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Intervention de Emeline K/Bidi

Séance en hémicycle du mardi 10 octobre 2023 à 15h00
Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027 — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmeline K/Bidi :

Ils sont désespérés de devoir attendre en moyenne 637 jours pour obtenir un jugement civil en première instance et 607 jours de plus en appel. Plus de trois ans – sans compter la cassation –, en raison du manque de personnel de justice.

Monsieur le garde des sceaux, vous connaissez les chiffres de la comparaison avec nos voisins européens : la France est en bas de tableau. Alors, à défaut d'y consacrer des moyens suffisants, vous proposez de gérer la pénurie. Pour recruter vite, vous créez des passerelles. Pour recruter moins, vous créez un nouveau statut des attachés de justice, vous déjudiciarisez certains contentieux. Pour recruter partout, vous fragilisez l'inamovibilité des juges.

Comme maigre compensation, vous annoncez une revalorisation salariale, mais pas pour tous et avec des montants différents. Elle sera en effet vingt fois plus importante pour les magistrats que pour les greffiers. Difficile pour ceux-ci de ne pas y voir une forme de mépris, d'autant plus que vous refusez la création d'une filière de catégorie A juridictionnelle pour tous les greffiers. Vos propositions divisent – sur nos bancs, entre les professions du monde judiciaire, et jusqu'au sein d'un même corps.

Si, dans votre projet de loi, les moyens humains sont insuffisants, certaines mesures sont totalement absentes. Tel est le cas d'un mécanisme de régulation carcérale, qui ressortait pourtant du rapport du comité des états généraux de la justice et qui avait été proposé lors des débats par Caroline Abadie et Elsa Faucillon. Il manque des juges pour juger, des surveillants pénitentiaires pour surveiller, des conseillers d'insertion et de probation pour conseiller, mais il vous manque aussi la volonté et le courage pour réguler.

Votre volonté est en revanche manifeste lorsqu'il s'agit de vous attaquer aux libertés publiques en étendant les perquisitions de nuit, en dématérialisant l'examen médical en garde à vue ou en allongeant les délais en comparution immédiate. Elle l'est aussi lorsqu'il s'agit de déposséder le Parlement de son rôle en décidant de réécrire le code de procédure pénale, mais sans nous.

Pour vous, tout est donc question de choix. Mais quel choix peut faire le personnel de justice ? Quel choix peuvent faire les justiciables ?

Le groupe GDR – NUPES fait le choix d'une justice humaine et de qualité, une justice où personne ne meurt au travail ou n'y laisse sa santé, une justice où les délais de jugement ne se comptent pas en années, une justice digne de notre pays et du peuple français au nom de qui elle est rendue. Nous faisons le choix de ne pas voter vos deux projets de loi, aussi bien le projet de loi organique que le projet de loi ordinaire.

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