J'ai peur de vous décevoir : la vérité, c'est que nous ne sommes pas des experts du sport français. Le sport n'est pas notre domaine d'enquête. Nous nous y penchons quand nous sommes informés d'histoires qui nous paraissent d'intérêt général et qui soulèvent des questions de société, mais il n'est pas facile de monter en généralité.
Il nous a semblé que l'histoire dite des quotas permettait de mettre en lumière des dysfonctionnements, c'est pour cela que nous l'avons choisie, mais je serais bien incapable de vous dire si c'est propre au monde du football. On peut supposer que ce type de situation se retrouve dans d'autres fédérations, comme dans des entreprises. Ce qui importe, c'est la manière dont ces affaires sont traitées, sur le moment, par les responsables. Le décalage est particulièrement violent dans le sport parce que c'est un milieu qui, a priori, semble très ouvert, un milieu où l'on est censé pouvoir s'épanouir. L'idée qui vient spontanément, c'est que si les jeunes des cités peuvent réussir quelque part, c'est dans le foot ou le hip-hop. Quand on montre que, même dans le foot, il y a des obstacles, cela surprend.
En revanche, à force d'accumuler les histoires sur les fédérations, on a effectivement l'impression d'un dysfonctionnement dans la tutelle. Car quels contrôles sont opérés ? Quels comptes doivent être rendus ? Je ne suis pas en mesure de faire des comparaisons avec l'étranger mais j'ai vu, comme vous tous, ce qui s'est passé en Espagne : le président de la fédération fait n'importe quoi, tout le monde veut qu'il démissionne, et il s'accroche à son poste. Cela rappelle évidemment ce qui s'est passé en France avec Noël Le Graët – qui n'était pas encore président de la FFF au moment de l'affaire des quotas, mais m'avait déclaré au téléphone « s'en battre les couilles ». Par la suite, il a été plus réactif sur ces questions mais, en dépit des nombreux témoignages qui l'accusaient de violences sexistes et sexuelles, il s'est accroché à son poste.
À l'époque de l'affaire des quotas, la ministre Chantal Jouanno, malgré toute sa volonté du départ, s'est heurtée non seulement à une pression politique, mais aussi à une forme d'autonomie de la fédération : c'est un bastion, suffisamment puissant pour faire face à une ministre qui vient se mêler de ce qui ne la regarde pas.