Nous avons matière à un beau débat budgétaire à l'Assemblée, voire à un débat de société qui, je l'espère, sera argumenté et intéressera les Français. Si, des bancs de cette assemblée, des majorités expriment des propositions qui ne figurent pas dans le budget initial, j'espère que le Gouvernement saura les envisager de manière positive, malgré les lignes rouges que vous avez fixées.
Dans les mesures de baisse des dépenses publiques que vous proposez, la plupart ont pour défaut de s'attaquer encore davantage au pouvoir d'achat des Français, notamment des plus défavorisés. Je pense particulièrement à la question des franchises médicales dans le PLFSS, et à la fin du bouclier énergétique, même si les annonces du chef de l'État sur le chèque carburant nous laissent dubitatifs quant au but poursuivi.
Tout cela touche la question de l'inflation. Je vous ai entendu, monsieur le ministre, expliquer que l'État ne peut être le seul à prendre sa part en matière d'inflation. Je regarderai votre démonstration de plus près, pour analyser ce prorata entre les recettes et ce que l'inflation coûte à l'État.
Il reste qu'aujourd'hui, l'inflation est payée par une grande majorité de nos concitoyens, ceux qui ont des salaires ou des allocations minimales non indexés. Et pour trouver ceux qui profitent de l'inflation, il faut plutôt regarder les marges des entreprises que les salaires. Ceux qui n'ont que leur force de travail pour vivre paient l'inflation. Or ce sont eux qui alimentent la consommation populaire, d'où le lien avec l'activité économique.
Deuxièmement, votre budget ne satisfait pas les besoins les plus cruciaux de la population.
Vous annoncez 7 milliards pour la transition énergétique. On est loin de ce qui serait nécessaire, notamment selon le rapport Pisani-Ferry. Pour arriver à 37 milliards en 2027, il faudrait commencer avec bien plus. Nous ne sommes pas à la hauteur de l'enjeu climatique et de la dette écologique, qui ne cesse de croître.
Je vous ai par ailleurs entendu dire, messieurs les ministres qu'un chantier est à ouvrir en matière de logement. Pour le moment, on est loin du compte sur cette question, qui menace le pays d'implosion sociale. J'ai noté votre ouverture, sur tout ce qui concerne Airbnb et les résidences secondaires. Mais j'ai vu avec inquiétude que, pour résoudre dans l'urgence la question, vous envisagiez qu'on puisse louer des passoires thermiques. Penser que l'environnement et le climat puissent être une variable d'ajustement dans la période actuelle me laisse dubitatif. En tout état de cause, cela ne répond pas à la question urgente du manque de logements dans le pays, du fait que le logement est trop cher et que cela craque partout. Ce budget ne satisfait donc pas les besoins des Français. Or c'est de là qu'il faut partir.
Troisième élément : vous avez quelques contradictions. Dans le projet de loi de programmation des finances publiques, vous annoncez des baisses de dépenses publiques. Mais ce n'est qu'en 2025 qu'on tapera dans le dur du dur, avec 12 milliards – non documentés – qui, si on comprend bien, devraient concerner des dépenses publiques essentielles à nos concitoyens.
Cela laisse dubitatif. Le report à 2025 s'explique peut-être par le constat que vous refusez de faire quant aux estimations de croissance annoncés en 2023. Bruno Le Maire, vous avez raison de dire que les économistes estimaient que la France n'atteindrait pas 1 % de croissance en 2023. Encore faut-il se demander pourquoi nous sommes différents de l'Allemagne qui est entrée en récession. Au fond, le fait que la France ait mieux résisté que les autres pays européens est peut-être dû à ce que vous critiquez en permanence, son taux de dépense publique supérieur à celui d'autres pays. Je crois profondément qu'en cas de reflux économique, cela soutient l'activité économique, comme nous avons pu l'observer après la crise de 2008.
Or il est à craindre que, l'an prochain, cela soit moins vrai. Pierre Moscovici a estimé ce matin que les 1,4 % de croissance ne seraient pas atteint, notamment de ce fait, et que le déficit annoncé serait supérieur. Pour le vérifier, on pourra se donner rendez-vous à la fin de l'année.
Vous dites que l'argent gratuit, c'est fini, mais il faudrait aussi que l'on finisse de distribuer l'argent aux plus riches. Les dépenses fiscales que vous avez accumulées pendant des années, dont certaines ont considérablement alimenté les plus riches de nos citoyens ces dernières années, sont-elles supportables quand les taux d'intérêt remontent ? Je ne le crois pas.
Vous attendez des oppositions qu'elles vous disent quelles autres dépenses réduire. Je vous le dis clairement : il faut aller chercher l'argent là où il a été accumulé, dans la poche de nos concitoyens les plus riches, qui vivent du capital que vous avez largement désindexé, par rapport à l'imposition du travail.
Je vous ai posé la question lors des dialogues de Bercy, en lien avec l'étude réalisée par l'IPP (Institut des politiques publiques) sur la base des données de Bercy. Elle révèle que le taux d'imposition global des 370 foyers les plus riches était d'environ 25 %. Vous m'avez dit que vous pouviez partager ce constat mais que vous le renvoyiez au niveau européen. Pourquoi renvoyer à ce niveau des mesures qui touchent les plus riches de nos concitoyens, et qui pourraient rapporter des milliards à l'État, et non le fait de s'attaquer aux retraites ou aux chômage, entre autres ?
Sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance, pouvez-vous préciser comment se répartit la prévision de recettes de 600 millions pour 2024 entre les différents types d'exploitants – autoroutes et aéroports ? En comparaison des montants des surprofits, une taxe de 4,6 % du chiffre d'affaires ne peut-elle pas être qualifiée de timide ?
L'article 4 permet d'appliquer le pilier 2 de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) visant à instaurer un taux d'imposition minimal des grandes entreprises. Il prévoit pourtant d'appliquer la règle des bénéfices insuffisamment imposés à compter de 2025 seulement. Cela signifie-t-il que certaines entreprises échapperont à cette imposition minimale ?
Dans son rapport sur l'application des mesures fiscales, mon collègue Jean-René Cazeneuve indiquait qu'avec la prolongation partielle, en 2024, du bouclier tarifaire, une réflexion sur la prorogation de la contribution sur la rente inframarginale serait justifiée. Il semble que vous ayez décidé de ne pas reconduire cette contribution dans le PLF. Quelles en sont les raisons ?
L'article 16 prévoit une réforme d'ensemble des redevances perçues par les agences de l'eau. On comprend qu'il s'agit de les rendre plus incitatives et de financer les mesures du plan Eau. La redevance sur la consommation d'eau potable sera due par tous nos concitoyens. Cette mesure se traduira-t-elle par une augmentation de la facture, renchérissant toujours plus le prix des mètres cube d'eau nécessaires aux premiers besoins, qui devraient être gratuits ?
Comptez-vous reconduire le montant et le mode de financement de l'audiovisuel public adoptés l'an dernier ?
Dans un contexte d'inflation persistante, êtes-vous certains de pouvoir mettre un terme au bouclier énergétique ?
Enfin, monsieur Le Maire vous ne m'avez pas habitué à la polémique, mais évoquer l'URSS pour parler du blocage des prix, c'est furieusement seventies. Lors des dialogues de Bercy, vous aviez insisté sur la nécessité de « ne pas désespérer Boulogne-Billancourt ». Cela renvoie aux années où le blocage des prix a été pratiqué en France, non seulement par les gouvernements Maurois et Rocard mais aussi par le gouvernement Barre. Et ce n'était pas forcément l'URSS !