Je salue cette initiative parlementaire du groupe MODEM et de la majorité, qui ont décidé de prendre en charge la lutte contre les fraudes au compte personnel de formation et le démarchage abusif de ses titulaires. Sous le quinquennat précédent, les parlementaires, dont j'étais, avaient déjà manifesté le souhait de se saisir de la question ; je rappelle ici rappeler l'initiative de la députée Catherine Fabre, qui avait déposé une proposition de loi sur le même sujet au mois de février dernier. Le texte a, depuis, été remarquablement enrichi, notamment par M. le rapporteur et par les travaux de la commission des affaires sociales.
Le Gouvernement s'est lui-même fortement engagé sur le sujet dès 2021, à travers des mesures de régulation de la qualité de l'offre accessible sur « Mon compte formation ». Je tiens également à saluer la mobilisation des pouvoirs publics pour empêcher que des individus ne détournent ce droit fondamental des Français. Je pense notamment à la sévérité du jugement du tribunal de Saint-Omer qui, comme vient de le rappeler M. le rapporteur, a condamné un organisme de formation et sa dirigeante à de très lourdes sanctions – 3 millions d'euros d'amende pour la société et trois ans d'emprisonnement avec sursis pour son dirigeant. Je suis donc très heureuse, en tant que ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels, de soutenir cette proposition de loi dont je suis certaine qu'elle recueillera un très large consensus sur les bancs de l'Assemblée. Parce que, tous ensemble, nous avons à cœur de faire cesser les phénomènes de démarchage abusif et de fraude, insupportables pour nombre de nos concitoyens, alors que le dispositif répond aux défis professionnels des Français, il est de notre devoir de dépolluer les pratiques illégales qui créent indûment de la dépense, ternissent l'image du compte personnel de formation et dépossèdent le titulaire de son libre arbitre.
Le succès du CPF est incontestable et nécessite de notre part une vigilance sur les abus et fraudes développés ces dernières années. Depuis l'ouverture de l'application « Mon compte formation », en novembre 2019, nous comptabilisons plus de 5 millions d'entrées en formation. L'une des grandes conquêtes de la loi du 5 septembre 2018 est d'avoir fait en sorte que les femmes, les ouvriers et les employés accèdent très largement à la formation professionnelle grâce au CPF : cet outil a véritablement démocratisé l'accès à la formation. Chacun peut aujourd'hui prendre en main sa montée en compétences et agir pour son évolution professionnelle – car le CPF finance aussi, je le rappelle, le permis de conduire, essentiel pour être mobile et accéder à l'emploi dans certaines zones, des bilans de compétences, indispensables à tout projet d'évolution, ou encore des actions de formation à la création d'entreprise pour celles et ceux qui en ont le projet. Le CPF est au rendez-vous de tous les carrefours de la vie professionnelle des Françaises et des Français. Il est l'outil dont doivent s'emparer nos concitoyens pour préparer leur parcours professionnel.
Afin d'accompagner la croissance du recours au CPF, des actions ont été menées dès 2021 pour améliorer la qualité de l'offre. Le Gouvernement a pris des mesures de régulation du secteur pour faire monter en qualité l'offre accessible sur « Mon compte formation », incluant l'entrée en vigueur du label Qualiopi depuis le 1er janvier, afin de renforcer l'exigence de qualité pour les organismes de formation, lesquels sont près de 17 000 sur la plateforme. Un travail exigeant a été engagé sur le renouvellement du répertoire spécifique ; il a conduit à éliminer deux tiers des certifications dont l'intérêt n'était plus avéré pour l'évolution professionnelle des actifs. Il existe également des dispositifs de signalement à la disposition des titulaires de compte, notamment sur le site moncompteformation.gouv.fr. Toutefois, nos concitoyens ne les connaissent pas suffisamment et ne les mobilisent pas assez pour signaler les fraudes et les escroqueries.
Pour aller plus loin dans la lutte contre tous les abus, nous avons besoin de passer par la loi. Tel est l'objet de la proposition de loi, que le Gouvernement soutiendra. Elle permettra d'interdire le démarchage abusif et de sanctionner ceux qui le pratiquent, y compris sur les réseaux sociaux en ligne. Nous ne pourrons que nous satisfaire de ne plus voir de tels abus : des influenceurs promettre n'importe quoi, tablettes et smartphones, et véhiculer des messages inacceptables en incitant au recours au CPF pour mieux l'instrumentaliser et le détourner de sa fonction initiale. Les amendes seront très dissuasives : jusqu'à 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale. Avec un tel niveau de sanctions, je ne doute pas que le signal sera bien entendu par la plupart des fraudeurs.
