D'aucuns auraient pu croire que ce texte ne s'adressait qu'aux seuls habitants de la Sologne, du Loiret et du Loir-et-Cher, dont les territoires sont particulièrement concernés par la question de l'engrillagement : il n'en est rien. En effet, la proposition de loi nous ramène au bon usage de la nature, qui nous concerne tous. N'en déplaise aux esprits chagrins, je salue le travail juste et équilibré mené par le Sénat, en particulier par le sénateur Jean-Noël Cardoux, ainsi que celui de mes collègues en commission. S'il est adopté, le texte viendra mettre fin – et c'est heureux – aux longues tractations qui l'ont précédé, souvent avortées par manque de mesure.
Le texte est le gage d'une liberté retrouvée. Retrouvée, d'abord, pour les grands animaux de nos si belles forêts françaises. Retrouvée, ensuite, pour les chasseurs qui, pour reprendre les mots de Jean-Noël Cardoux, « mieux que quiconque, savent saisir ces instants fugitifs de bonheur que leur procurent l'immersion dans la nature, le retour au sauvage et cette quête pleine d'espoir leur permettant, parfois, de posséder l'objet de leur passion ». Retrouvée, enfin, pour les amoureux d'une nature qu'il nous revient plus que jamais de chérir, de contempler, de connaître, de faire connaître et de protéger pour la transmettre.
L'engrillagement pose des problèmes dont nous avons tous conscience : des problèmes sanitaires, la destruction de la faune et de la flore, une artificialisation dangereuse des milieux naturels et des problèmes de sécurité, les parcelles devenant inaccessibles aux pompiers, en cas d'incendie par exemple. L'été brûlant que nous venons de passer nous l'a d'ailleurs cruellement rappelé. S'ajoutent à cela les problèmes que posent l'agrainage et l'affouragement incontrôlés pratiqués par quelques prétendus chasseurs.
Voilà pour le constat, qui doit nous interpeller.
Faut-il rappeler que pas moins de 3 000 kilomètres de grillage devront être arrachés ? Une mesure loin d'être anecdotique, et pas seulement pour les départements cités plus haut, mais également au-delà, parce qu'elle revêt une dimension éminemment politique et même, j'ose le dire, philosophique, en ce qu'elle concerne ce « vivre ensemble » dont tout le monde se réclame, souvent à tort et à travers.
En effet, l'engrillagement est avant tout l'expression parfois violente d'une perte du « savoir vivre ensemble » pour reprendre les mots du rapporteur du Sénat, Laurent Somon. Il est l'expression d'un individualisme qui gangrène toutes les sphères de la société, jusque dans nos campagnes. Face à certains promeneurs qui considèrent que la nature appartient à tout le monde, déambulant souvent, dégradant parfois, les propriétaires ont cru devoir se protéger – parfois à juste titre : que l'on songe à l'agressivité de certains collectifs antichasse dont les actions sont trop souvent hors-la-loi !
N'en déplaise aux pourfendeurs de la propriété privée, les trois quarts des forêts françaises métropolitaines sont privées, et les droits des promeneurs ne sauraient être supérieurs à ceux de leurs propriétaires. À ce titre, je me réjouis – même si je déplore sa raison d'être – que l'article 2 prévoie une contravention de quatrième classe en cas d'intrusion dans la propriété d'autrui sans autorisation.
À ce propos, puisque le texte tend à autoriser les agents de l'Office français de la biodiversité à effectuer des contrôles des enclos sans se voir opposer la protection du domicile, je regrette que les gardes champêtres, qui constituent une police de l'environnement efficace, n'y soient pas mentionnés. Sans doute aurons-nous encore beaucoup à faire pour renforcer le pouvoir de la police de proximité, à laquelle, vous le savez, je suis très attachée. Que celle-ci œuvre en ville ou à la campagne, nous l'oublions en effet trop souvent.
Ce texte, résolument mesuré et juste, fait la part belle à la nature sans léser personne. Il respecte les chasseurs, les randonneurs et les animaux, même s'il reste encore beaucoup à faire pour la biodiversité.
Pour finir, permettez-moi, en citant Charles Péguy, de rêver que l'on reverra bientôt dans les grands bois, « les bondissements de la biche et du daim […] et les dépassements du bouc et du chevreuil, mêlant et démêlant leur course audacieuse […] afin de saluer la terre spacieuse. » Un peu de littérature dans cet hémicycle plus habitué aux joutes oratoires qu'à la poésie…