouer en Argentine ; elle a aussi tenté, en vain, de séduire Gonzalo Higuaín, qui était argentin et n'avait aucun lien avec la France, si ce n'est qu'il était né à Brest parce que son père y avait joué. On n'a jamais eu de scrupules à aller chercher ailleurs ceux qui pouvaient faire la gloire de la France. On ne compte pas les athlètes russes à qui l'on a accordé la nationalité française pour avoir une médaille de plus aux Jeux olympiques.

C'est donc qu'autre chose se joue derrière, que l'enjeu n'est pas là. Il y a certainement des préjugés qui concernent les qualités footballistiques, qui reprennent de vieux schémas morphologiques que l'on pensait dépassés depuis les années 1930, ou des éléments d'ambiance comme l'image de la racaille : on estime que certains types de populations vont mettre une mauvaise ambiance dans le vestiaire, ou trop protester. Pour moi, ce sont ces préjugés, conscients ou inconscients, qui font que l'on en vient à envisager ce type de politique discriminatoire.

Que peut une fédération ? En France, c'est la Ligue de football professionnel qui organise le championnat, mais on pourrait imaginer que la FFF, voire le ministère, ait un droit de regard sur ce qui s'y passe. Vous me demandez si j'ai d'autres exemples : pas besoin d'aller jusqu'au niveau de l'équipe de France pour en trouver. En 2012, nous avions documenté la situation du Paris Football Club (Paris FC), qui évoluait en troisième division. Le président de l'époque, Pierre Ferracci, est toujours en fonction. Il est très connu, président du groupe Alpha, proche de la CGT – plutôt l'image d'un homme de gauche. Or nous avions eu des échos sur une politique de quotas dans son club. Nous sommes allés le voir et il nous a dit la chose suivante : « Bien sûr, il y a des caractéristiques positives ou négatives, qu'on retrouve chez les uns ou chez les autres. Tout le monde vous dira que les Blacks, certains Blacks, sont doués techniquement, très forts physiquement, parfois un peu décontractés, un peu indolents, et que ça peut être préjudiciable en termes de concentration. »

À l'époque, le Paris FC avait une double présidence. Nous sommes donc allés voir l'autre président, Guy Cotret, pensant qu'il aurait une réaction très critique parce qu'il se battait pour prendre la tête. Guy Cotret était membre du directoire de la Caisse nationale des caisses d'épargne, président du Crédit foncier de France. Il est ensuite devenu président de l'AJ Auxerre, puis patron des présidents de clubs français – tout cela pour dire que son avancée n'a pas vraiment été contrariée par la suite. Il avait pourtant répondu : « Quand on a une composition d'équipe avec seulement des joueurs africains, en termes de mobilisation, d'esprit de révolte, ce n'est pas toujours facile à animer. Ils ont un caractère qui engendre un certain laxisme. À chaque fois qu'on a été mené au score, on n'est jamais revenu, on ne l'a jamais emporté. C'est la race, pas la race, je n'en sais rien. »

Ce type de propos, tenus par des dirigeants de club et relayés par des médias, ne suscitent aucune réaction, ni dans le monde du football, ni au ministère, ni à la fédération. Le journaliste Daniel Riolo, dans Racaille Football Club, indiquait qu'un certain nombre de clubs limitaient le nombre de musulmans dans leurs effectifs. Le président du syndicat des clubs professionnels, qu'il citait dans ce livre, revendiquait cette existence de quotas. Il disait : « Si vous avez 60 %, voire 80 %, de joueurs d'origine africaine dans un club […] la vie sociale du club n'est plus la même ». « Il y a par exemple des joueurs qui viennent de tribus dominantes et, du coup, ce sont toujours eux qui décident et pas les autres. » Et il ajoutait : « Et qu'on ne me dise pas que je suis raciste, ma belle-fille est camerounaise. » Cela n'avait suscité aucune réaction, pas même une demande de démission de ce patron des clubs français.

Autre exemple, Willy Sagnol, ancien joueur de l'équipe de France, a tenu des propos assez proches de ceux de Laurent Blanc, et il y en a bien d'autres.

Il n'y a donc pas eu de prise de conscience à l'époque, malgré notre travail – peut-être nous y sommes-nous mal pris. Il n'y a eu aucune conséquence alors que ces pratiques existaient dans certains clubs, comme cela a été prouvé plus tard au PSG. On peut soupçonner qu'elles perdurent, puisqu'elles sont assumées par un certain nombre d'acteurs du football. Je ne sais pas ce qu'il en est dans d'autres sports.

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