Dans la version initiale du projet de loi, avant son examen en commission, il était prévu que l'accès aux sites concernés soit directement bloqué par les navigateurs. Mais, au cours de vos échanges avec certains de leurs représentants, notamment ceux de la fondation Mozilla, vous vous êtes aperçu, monsieur le ministre délégué, chers collègues de la majorité, que ce n'était pas une bonne idée. En effet, ils vous ont indiqué que si la France leur demandait de bloquer des sites pour lutter contre les arnaques, d'autres pays leur demanderaient de faire de même pour d'autres motifs, relevant probablement de la censure politique.
Vous avez donc renoncé à cette mesure ; dont acte. Mais faites encore un petit effort ! En effet, dans le texte de la commission, il est prévu de confier à l'administration française la tâche que vous souhaitiez assigner aux navigateurs. Or, l'administration, aussi illustre soit-elle, n'est pas totalement indépendante, à la différence de la justice ; elle dépend d'un pouvoir politique.
Lui confier, sous le couvert de bonnes intentions – la lutte contre les arnaques –, la décision de fermer des sites internet, c'est introduire dans notre droit la possibilité qu'elle le fasse, demain, pour n'importe quel site.
Oui, cher collègue Bothorel, Pharos peut agir en cas de danger imminent, mais lorsqu'il s'agit de pédocriminalité ou de terrorisme. En l'espèce, nous parlons de questions qui relèvent davantage du quotidien. Si l'on adopte une telle procédure pour le filtre anti-arnaque dans le domaine commercial, qu'est-ce qui empêchera de l'étendre à bien d'autres domaines, à tout et à n'importe quoi ?
Il faut donc renoncer à cette mesure et laisser à la justice le soin de décider quel site doit être fermé. Ne confiez pas ce pouvoir à l'administration, qui, de surcroît, ne le souhaite certainement pas, car des dérives seront constatées et elle sortira de son rôle. Encore une fois, c'est à la justice de décider.