Je ne reviens pas sur les propos de Mathieu Lefèvre, que je remercie de son appréciation sur la politique économique du Gouvernement.
S'agissant du crédit d'impôt « investissement industrie verte » (C3IV), nous sommes le premier État européen à instaurer un tel mécanisme, sur le modèle de l' Inflation Reduction Act (IRA) mis en place par le président Biden aux États-Unis. Alors que toutes les chaînes de valeur sont en cours de réorganisation, c'est le moment d'investir dans l'industrie verte. Nous ne ferons venir à nous les usines de batteries électriques, d'anodes et de cathodes, d'hydrogène vert, de pales d'éoliennes ou de panneaux photovoltaïques que si nous offrons des conditions parmi les plus attractives. Nous sommes déjà la nation la plus attractive en Europe pour les investissements étrangers. Grâce au nouveau crédit d'impôt, nous doublons les chances de convaincre des investisseurs d'ouvrir des usines en France. Celui-ci doit financer une soixantaine de projets pour un montant total d'investissement de 23 milliards d'euros ; il représente un coût budgétaire direct de 3,7 milliards d'ici à 2030 : 2,5 milliards pour les batteries électriques – dans le nord de la France, notamment dans la région du Dunkerquois, nous sommes en train de créer un des plus grands pôles européens de batteries électriques – ; 500 millions pour les panneaux photovoltaïques ; 500 millions pour l'éolien et 100 millions pour les pompes à chaleur – soutien appelé à monter en puissance à la suite des annonces du Président de la République. L'objectif est de développer de nouvelles filières liées à l'industrie verte, et je pense que nous avons tous les atouts de notre côté.
Monsieur Tanguy, vous nous reprochez de présenter un budget qui n'est pas à l'équilibre. Ce ne sera certainement pas grâce aux propositions du Rassemblement national que nous y parviendrons puisqu'elles ne font que creuser davantage les déficits : la suppression de la TVA sur les carburants coûterait 10 milliards d'euros ; l'abaissement de l'âge légal de départ à la retraite, 20 milliards ; l'exonération d'impôt pour les jeunes, de l'ordre de 10 milliards. J'en suis déjà à 40 milliards de dépenses. Vous faites donc couler un peu plus vite le bateau et vous ne garantissez certainement pas un retour à l'équilibre.
Quant au mot de radeau que vous employez pour décrire la France, il ne me convient pas, je vous en laisse la paternité. Pour moi, la France est davantage un paquebot solide et puissant qu'un radeau. Nous approchons du plein-emploi, nous avons créé deux millions d'emplois et nous avons ouvert 300 usines. Si le paquebot était si peu attirant, il ne serait pas celui sur lequel tous les investisseurs étrangers veulent s'embarquer en priorité aujourd'hui.
Monsieur Bompard, comme madame Pires Beaune, vous n'avez pas lu attentivement le rapport du FMI. Il indique que l'inflation vient des profits en zone euro, à l'exception de la France. En France, la répartition entre le capital et le travail – c'est l'une de nos grandes caractéristiques – est restée stable au cours des années passées. Et quand il y a eu des profits, nous avons capté la rente, comme vous nous y aviez invités au sujet des énergéticiens. Le FMI établit très clairement que ce qui nourrit l'inflation dans certains pays développés ne le fait pas en France, précisément en raison de notre politique redistributive.
Quant à vos propositions, que ce soit le rétablissement de l'ISF, le renoncement à la baisse des impôts de production ou à la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), la majorité n'y donnera pas suite – je préfère le dire clairement pour éviter les déceptions au moment du débat.
Madame Louwagie, vous regrettez l'absence d'économies structurelles dans les 16 milliards d'euros de baisse des dépenses prévues. Néanmoins entrent en vigueur des baisses structurelles, notamment celle liée à la réforme de l'assurance chômage. En outre, nous sommes prêts à reprendre les recommandations structurelles sur l'efficacité de la dépense publique contenues dans l'excellent rapport que vous avez produit avec Robin Reda.
S'agissant de la publication des avis du Conseil d'État, je suis réservé en raison du risque d'affaiblissement de l'État dans les contentieux fiscaux en cours. Je voudrais donc approfondir ce point.
