Nombre de questions entrent déjà dans le débat sur le PLF mais, étant président du Haut Conseil des finances publiques, je me garderai d'y répondre. Nous ne sommes pas là pour évoquer des scénarios alternatifs ; ce n'est pas notre mission.
Nous avons jugé que la prévision d'inflation du Gouvernement était plausible. Toutefois, l'incertitude demeure très forte car elle a été établie sur un prix du baril légèrement inférieur à ce qu'il est aujourd'hui. Elle suppose également une régulation des prix alimentaires : celle-ci est en cours mais il reste à préciser jusqu'où elle ira.
Le taux d'épargne est une donnée qui est vue comme en baisse par le Gouvernement. Il faudra poser la question au ministre ; pour notre part, nous ne savons pas l'expliquer. Dès lors, c'est plutôt quelque chose de favorable.
Concernant la productivité, quelques explications sont possibles, comme l'effet de l'apprentissage ou la rétention de main-d'œuvre dans l'énergie. Une hausse de la productivité pourrait être à court terme défavorable à l'emploi mais favorable à long terme à la croissance, et donc aux finances publiques, ce qui serait une bonne chose.
Les 16 milliards d'économies ne constituent pas une politique d'austérité dans la mesure où ils sont pour l'essentiel non structurels. Ils correspondent au retrait de dispositifs qui sont liés à l'évolution des prix d'énergie. Cela n'aura donc pas de conséquence sur la croissance.
S'agissant des retraites, je vous invite à demander directement au Gouvernement le calcul de ce coût de 2,2 milliards d'euros. À ma connaissance, il n'inclut pas les effets de la réforme des retraites sur le RSA.
La lutte contre la fraude ne figure plus dans les mesures évoquées par le Gouvernement en 2024. Ce n'est donc pas un facteur d'ajustement des finances publiques, mais la question mérite sans doute d'être posée.
Une prévision de croissance élevée n'est pas sans effet sur le déficit. Si elle est établie à 0,8 point de PIB, il y aura un déficit supplémentaire de 0,3 point auquel il faudrait répondre soit par une hausse des prélèvements, soit par des baisses supplémentaires de dépenses, ou bien laisser aller l'augmentation du déficit à 4,7 points, ce qui serait vraiment très élevé au regard de nos engagements européens et poserait des problèmes pour la trajectoire future.
Le Gouvernement ne joue pas au 421 ; il parie plutôt sur des comportements économiques vertueux permettant d'aboutir à une prévision élevée. Même si les observations actuelles ne la laissent pas présager comme probable, elle n'est pas impossible. On nous objectera les résultats de l'an dernier qui, à notre sens, ne sont pas totalement expliqués et ne sont pas forcément reproductibles, mais ce sera à vous d'avoir un débat avec le Gouvernement sur ce pari.
La Commission européenne a annoncé que la clause dérogatoire au pacte de stabilité et de croissance serait désactivée à la fin de 2023 et qu'elle ouvrira des procédures pour déficit excessif dès le printemps 2024 sur la base des résultats de 2023. Or le solde public en 2023 demeure sensiblement supérieur à la limite des 3 points de PIB. L'amélioration du solde structurel demeure sensiblement inférieure aux exigences du volet préventif du pacte de stabilité et de croissance. De surcroît, les dépenses continuent à progresser en 2024, davantage que recommandé par l'Union européenne. Conclusion : je préfère nettement que les règles soient réformées et qu'on ait une appréciation davantage basée sur la tendance et l'analyse individualisée des profils de dette publique. Toutefois, cela signifie aussi que notre position relative au sein de la zone euro ne s'améliore pas et que, à notre sens, un effort plus grand est nécessaire.
La crise immobilière, par son ampleur, peut jouer un rôle compte tenu de ses conséquences sur l'investissement des ménages, en baisse en 2023 et dont la baisse en 2024 nous semble sous-estimée par le Gouvernement, et sur les recettes de droits de mutation à titre onéreux (DMTO), en chute de près de 20 % en 2023, la prévision de stabilité du Gouvernement pour 2024 nous paraissant optimiste.
Quant à l'investissement écologique, les 7 milliards de dépenses supplémentaires sont prévus dans le budget 2024. L'impact sur la croissance est incertain selon le rapport Pisani-Ferry-Mahfouz, et pourrait même être plutôt défavorable à la croissance à court terme. Il est pris en compte dans la trajectoire du Gouvernement. Il conviendra d'être attentif aux effets indirects de la dépense publique sur la dette et sur la charge d'intérêt.