La proposition de loi donnera aux services les moyens de partager les informations dont ils disposent pour mieux conduire la lutte contre la fraude. J'insiste sur cette coordination entre les services de l'État et les opérateurs car elle est absolument incontournable pour resserrer les mailles du filet, vérifier les identités des suspects et les habilitations à former et traquer les fausses domiciliations. Nous devons impérativement croiser les fichiers et les informations pour lutter efficacement contre les fraudeurs, les traquer et les arrêter. Je salue donc les amendements déposés par le groupe LIOT, lesquels permettront notamment à la Caisse des dépôts d'accéder au fichier des comptes bancaires des organismes de formation et de vérifier leur identité. En donnant plus de moyens aux services de l'État, à la Caisse des dépôts ou encore à Tracfin pour identifier les fraudeurs, ces délits ne resteront pas impunis. C'est tout le sens de ce texte.
Pour anticiper davantage et prévenir la fraude, la proposition de loi prévoit, enfin, grâce à un amendement proposé par la majorité en commission, une procédure de vérification des organismes de formation qui demandent à être enregistrés sur la plateforme. La Caisse des dépôts procédera à des contrôles renforcés, bien au-delà de la déclaration d'activité ou même de la certification Qualiopi : par exemple, il sera vérifié que l'organisme est bien à jour de ses obligations fiscales et sociales ou encore que le casier judiciaire du représentant légal est vierge.
Le Gouvernement, pour sa part, proposera de compléter et renforcer l'arsenal juridique pour le rendre le plus complet possible. Nous proposerons deux amendements.
Le premier est un volet préventif qui consiste à anticiper les fraudes en encadrant la sous-traitance. Soyons clairs : il ne s'agit pas d'interdire la sous-traitance ni d'entraver la liberté de commerce. Mais nous constatons aujourd'hui que certains organismes de formation référencés sur la plateforme proposent seulement ce que l'on appelle un portage Qualiopi. Je le dis clairement, ces organismes de formation agissent comme des sociétés-écrans ; ils savent que la Caisse des dépôts ne peut ni identifier ni contrôler les sous-traitants, et cet angle mort pourrait constituer un véritable nid à fraudes. Cette pratique n'est plus admissible et doit être régulée. Concrètement, nous proposons que les sous-traitants répondent aux mêmes exigences que l'organisme de formation donneur d'ordre : déclaration d'activité, certification Qualiopi, obligations fiscales et sociales, casier judiciaire vierge… Nous devons protéger les Français en vérifiant à qui ils ont affaire. C'est une mesure de bon sens, et la Caisse des dépôts sera chargée de cette mission.
Le second amendement comporte des mesures de lutte active en aval, après constatation de la fraude. Il renforce les pouvoirs de la Caisse des dépôts en lui donnant la possibilité de recouvrer plus rapidement les sommes indûment perçues. Il faut savoir qu'aujourd'hui, si elle veut obtenir un recouvrement forcé, la Caisse des dépôts doit d'abord saisir la juridiction administrative, mais le délai moyen de jugement devant le tribunal administratif est compris entre sept mois et deux ans et demi selon le dossier ; autant dire que c'est souvent peine perdue. Nous proposons donc de permettre à la Caisse des dépôts, comme c'est le cas pour Pôle emploi par exemple, de disposer du pouvoir d'intervenir directement et rapidement afin de mieux lutter contre l'évasion des fonds en cas de fraude. C'est aussi, bien évidemment, une mesure d'économie, puisque les nouveaux pouvoirs de la Caisse réduiront mécaniquement le délai des procédures contentieuses ainsi que les frais afférents.
Pour finir, je redis la détermination du Gouvernement à empêcher tout détournement du droit fondamental d'accès à la formation. La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui va nous donner des leviers efficaces pour mieux prévenir les abus et les fraudes au CPF, lutter contre eux et les sanctionner. Certains détournements actuels relèvent de l'escroquerie de la part d'individus malveillants. Ces escrocs extorquent les données ou usurpent les identifiants des titulaires de compte personnel de formation ; nous avons dernièrement fait le constat d'usurpations d'identité sur « Mon compte formation » via le portail FranceConnect. Il faut agir vite pour protéger directement les Français qui se font avoir par ces charlatans. Nous avons donc décidé de renforcer la sécurité des usagers sur la plateforme « Mon compte formation » dès la fin de ce mois : au moment de l'achat d'une formation, le niveau de sécurisation de la transaction sera désormais plus important et un contrôle d'identité renforcé sera demandé à l'utilisateur. C'est ce que l'on appelle le service FranceConnect+, qui va plus loin que FranceConnect. Dès la semaine prochaine, mon cabinet recevra les partenaires sociaux et les représentants des organismes de formation pour évoquer le sujet avec eux.