En ce qui concerne la croissance, je rappellerai que notre prévision est en ligne avec celles de l'OCDE et du FMI – 1,2 % et 1,3 % respectivement. Quant à la prévision de la Banque de France, à laquelle vous vous référez, madame, l'estimation basse de l'institution pour la croissance en 2023 était de moins 0,5 %, soit un écart d'1,5 par rapport à ce que la France a réalisé. Cela m'amène à penser que notre prévision de croissance pour 2024 est réaliste et sincère.
En revanche, vous avez raison d'insister sur le fait que le taux d'épargne est un élément absolument déterminant de la croissance pour 2024. La singularité de la croissance au deuxième trimestre 2023, c'est que, pour la première fois, elle a été tirée par les exportations de biens manufacturiers – l'aéronautique et, pour la première fois depuis très longtemps, et j'en félicite EDF et tous ses agents, l'électricité grâce au retour de nos réacteurs nucléaires. Le moteur qui est aujourd'hui à l'arrêt, c'est la consommation, à cause de l'inflation et des inquiétudes. Le taux d'épargne a explosé ; il n'a jamais été aussi élevé en France, il est passé de 15 à 19 % ; l'encours du livret A a augmenté de 2,5 milliards d'euros pour le seul mois d'août. L'un des enjeux majeurs pour la croissance de 2024 est donc de rassurer nos compatriotes sur notre politique économique – sur la baisse des impôts et la sortie de la spirale inflationniste – pour qu'ils recommencent à consommer. Pourquoi j'insiste avec autant de fermeté sur la stabilité de notre politique économique, sur les impôts et la confiance ? Parce que s'il y a le moindre doute sur la stabilité de notre politique économique, nous ne rallumerons pas le moteur de la consommation. Or c'est bien notre intention.
En réponse à Mme Ferrari et Mme Pires Beaune, je le redis, je partage le constat du président et de plusieurs d'entre vous sur la crise du logement et les décisions urgentes qu'elle impose. Oui, nous sommes prêts à revoir le barème du prêt à taux zéro. Oui, nous sommes prêts à revoir le zonage du PTZ. Nous sommes prêts à prendre des décisions structurelles face à la crise du logement pour apporter des réponses immédiates aux primo-accédants.
Je mets en garde contre la modification de la fiscalité sur le logement meublé, car le risque de faire des centaines de milliers de perdants est très élevé. Il faut vraiment regarder les choses de près avant de s'engager dans cette voie.
Sur le PTZ, nous sommes ouverts car j'ai parfaitement conscience qu'il n'y a pas des dizaines de réponses immédiates à notre disposition. Quant aux EPHAD, madame Pires Beaune, je connais votre combat sur le sujet, je le salue ; nous aurons l'occasion d'en reparler.
Madame Magnier, l'imposition minimale concerne les entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires supérieur à 750 millions d'euros, apprécié sur une période pluriannuelle pour éviter les effets de seuil, mais sans distinction du type d'activité. Par conséquent, les coopératives fiscales devraient y être soumises. Elles bénéficient jusqu'à présent en France d'un régime fiscal très favorable qui s'explique par le souhait parfaitement légitime d'accompagner le mieux possible le monde agricole. Nous avons ouvert les discussions avec les coopératives pour trouver le meilleur chemin pour concilier l'avantage historique dont elles bénéficient et la mise en place de l'imposition minimale. Je vous invite à participer à ces discussions.
Madame Arrighi, Thomas Cazenave vous répondra sur la rénovation des écoles.
Monsieur Sansu, en réponse à votre remarque sur l'énergie chère, nous avons insaturé un bouclier sur le gaz et sur l'électricité qui a représenté des économies de plusieurs centaines d'euros par mois pour nos compatriotes sur leurs factures.
Monsieur de Courson, la vraie difficulté structurelle à laquelle nous sommes confrontés n'est pas le niveau de croissance en France, mais celui de la zone euro. Personne ne peut se satisfaire d'une croissance aussi faible. Au moment où les États-Unis affichent un redémarrage économique extraordinairement dynamique et où l'Asie conserve des taux de croissance élevés, la zone euro vivote : c'est insupportable. Personne ne peut s'y résigner. Quel est le problème de la zone euro ? C'est la faiblesse des gains de productivité depuis plusieurs années. Il faut prendre à bras-le-corps ce sujet – cela suppose une réflexion approfondie sur nos systèmes éducatifs et de formation – continuer à investir, et innover collectivement. Personne ne peut se satisfaire de voir autant d'États de la zone euro en récession et les autres avec une croissance faible.